Jeunes et anciens – comment éviter la guerre entre les générations ?

Les changements démographiques affectent déjà l’Allemagne. Mais la situation pourra également poser de problèmes en Alsace.

Pourvu que les relations entre les générations resteront aussi harmonieuses. Foto: Klaus D. Peter Wiehl / Germany / Wikimedia Commons / CC-BY 3.0de

(Par Alain Howiller) – «Le vieillissement de la société met à rude épreuve le ‘contrat de génération‘ («Generationsvertrag») qui la sous-tend historiquement… Ce vieillissement a un coût : il s’ agit de savoir, comment ce coût est supporté le plus équitablement entre les générations», relève d’entrée une étude que «l’Institut berlinois pour la Population et le Développement» (Berlin Institut für Bevölkerung und Entwicklung)(1) consacre à l’avenir du Contrat de Génération («Zukunft des Generationsvertrags» qui porte un sous´-titre sans équivoque : «Ou comment les charges du changement démographique peuvent être réparties plus équitablement» («Wie sich die Lasten des demographischen Wandels gerechter verteilen lassen»).

«Depuis des décennies, nous assistons», rappelle le Berlin Institut, «au phénomène d’une diminution des naissances conjuguées à un allongement de la durée de vie, la conjugaison des deux provoque une transformation de l’échelle démographique (de notre société). La part de la population des plus de 65 ans progresse, tandis que la tranche des 15 à 64 ans s’effondre. Ce qui revient à dire que la part de la population active qui contribue pour l’essentiel au financement de notre bien-être social diminue, alors qu’elle doit faire face à une charge de plus en plus importante, due à l’augmentation du nombre de retraités… «La charge à supporter est non seulement liée aux retraités et pré-retraités, mais aussi aux jeunes de moins de 15 ans, qui ne sont pas encore au travail, aux femmes au foyer, aux chômeurs.»

Les élus et la «gérontocratie» des anciens ! – Si la structure et l’importance de la population active reste ce qu’elle est -sans renouveau démographique ou apport du à l’immigration- il y aura, d’après l’étude, en 2050, 100 actifs pour 130 inactifs. En cas de rebond démographique (souhaitable) et d’apport (également nécessaire) d’une population venue de l’immigration, on pourrait arriver à 105 inactifs pour 100 actifs, à l’horizon pris, ici, en compte. La situation dépendra évidemment des choix politiques qui seront faits, souligne le «Berlin Institut» qui met en garde des dirigeants : «Les décideurs politiques («politische Entscheidungsträger») ont tendance («neigen dazu») à privilégier l’effet actuel de leurs décisions, plutôt que de se projeter dans le futur. Ils placent, trop souvent, au centre de leurs décisions, l’intérêt immédiat de leur électorat. Ce comportement ne peut qu’être fatal, car si on se soucie de justice entre les générations, plus on attend pour prendre les bonnes décisions et plus on laisse s’accumuler les charges auxquelles on devra faire face.

Les mesures à prendre -on y reviendra- portent aussi bien sur un encadrement des charges que sur une augmentation des sources de financement : la paix sociale entre les générations, entre les «jeunes – actifs qui payent» et les «vieux inactifs» qui bénéficient des systèmes sociaux, sera à ce prix : si les «actifs» seront d’autant plus disposés à payer le prix de la solidarité, qu’ils seront persuadés que les mesures prises leur profiteront aussi. Alors qu’en Allemagne, 40% des dépenses sociales bénéficient aux «anciens» et que le budget consacré à l’Education représente moins de la moitié de ces sommes, le Directeur du «Berlin Institut» Reiner Klingholtz met en garde contre la tentation des élus de soigner leur électorat, de privilégier les «anciens», qui votent, par rapport aux «jeunes» où l’abstention se pratique davantage : la tentation est grande de se laisser aller à une sorte de «gérontocratie» des anciens, au risque de cultiver une sorte de pouvoir des «vieux» face aux «jeunes» qui ne pourra que finir par provoquer un… conflit de génération !

France et Allemagne : même combat ! – Sombres perspectives qui pourraient s’appliquer aussi bien en France où le chômage -celui des jeunes notamment- pèse sur le financement du «contrat de génération», qu’en Allemagne engagée sur le toboggan d’une démographie déclinangte ! L’âge moyen sera en France de 43,6 ans en 2040, en Allemagne les deux tiers de la population auront à ce moment -selon les projections actuelles- plus de 70 ans ! Actuellement, 20,6% de la population allemande a 65 ans et plus, tandis que près de <4% a entre 0 et 14 ans et un peu plus de 66% a entre 15 et 65 ans. Dans les deux pays, le vieillissement de la population, l’avancée en âge de la génération des «baby-boomers» (1947-1973) produira des effets comparables et dans les deux pays, les premières mesures des gouvernements nouvellement en place ont porté sur les «anciens». Avec notamment, en Allemagne, pour la «GroKo», la mise en place -dans certaines conditions- d’une retraite à 63 ans, d’une retraite facilitée pour les femmes au foyer, d’une augmentation du montant des retraites (avec un coup de pouce pour les régions de l’Est où auront lieu, dans quelques semaines, trois élections régionales)(2), de bonifications pour ceux qui, pour des raisons de santé, ne pourraient pas bénéficier d’une retraite à taux plein… Pourtant, comme le relève l’Institut berlinois : «Les mesures pour plus de justice à l’intérieur et entre les générations devraient avoir comme souci principal, de contenir les dépenses et de trouver des ressources pour les financer !»

Pour une politique familiale active. – Et l’Institut de plaider pour une action sur les deux leviers : l’amélioration des ressources et l’encadrement des dépenses. Une politique familiale active (statut fiscal des familles, amélioration de leur situation financière, développement des crèches et mise en place d’un système pour occuper les enfants l’après-midi, facilitation du travail féminin) qui contribue au redressement démographique et améliore (avec la contribution de l’immigration) les cotisations sociales et fiscales. Respect des mesures d’allongement (67 ans) de l’âge de la retraite pour ce qui est de l’encadrement des retraites qui pourrait aussi s’accompagner de la mise en place d’un système unique (intégration des travailleurs indépendants et des employés).

Voilà donc, en cette fin du mois d’Août qui sent la désormais proche fin de la période estivale, de quoi nourrir les réflexions de la rentrée sociale qui se profile. Soucieux d’avenir, l’Institut de Berlin met en garde contre les risques réels d’une guerre entre les générations, faute de justice sociale. Avec ce rappel qu’il convient de réitérer – faute d’être certains qu’ils pourront profiter à leur tour de dispositions (justes), les jeunes (qui assurent leur financement) pourraient bien ne pas accepter le prix à payer pour la solidarité inter-générationnelle !

(1) Fondé,à Berlin en Août 2000, l’Institut est dirigé par le Dr.Reiner Klingholz. Indépendant de tout financement public, il procède à des études, organise des rencontres, publie des analyses sur les thèmes inscrits dans son intitulé : population et développement. A son origine, on trouve la «Fondation Bosch» (Stuttgart) et la «Fondation Software AG» (Darmstadt). Consulter www.berlin-institut.org !
(2) Les trois élections pour le renouvellement des «Landtage» auront lieu le 31 Août pour la Saxe, le 24 Septembre pour le Brandebourg et la Thuringe.

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