Joachim Gauck : un président comme on les aime…

Le président allemand n’a, en principe, qu’un rôle représentatif et constitutionnel. Joachim Gauck, lui, fait de la politique. Les Allemands apprécient.

Money makes the world go round... mais Joachim Gauck s'oppose au "libre service" des élus. Foto: Victor Dubreuil / PD / Wikimedia Commons

(KL) – Tout semblait si facile. La première décision du nouveau Bundestag constitué fin 2013 en Allmagne, réunissait les élus (sauf quelques rares exceptions dans l’opposition) – pour une augmentation des indemnités parlementaires. Mieux – pour que les augmentations ne fassent pas systématiquement l’objet d’un débat public, les parlementaires avaient eu la bonne idée d’automatiser les futures augmentations en le couplant aux indemnités perçues par les magistrats allemands. Comme toute nouvelle loi doit être signée par le président fédéral, celle-ci passait sur le bureau de Joachim Gauck. Qui lui, n’a pas encore envie de la signer. Les élus fument, les citoyens applaudissent.

Ce n’est pas la première fois que Joachim Gauck intervient dans la politique. Récemment, il avait dynamisé le débat autour de l’extrême-droite allemande en la qualifiant de «cinglés», ce qui lui avait valu un procès devant la Cour Consitutionnelle à Karlsruhe qui elle, heureusement, avait décidé qu’un président allemand avait parfaitement le droit d’appeler des cinglés des cinglés.

Gauck avait également pris position par rapport au scandale NSA en invitant autant le gouvernement américain que le gouvernement allemand à mettre de la lumière sur cette affaire. Des déclarations que normalement, un président allemand ne fait pas. Joachim Gauck, lui, interprète son poste de manière plus moderne. Au lieu de se limiter à serrer les mains des visiteurs officiels, il agit comme le dernier rempart du bon sens de la politique – quitte à s’attirer les ires de la classe politique à Berlin.

Normalement, la nouvelle loi sur l’augmentation automatique des indemnités parlementaires devait entrer en vigueur le 1er juillet. Pour cela, il aurait suffit que Gauck la signe. Mais il a reporté sa signature, en demandant à son service juridique de vérifier si cette augmentation automatique était conforme à la constitution allemande.

Hormis le fait que les juristes du «Bundespräsidialamt» aient déjà émis des doutes quant à la conformité de cette loi, les élus à Berlin sont furieux. Au lieu de faire passer cette loi en silence, le refus de Gauck de signer a relancé le débat sur la moralité de la démarche.

Il est vrai qu’à un moment où les gouvernements, le gouvernement allemand en tête, appellent à l’austerité, aux économies, à la modération salariale, cette augmentation «en libre service» est mal vécue par les Allemands qui ont l’impression que les élus se servent d’abord avant de se pencher sur les dossiers politiques.

A Berlin, dans le monde politique, Joachim Gauck n’est pas apprécié. «Qu’il inaugure des expositions, qu’il organise des des fêtes pour les ambassadeurs, mais qu’il cesse de s’ingérer dans les affaires politiques», peut-on entendre dans les couloirs berlinois. Toutefois, pour l’instant aucun élu n’a le courage d’avancer le visage découvert contre l’action du président fédéral – Gauck a tellement la côte chez les Allemands que toute attaque pourrait se retourner contre l’attaquant.

Il est vrai que Gauck a rompu avec une longue tradition, celle de la non-politisation de son poste. Jamais on a entendu un président allemand inviter la jeunesse du pays de «déscendre dans la rue pour montrer à ces cinglés [l’extrême-droite] qu’il y a des limites». Mais puisque les élus n’ont pas le courage de prendre ainsi position, Gauck devient ainsi le défenseur du bon sens à Berlin. Espérons qu’il tienne bon…

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