Le Journal de la guerre (1)

Le musicien et entrepreneur Dmytro Kushnir raconte la vie d'une famille ukrainienne dans cette guerre terrible. Sans filtres, sans propagande, une vie dans la guerre qui a tout chamboulé et qui continue de le faire.

Dmytro Kushnir parle de la vie dans une guerre terrible. Car il s'agit d'êtres humains. Foto: privée

(Dmytro Kushnir) – Je ne croyais pas que la guerre à grande échelle était possible, tellement ça me paraissait absurde et illogique. Mais je me suis trompé, tout comme des millions de mes compatriotes.

Nous, les Ukrainiens, savons que la guerre dure, en réalité, depuis 2014, et ce qui nous arrive depuis le 24 février 2022, n’est finalement rien d’autre qu’une énorme escalade… Et c’est aussi une histoire qui se répète, car la Russie a toujours été notre plus grand ennemi. Depuis le XVIIe siècle, le début de la colonisation. L’histoire a des explications à tout.

Je m’appelle Dmytro Kushnir, de nationalité ukrainienne, né et toujours vécu en Ukraine. Entrepreneur, consultant en commerce international, spécialisé dans l’apiculture. Musicien, batteur, cofondateur du groupe de rock et de métal alternatif Harmata, et membre de Haydamaky, le célèbre groupe de folk-rock, bien connu non seulement en Ukraine, mais aussi au-delà de nos frontières.

J’ai 42 ans, je suis marié, nous avons deux enfants, adolescents de 14 et 16 ans. Nous habitons dans la capitale, à Kyiv, dans un quartier dortoir au nord-ouest de la ville.

Tout le monde parlait de la guerre bien avant le 24 février et on sentait la tension monter en l’air, d’un jour à l’autre. Les ambassades rapatriaient leur personnel, nos clients reportaient leurs voyages d’affaires… alors que la plupart des Ukrainiens semblaient être tranquilles et continuaient à vivre normalement. Il est vrai aussi qu’il y avait parmi nous des gens qui étaient extrêmement inquiets, voire paniqués. Mais la majorité était sûr qu’il n’y aurait pas de grande guerre, au maximum une escalade au Donbas… Ce n’est que plus tard que nous avons appris que l’armée était prête à affronter les énormes convois des blindés russes, qui ont fait peur au monde entier. Et que les autorités envoyaient des messages rassurants à la société pour éviter la panique.

J’étais réveillé le 24 février au matin par ma femme, qui me disait « Lève-toi, ça y est, ça a commencé ». « Quoi? Qu’est-ce que tu racontes? Qu’est-ce qui a commencé ? », je lui répondais encore à moitié endormi. « La grande guerre. Regarde par la fenêtre ».

Il était à peine 7h du matin. L’invasion durait déjà depuis quelques heures. Sorti sur notre balcon, j’ai vu la grande queue se former à l’entrée du supermarché en bas de chez nous.

On entendait des explosions quelque part dans la ville. C’était les premiers missiles que les russes nous envoyaient, par grand amour qu’ils ont envers nous…

On entendait aussi le bruit des combats qui se déroulaient déjà sur l’aéroport de Hostomel, à une petite vingtaine de kilomètres de chez nous. Mais en ce moment, on ne savait pas ce que c’était.

Les gens allaient et venaient dans les rues du quartier. Des queues aux supermarchés, aux pharmacies, aux distributeurs. Mais aucune panique dans les conversations. Tout le monde était concentré et semblait savoir quoi faire. Chacun avait son plan d’action.

Nous aussi, nous avions notre plan.

A suivre…

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