Joyeux Noël !

Engendrons en nous le p’tit Jésus !

Nativité, d'un Maître inconnu de Strasbourg, vers 1410, Musée de l'Oeuvre Notre Dame Foto: crdp-strasbourg / Wikimédia Commons / CC-BY-SA/ PD

(MC) – On perçoit déjà les tintements du traîneau et les coups de fouet peu vegan du Père Noël autour de ses rennes. Ce soir, c’est Noël, Wihnachte, les Nuits sacrées.

On dit que le Père Noël descend avec ses paquets de poupées Barbie et ses playmobils de la Laponie finlandaise – normal, les gentils Samis lui bichonnent ses rennes durant le reste de l’année, afin qu’ils soient bien en forme au jour solennel. Non loin de là, les douze trolls de Noël viennent hanter les cuisines et les logis d’Islande, du 13 au 24 décembre : ils chouravent du beurre, font claquer les portes et claquent les fesses rebondies des jeunes paysannes, lèchent les cuillers des enfants et des vieillards, déglutissent le contenu des tonneaux et engloutissent les morues qui sèchent.

Un peu plus bas, le 13 décembre, un merveilleuse jeune fille avance, vêtue tout de blanc, une couronne de lumière sur sa belle chevelure dorée – ou pas, il y a beaucoup de brunes superbes, en Suède. Et dans toute notre chère Europe, le solstice d’hiver et la naissance du Christ connaissent diverses déclinaisons : en Italie, on se souvient de Befana, la fée qui vient visiter les logis les plus humbles. Et ainsi de suite, et partout.

Nous avons écrit beaucoup d’articles sur les traditions de Noël en Alsace. Des traditions que pour certaines, on pratiquait assez récemment. En Alsace apparaissait, encore aux temps de nos parents, le Christkindel, l’« Enfant Jésus ». En réalité, cet « Enfant Jésus » revêtait les apparences d’une sorte de fée qui ressemblait à s’y méprendre à la Sainte Lucie scandinave ; c’est cette blanche jeune femme qui distribuait les cadeaux. Avec cette sorte de walkyrie attardée, une foule d’autres traditions ont disparu dans les combles de la consommation de masse.

Assez récemment, nous nous sommes dits que rien ne servait de rappeler sans cesse ces traditions : jamais plus elles ne seront revivifiées, sinon au prix d’un artifice pénible et absurde. Et sans doute mercantile, puisqu’il semble que c’est la destinée de la civilisation occidentale. Noël, ce n’est tout simplement plus cela. Cela : cette joie scintillante et recueillie à la fois, éclatante et silencieuse, qui baignait dans une religiosité effective, sinon une foi. Cette intuition de la Vie et de la Mort au cœur de la Nuit sacrée. C’est d’ailleurs cette ambiance très singulière et irremplaçable qu’on s’obstine souvent à maintenir ou à retrouver. En vain et au prix de scènes familiales qui engendrent les légendaires migraines de la Saint-Etienne, un saint martyr, justement, le 26 décembre.

Nostalgie ? Non : des joies intenses et profondes remplacent celles de nos pays d’enfance. Mais qu’est-ce alors aujourd’hui que Noël ? Un repas, des joies en famille, avec des amis, une fête détendue, oui oui. Et en tout cela, dans un mesure plus ou moins large, un jeu de rôles. Mais surtout, lorsqu’ on a effeuillé l’artichaut de Noël jusqu’à son cœur : on trouve la Paix.

Noël, et ce n’est pas nouveau, c’est la Fête de la Paix. La Paix comme la non-guerre, certes, le repos des divisions blindées et des insultes à ceux qui sont différents ou de ceux qui ne s’en remettent pas de ne pas l’être, le repos sur les ronds-points avinés ; le repos dans les agressions permanentes au plus défavorisés. Mais la Paix de Noël, c’est encore bien plus profond, c’est bien davantage que cela.

C’est la Paix positive, non pas seulement l’absence d’agression et de bellicisme ; c’est la Paix intérieure, en nous. C’est cette Paix là qui nous réalise, qui nous accomplit, comme l’implique parfaitement le terme hébreu de SHALOM. La Paix réelle, la vraie Paix qui épanouit.

Mais … Et le p’tit Jésus dans tout cela ? Où donc s’est-il enfui ? Le bœuf et l’âne gris, oui oui, et les rois mages qui se rapportent à leur pelage, mais… Pour un homme ou une femme du XXIème siècle, prématurément vieillis par Auschwitz, Hiroshima, le foie gras et le viagra ?

Eh bien, il reste… Il reste Noël comme la naissance de Christ en nous : Christ, la figure de la douceur absolue, de la révolte absolue contre la dureté des rites sociaux et leur hypocrisie meurtrière. Douceur et révolte sans nulle concession. Jésus ? En tout cas, sans doute, Jésus comme exemple (Kant le disait déjà) davantage que comme personne marquée par les contingences et les particularités de sa culture et des nôtres. Il naît en nous, Jésus : nous sommes les mères de Jésus, de cette Paix de Noël. Nous accouchons de Jésus.

Johannes Tauler, notre mystique strasbourgeois du 14ème siècle qui passait tous les jours devant le Snack Michel (qui, hélas, mettra encore 6 siècles avant d’exister) l’écrit magnifiquement, à propos de Noël :

« Ce qui t’est le plus proche, voilà ton ennemi : cette multiplicité d’images, qui cache en toi le Verbe, et s’étendent sur lui, empêche cette naissance en toi, sans que pourtant cette Paix ne te soit entièrement enlevée. Cette Paix ne peut, il est vrai, régner toujours en toi. Mais c’est par elle, pourtant, que tu deviendras mère spirituelle de cette naissance. Puisse donc chacun de nous donner place en lui à cette noble naissance, afin de devenir une vraie mère spirituelle. »

Prendre joie à Noël, oui, c’est engendrer en nous la Paix.

 

1 Kommentar zu Joyeux Noël !

  1. HEMMERLÉ Pierre // 24. Dezember 2018 um 22:22 // Antworten

    Un Noël comme il vient d’être décrit ici, on en voudrait un tous les jours de l’an.
    Merci

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