Jusqu’à ce qu’elle ouvre…

Samedi, les citoyens et citoyennes badois et alsaciens manifesteront encore une fois pour l'ouverture de la frontière. Foto: (c) Florence Grandon (France Télévisions)

(KL) – Si ce matin, vous voyez le tram de la ligne D traverser le Rhin, ne vous réjouissez pas trop vite. Car ce vendredi matin, la CTS n’effectue que des tests pour voir si les installations du tram sont encore en bon état de fonctionnement après deux mois d’inertie. Et ne croyez pas les « actualités » enthousiastes qui vous raconteront aujourd’hui que le tram circule à nouveau entre Strasbourg et Kehl et que la frontière est ouverte. Elle ne l’est pas.

Raison suffisante pour les « manifestants du week-end » de se retrouver une nouvelle fois à 11h45 le long de la rive, à proximité des ponts, pour déployer quelques minutes plus tard des parapluies et drapeaux européens. Cette initiative, lancée il y a trois semaines par le « feu follet » des relations franco-allemandes Peter Cleiss, est censé envoyer un message d’amitié et de solidarité aux habitants de l’autre rive du Rhin – car depuis plus de deux mois, cette frontière que nous pensions tous abolie depuis des années, nous sépare à nouveau.

Certes, certains allègements ont été opérés pour faciliter le passage de cette frontière, mais ces allègements ne concernent que les travailleurs et travailleuses frontalières et des personnes pouvant faire valoir une « raison impérieuse », comme des impératifs familiaux. Par ailleurs, cette frontière est fermée, et même si son ouverture est prévue pour le 15 juin, cette date pourrait aussi être à nouveau reculée en cas d’incident, comme une nouvelle montée du nombre de personnes infectées.

Bien sûr, toutes les têtes bien pensantes se mettront à reconstruire la coopération franco-allemande dès que cette frontière ouvrira à nouveau, mais les « manifestants du week-end » ne veulent pas attendre le jour J pour affirmer leur engagement pour cet « espace de vie commun » qui n’est plus commun depuis plus de deux mois.

Sans doute, on entendra samedi une nouvelle fois l’Ode à la Joie composée par un grand Rhénan, Ludwig van Beethoven, sans doute on verra à nouveau flotter le drapeau bleu orné d’étoiles dorées, sans doute, beaucoup de gens ouvriront leur parapluie en guise de « Rettungsschirm » (« parapluie de sauvetage », expression allemande pour les programmes de sauvetage financier au sein de l’UE) – et ces manifestations rappelleront que cette fermeture de la frontière casse beaucoup de ce qui a été construit les dernières décennies entre les deux pays.

Il ne s’agit pas de se laisser aller à un « catastrophisme franco-allemand », il sera possible de relancer les relations entre l’Allemagne et la France, mais le rétablissement d’une confiance mutuelle prendra du temps. On ne peut pas non plus faire semblant que rien ne se soit passé à cette frontière, il conviendra d’analyser les incidents et réagir pour que ces choses-là ne puissent plus se reproduire à l’avenir.

Un enseignement de cette fermeture de la frontière est déjà acté – il ne faut plus que les décisions concernant la vie le long des frontières, soient uniquement prises dans les capitales, loin des réalités du terrain. Un deuxième enseignement s’impose : les relations franco-allemandes ne valent rien sans les citoyens et citoyennes. Les « manifestants du weekend » sont les seuls à avoir montré un vrai attachement à cette amitié franco-allemande qui ne joue pas un rôle majeur dans les considérations des gouvernements nationaux. Espérons que ces enseignements ne tomberont pas déjà dans les oubliettes le jour même de l’ouverture de cette frontière…

Manifestation (en respectant tous les gestes-barrière)
Samedi, à partir de 11h45 sur les rives du Rhin, à proximité des ponts.
Apporter un parapluie ou un drapeau européen pour saluer les manifestants sur l’autre rive !