Kaboul : la fin de la « Bidenmania » ?
C'est à l'aéroport de Kaboul que le monde découvre la nouvelle doctrine de Joe Biden. "America is back", mais pas vraiment comme on l'avait espéré...

(Alain Howiller) – En tournée de « promotion » (!?) en Asie, Kamala Harris, la Vice-présidente américaine, a tenu à rassurer les alliés des Etats-Unis sur la présence des forces de son pays dans la région ! Après la misérable sortie d’Afghanistan, rappelant les efforts de son pays pour contenir une Chine qui veut affirmer un pouvoir discrétionnaire sur la Mer de Chine, elle a souligné à Singapour : « La raison pour laquelle je suis ici, est parce que les Etats-Unis sont un leader mondial et que nous prenons ce rôle au sérieux ! »
Dans le contexte de la débâcle afghane, l’affirmation était, sans aucun doute, indispensable, mais était-elle audible, pour ne pas dire crédible ? Il ne suffit pas de remplacer « America first » de Donald Trump par « America is back » de Joe Biden, pour que les slogans s’imposent à un monde fasciné, jusqu’ici, par une « Bidenmania » (1) qui aura, désormais, du mal à se… pérenniser !
Biden : la côte de popularité trinque ! – Déjà la côte de popularité du président, sondages à l’appui, a chuté et devant ce que von der Leyen a appelé « un revers majeur de l’Occident », les élus démocrates s’interrogent sur l’effet que pourrait avoir la déplorable sortie d’Afghanistan sur les élections de « mi-mandat (mid term) » qui renouvelleront, l’année prochaine, la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat. Médusés (on le serait à moins !), les alliés des Etats-Unis d’Amérique se frottent les yeux en relisant ces propos d’Antony Blinken, le secrétaire d’Etat de Washington, affirmant, lors d’une visite en France : « Notre force, c’est la capacité de rassembler des pays, parce qu’ils nous font confiance pour diriger. Personne ne sait unir les autres comme nous ! »
Faut-il se contenter de constater « qu’il y a loin de la coupe aux lèvres », comme le rappelle cet aphorisme venu de la lointaine « Renaissance » devenu dans les pays du Maghreb et tout particulièrement en… Tunisie : « Entre la cuillère et la bouche, il existe un juge qui autorise cet acte ! » Faut-il espérer que le forum mondial sur « démocratie et autocratie » que Joe Biden veut organiser, contribuera à restaurer une image froissée ? Faut-il enfin construire -notamment en Europe- des solutions alternatives au leadership américain ? Faut-il abandonner l’idée missionnaire que nos modes de gestion démocratique sont exportables dans le monde entier ? Faut-il, dès lors, ignorer cet avertissement hérité (et oublié !) de la Révolution Française : « Personne n’aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis ! », disait… Robespierre !
Débat houleux au Bundestag. – Ce n’est sans doute pas un hasard, alors que Annegret Kramp-Karrenbauer, la ministre fédérale de la défense (malgré la campagne des élections législatives) affirme assumer les échecs des évacuations de l’aéroport militaire de Kaboul, si Heiko Maas, le ministre (SPD) des Affaires Etrangères allemand, s’interroge sur le rôle des Etats-Unis et de l’armée américaine et se rapproche du concept, cher à Emmanuel Macron, « d’autonomie stratégique européenne » !
Dans un pays traditionnellement proche (trop proche parfois) des positions américaines, l’évolution est significative du trouble qui a saisi les alliés et, plus généralement, les membres de l’OTAN ! Après un débat houleux au Bundestag où (pas seulement) l’opposition est montée au créneau contre la gestion par Angela Merkel de l’évacuation de Kaboul, la Ministre de la Défense, rappelant que le sort de l’aéroport de la capitale afghane était entièrement entre les mains des « Américains qui, eux, avaient les moyens », a évoqué, à son tour, la création d’un pôle européen au sein de l’OTAN, création qui relève d’une volonté politique et qui aura nécessairement un coût ! Kaboul, aura-t-elle une influence sur les élections du 26 Septembre ?
On reparle de… Nord Stream II ! – Dans le contexte des doutes nés de la gestion de la crise par leur « grand frère US », même les Britanniques se sont émus de l’attitude de Biden qui a mis 24 heures pour prendre Boris Johnson au téléphone, alors que le premier ministre britannique demandait que la date-butoir du 31 Août pour mettre un terme aux opérations d’évacuation soit reportée. Johnson ne savait pas encore que Joe Biden avait décidé de réserver, cinq jours durant, l’exclusivité des évacuations aux seuls citoyens américains et à leurs collaborateurs afghans ! Décidément, le président américain, dont pourtant on vantait l’expérience dans le domaine des relations internationales, au point que le président chinois l’appelait « son ami » lorsqu’il était vice-président de Barack Obama, n’aura pas mis longtemps pour imprimer… une (« sa » ?) marque dans le domaine de ce qu’on appelait dans les universités le « Droit des Gens ! »
Les tensions entre alliés se sont installées… jusqu’au président ukrainien qui se plaint de l’accord américano-germanique qui permettra la mise en service, sous la Baltique, du « gazoduc Nord Stream 2 » qui amènera le gaz russe en Allemagne, sans transiter par l’Ukraine, qui perd ainsi d’importants droits de passage ! Finalement, Kaboul aura semé la zizanie entre alliés, au risque de plonger à nouveau l’OTAN dans ce que le Président français avait appelé « une mort cérébrale », et qui déchire l’image de l’Amérique et de l’Occident en général.
L’ombre portée de Winston Churchill ! – Au risque de démentir ces propos bien connus de Winston Churchill affirmant que « la Démocratie est la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps ! ». Transmis aux pays émergents et à ceux qui, au Proche et au Moyen Orient notamment, s’interrogent sur l’avenir de leurs régimes.
Sans oublier la manière dont la victoire des Talibans relancera l’obscurantisme chez ceux qui préfèrent la bombe au stylo ! Après Kaboul, tout sera à reconstruire et l’Union Européenne, en particulier, devra reprendre en mains la totalité de son destin. Sans pour autant vouloir construire un nouveau… mur de l’Atlantique, mais sans oublier, dans le même temps, cet aphorisme venu « d’Antigone II », un… roi de la Macédoine (celle de l’antiquité !) : « Dieux gardez-moi de mes amis ! Quant à mes ennemis, je m’en charge ! »
(1) Voir eurojournalist.eu du 21.06.2021.
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