Kosovo : De l’air frais !

Des résultats ambivalents, pourtant

Vjosa Osmani, 37 ans, bientôt Première ministre du Kosovo ? Foto: Egnesa Vitia/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – La gauche souverainiste de Vetëvendosje (Autodétermination) l’a emporté aux législatives de dimanche dernier. Pour la première fois, les anciens combattants corrompus issus de l’ex UÇK, dans les années 1990, ont perdu les élections. Une victoire historique pour les forces du renouvellement, mais des aspects peu rassurants pour l’avenir du Kosovo…

La victoire de Vetëvendosje est mince comme un cheveu : 25, 5%, contre l’immédiat second, la Ligue Démocratique pour le Kosovo (LDK), un parti centriste et fervent partisan de l’entrée dans l’Union Européenne – au contraire de son concurrent victorieux. La LDK a fait 24, 8 % ! Et le Parti au pouvoir, le PDK, n’a fait « que » 21% des voix, tandis que celui du Premier ministre sortant Ramush Haradinaj, l’AAK, en a rassemblé 11, 5 %.

Autodétermination, Vetëvendosje, dont le héros est désormais le vainqueur Albin Kurti, peut être désigné comme un parti « populiste de gauche » – typique de cette idéologie pour laquelle il ne faut pas laisser l’idée de nation à la droite ou à l’extrême-droite. Ce n’est pas nécessairement de bon augure : les risques d’une démagogie à la Chavez sont assez grands, et les promesses de prospérité beaucoup moins. Il faut nuancer cette estimation, cependant, puisque assez visiblement, le parti sentant le pouvoir venir a atténué son gauchisme primitif – il contenait un nombre non négligeable de membres qui professaient une véritable nostalgie du régime d’Enver Hoxha. Le dictateur stalinien qui, entre 1945 et 1982, a dégoûté les Albanais à tout jamais du gombo congolais, servi quotidiennement durant 25 années de censure, de brutalité idéologique et d’isolement international.

Et pourtant, la joie d’une immense foule de Kosovars a éclaté dimanche soir lorsqu’ils ont pu constater que l’ère des anciens combattants semblait s’achever enfin. Anciens combattants de l’UÇK, le mouvement indépendantiste qui a gagné, avec l’aide puissante de l’ONU et de l’OTAN, l’indépendance face à la Serbie. Une classe de politiciens (celle qui peuple les rangs du PDK et de l’AAK de Ramush Haradinaj) comme on en connaît certes en d’autres pays : ceux qui considèrent que les citoyens leur doivent tout, à commencer par l’obligation de les remercier sans cesse ; et qui par conséquent, se servent largement et s’accaparent les richesses du pays. Et celles de l’Union Européenne aussi, puisque leur corruption va de pair avec un discours pro-européen bien rôdé, qui fonctionne en roue libre et sur lui-même.

On sent un brûlant espoir, à Priština, de se débarrasser enfin de cet enchevêtrement de crime organisé, de favoritisme et de corruption qui caractérise encore la politique, d’une manière générale,dans les Etats des Balkans. La conscience citoyenne des Kosovars, comme presque partout ailleurs dans la péninsule, ne cesse de mûrir, et elle atteindra de beaux résultats bientôt, espérons le.

En tout cas, on a appris hier, excellente nouvelle, que les 2 partis désormais dominants s’allieront pour former le nouveau gouvernement. Vetëvendosje s’unira donc avec ce parti centriste qu’est le LDK. Le LDK, c’est le parti fondé en 1989 par l’admirable Ibrahim Rugova, et l’histoire de nombre de ses militants est sanglante : ils ont subi, entre 1998 et 2001, au début de l’indépendance, la torture, l’assassinat et l’emprisonnement par les futurs fondateurs du PDK et leurs spadassins.

Alors, peut-être bien que la nouvelle Première ministre s’appellera Vjosa Osmani. Cette femme remarquable âgée de 37 ans, diplômée de Pittsburgh,professeure de droit, s’est fort bien positionnée pour cette fonction et a tenu des discours admirables : sur la nécessité de sortir enfin de la société patriarcale (les violences domestiques sévissent très durement au Kosovo), de développer le pays et de mettre enfin un terme à la corruption qu’on croyait longtemps endémique.

Autre sombre histoire : à l’intérieur des frontières du Kosovo subsistent quelques reliques de la population serbe, chassée (ou massacrée) dans les années 1990. Les Serbes présentaient leur propre liste, qu est le produit de la répression de toute opposition au régime serbe de Belgrade. Et du meurtre de l’un de ses principaux opposants, Oliver Ivanović, le 16 janvier 2018. Ce qui a permis au Président serbe, Aleksander Vučić, d’annoncer la victoire éclatante de « ses » candidats…

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire !

 

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