La bête n’est pas morte…

L'horreur cotoie la banalité du quotidien. Pour voir où mènent les idées haineuses de l'extrême-droite, une visite du camp de concentration de Dachau est recommandée.

Dachau. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – Tout semble si normal. Le long des murs gris du mémorial, la circulation sur la Vieille Route des Romains est dense. Un parking. Payant. Un McDo. Un supermarché de bricolage. Des maisons construites dans les années 60. Un arrêt de bus. La vie. Tout semble si normal. A cent pas du lieu d’un des plus horribles crimes contre l’humanité. Rien n’est normal. A Dachau.

A Dachau, petite ville aux portes de Munich, le camp de concentration fait presque office d’une attraction touristique. Le parking est payant pendant les mois d’été, 3 € pour les voitures et motos, 5 € pour les camping cars. Qui l’eut cru qu’un camp de concentration puisse encore rapporter de l’argent en 2017 ? L’idée que les descendants des victimes de la barbarie nazie doivent s’acquitter d’un droit de stationnement pour se recueillir à l’endroit où leurs proches ont été torturés à mort, est insupportable.

Tout est normal dans la petite ville de Dachau, même ce site qui matérialise le mal absolu et qui fait, en quelque sorte, partie du paysage. A Dachau, on vit avec son camp de concentration qui se situe entre des quartiers populaires, un centre de loisirs et une église. Mais comment peut-on vivre dans un appartement avec vue sur les miradors et les barbelés ? Cette normalité est aussi choquante que l’endroit, c’est « la banalité du mal », comme disait Hannah Arendt.

« On n’était pas au courant », telle était l’excuse des générations précédentes, de ces générations qui ont vécu l’époque des nazis et Dachau est la preuve que c’est faux. Un camp de concentration niché au coeur de la petite ville bavaroise, des miradors que personne ne pouvait ignorer, un four crématoire qui tournait quasiment sans cesse. Probablement, dans les années 30, la présence du camp était déjà aussi « normale » qu’aujourd’hui. A Dachau, on a appris à s’arranger avec une horreur indescriptible.

L’époque nazie est révolue, mais on le sent – la bête n’est pas morte. A Dachau, il manque quelque chose. Le regret visible. L’aveu d’une culpabilité collective. On s’attend à ce que la promesse « jamais plus ça » soit proposée aux visiteurs. On espère une volonté tangible de surmonter ce passé par un présent engagé contre la haine, le racisme, le mal. Mais Dachau reste muet. Une ville coincée dans sa banalité.

Est-ce que les gens à Dachau sont fiers d’être des Dachauiens ? Comment disent-ils, lorsqu’ils voyagent à l’étranger, d’où ils viennt ? Est-ce que cette normalité dachauienne ne constitue pas un deuxième mépris des victimes du nazisme ?

On aurait aimé que Dachau soit autrement en 2017. On aurait imaginé cette ville comme un haut-lieu de la lutte contre le fascisme, comme un centre mondial de la sensibilisation contre la barbarie, pour la paix, pour l’entente entre les peuples et les religions et les sexes et tout le monde. Nous sommes tous les juifs, les musulmans, les noirs, les blancs de quelqu’un. Et là où les horreurs de l’humanité se répètent, elles se répètent dans la même normalité, la même froideur.

Mais Dachau se trompe. Son auto-absolution et transformation en « ville normale »  est venu trop vite. Car ce que représente Dachau, est en train de se réveiller. En 2017, un peu partout en Europe, une extrême-droite défendant des idées proches de celles des nazis, sort de ses cachettes. En 2017, elle voudrait à nouveau interner des gens à cause de leur religion, de leurs convictions politiques, de la couleur de la peau. En cette année 2017, au moment d’aller voter, il convient de penser à Dachau. Au Struthof. A Theresienstadt. A Auschwitz. A Buchenwald. A Treblinka. S’opposer à tous ceux qui défendent à nouveau cette haine, n’est pas l’expression d’une opinion politique, mais un devoir civique.

Personne ne devrait s’amuser à jouer avec le feu. On ne peut tout simplement pas voter pour des formations qui aimeraient raviver l’horreur de ces camps. Chaque vote pour une telle formation politique constitue une nouvelle insulte aux victimes du nazisme. Il est temps de se réveiller.

ok d2

ok d3

ok d4

ok d5

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste