La brasserie alsacienne a retrouvé sa croissance !

Alain Howiller se penche sur une spécialité alsacienne… moussante…

De l'eau, du houblon et de la levure - hoplà. Foto: Benreis / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – S’il est de tradition d’affirmer « qu’une hirondelle ne fait pas le printemps », on va peut-être devoir s’habituer au fait que le « lancement de la bière de printemps »(1) et surtout la dégustation organisée par le « Syndicat des Brasseurs de France » à l’intention du Président de la République marquent désormais le renouveau d’une boisson qui, pour la sixième année consécutive, semble enfin sortir du déclin constaté 6 années durant… S’adressant à Emmanuel Macron lors de la dégustation du 22 Mars, l’Alsacien François Loos, ancien Ministre, conseiller municipal de Strasbourg et président du « Syndicat brassicole » a constaté, devant une cinquantaine de brasseurs réunis pour l’occasion : « Cette réception est un témoignage important et supplémentaire du dynamisme de notre secteur et de son ancrage culturel en France ».

Si pour « l’ancrage culturel », il reste sans doute encore de la marge (les Français consomment un peu moins de 30 litres de bière par an et par tête contre presque… 105 litres en Allemagne !), les statistiques confirment, elles, le dynamisme : en 2018, la production de bières a progressé de 6% et le chiffre d’affaires du secteur d’activité a, lui, augmenté de 7% ; même la vente en restauration a progressé.

De Mulhouse à Strasbourg. – En lançant la bière de printemps à Mulhouse, conformément à une tradition récente (la « bière de Noël » est, quant à elle, traditionnellement lancée à Strasbourg), Eric Trossat, Président du Syndicat des Brasseurs d’Alsace et fondateur – en 1990 – de la micro-brasserie d’Uberach, soulignait : « Cette bière de printemps réveille les papilles au sortir de l’hiver. Elle est fleurie, pas trop amère, composée avec des houblons aromatiques qui représentent la diversité florale du printemps ! » Moins lyrique mais plus didactique (il n’oublie pas qu’il est polytechnicien de formation), François Loos devait rappeler, à cette occasion, que le nombre de brasseries avait augmenté en France de 600 établissements l’année dernière, portant ainsi à 1.600 les unités de brassage. On ne comptait plus qu’une vingtaine de brasseries en 1980 ! L’Alsace première région brassicole de France assure 60% environ de la production nationale (2)

« Les brasseries sont créatrices d’investissements, aussi bien à la campagne que dans les villes. Et la tendance ne faiblit pas. » Dans cet état des lieux, l’Alsace, qui compte aussi bien de grosses unités (la brasserie néerlandaise Heineken à Schiltigheim, le centre de brassage le plus important de France à Obernai qui appartient au groupe danois Carlsberg), des centres de moyenne importance (Météor à Hochfelden, la dernière brasserie indépendante de ce type, la brasserie de la Licorne à Saverne qui relève du groupe sarrois Karlsberg), une quarantaine de micro-brasseries et de brasseries artisanales (3). Le tout représentant près de 3.000 emplois alors que l’industrie agro-alimentaire alsacienne -dont relève le secteur du brassage – emploie un peu plus de 16.000 personnes.

Innovatrice et créatrice d’emplois ! – C’est dire l’importance d’une activité qui crée de l’emploi, qui innove (Obernai, par exemple, a un centre de recherches important), diversifie sa production, s’inscrit dans le paysage touristique (visite d’usine, création d’une « route de la bière », organisation de manifestations, ouverture de centres muséographiques comme « La Villa » chez Météor) et qui investit dans des secteurs porteurs. L’exemple récent des deux éternels rivaux – Heineken et Kronenbourg – est significatif à cet égard.

Kronenbourg a ainsi annoncé qu’il investirait 45 millions d’€ dès cette année sur une tranche de 100 millions à assurer d’ici à 2021 pour « moderniser le site d’Obernai, pour augmenter sa capacité de production mais aussi, souligne J. Abecassis, PDG de Kronenbourg SAS, pour renforcer notre politique de développement durable. » L’entreprise a également dégagé 300.000 euros sur 5 ans pour participer au financement de recherches sur de nouvelles variétés de houblon, consolider et développer la politique visant à promouvoir la bière sans alcool dont le marché se développe alors qu’il ne représente encore que 4% des ventes contre 7% en Allemagne. Kronenbourg, qui avait lancé dès 1960 sa bière sans alcool (Tourtel), assure aujourd’hui 70% des ventes en France de ce type de boisson. Heineken ne pouvait rester en marge de ce gisement de croissance !

Le succès des bières sans alcool. – Alors que le groupe néerlandais ne s’est lancé dans ce type de produit qu’en 2017 et que les ventes ont doublé en un peu plus de un an, il va investir 6 millions d’euros pour installer la production de bière sans alcool sur son site de Schiltigheim, à côté de Strasbourg. Le groupe vise 200.000 hectolitres produits dans l’unité alsacienne : la « Heineken 00 » n’était, jusqu’ici, que produite aux Pays-Bas. L’engagement sur ce créneau des deux géants est suivi avec un intérêt tout particulier par les centres de brassage en Alsace où on consomme une soixantaine de litres de bière par tête et par an, soit presque le… double de la consommation française (32 litres) !

Un certain nombre de brasseries alsaciennes (y compris des micro-brasseries ou des brasseries artisanales) seront elles aussi engagées sur le créneau « 00 », d’autant que le marché régional et national, selon le PDG de Kronenbourg, « est en croissance. La bière doit son succès à une tendance de fond plus qu’à une mode. Les Français commencent à l’apprécier presque autant que le vin. » Et enfin, pour reprendre un slogan bien connu désormais en France, « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération ! »

(1) La « bière de printemps » jadis appelée « bière de mars » ou encore « bière de saison » trouve son origine, au Moyen Age, dans le Nord de la France, à Arras vraisemblablement. Première bière au sortir de l’hiver, elle est houblonnée, maltée, légèrement colorée et épicée à faible teneur d’alcool. Son goût peut varier selon l’imagination du brasseur.

(2) Voir aussi eurojournalist.eu du 25 Mai 2016

(3) La « micro-brasserie » brasse moins de 1.000 hectolitres de bière par an.

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