La CEA arrive à pas de géant

La « Collectivité Européenne d'Alsace » se met en place : au-delà d'un simple affichage !

En rouge - la future "Collectivité Européenne d'Alsace - CEA". Foto: Rinaldum / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – L’anniversaire a été fêté dans la discrétion : il y a un peu plus d’ un an, le 2 août 2019, était promulguée la loi relative aux compétences de la future « Collectivité Européenne d’Alsace – CEA ». Celle-ci sera mise en place le 2 Janvier 2021, lors d’une assemblée constitutive qui réunira les élus des Conseils Départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, désormais fusionnées au sein d’une même collectivité. L’assemblée se réunira à Strasbourg dans la salle de réunion de l’Assemblée plénière de la Région du Grand Est dans laquelle l’Alsace avait été intégrée, le 1er Janvier 2016, avec la Lorraine et la Champagne-Ardennes, en application d’une réforme administrative décidée par François Hollande ramenant le nombre des régions métropolitaines de 22 à 13. Une intégration dont les Alsaciens ne voulaient pas. Selon un sondage BVA d’avril 2019, 82% des Alsaciens n’étaient pas satisfaits de la grande région que 68% d’entre eux souhaitaient quitter, pour retrouver une Région Alsace à part !

Le retour d’une identité alsacienne – La naissance de la « CEA » est une sorte de revanche rendant une identité propre à l’Alsace sans pour autant – belle illustration de la formule macronienne du « en même temps » – lui permettre de quitter le « Grand Est » ! Il n’empêche qu’organiser la première assemblée de la CEA au siège du Grand Est est un beau clin d’œil. Ceux qui ont de la mémoire apprécieront d’autant plus la réunion en se rappelant que, lors de la construction de ce qui fut à l’origine le siège de la « Région Alsace », l’ancien président (1996/2009) Adrien Zeller avait – déjà ! – prévu pour la salle de réunion, une jauge suffisante pour accueillir les élus d’un conseil né de la fusion des deux assemblées départementaux. La réunion aura lieu dans une configuration particulière : celui qui la présidera sera un président… intérimaire qui dirigera les travaux d’une assemblée… provisoire dont les membres seront issus (ils seront 80) des élections départementales et régionales de fin mars. La rencontre aura, elle aussi, lieu dans ce qui pourrait être un siège… provisoire puisque le siège de la CEA sera fixé par les élus de mars qui désigneront leur premier président (ou présidente) et décideront (ce qui est probable) si la présidence sera assurée alternativement par un(e) élu(e) issu(e) du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Quel système sera alors adopté et quel siège sera choisi : ce dernier aspect risque de tendre un peu l’atmosphère dans la mesure où Colmar et Strasbourg, où siège déjà le Grand Est, pourraient être en compétition. En revanche, le choix entre un(e) président(e) du Haut-Rhin ou du Bas Rhin sera sans doute plus facile dans la mesure où Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin devenue ministre-déléguée chargée de l’insertion auprès de la Ministre du Travail, a quitté la présidence départementale : elle ouvre ainsi la voie à l’élection (pour autant bien sûr que les électeurs de Mars l’éliront à nouveau), d’un président venu du Bas-Rhin : Frédéric Bierry, président du conseil départemental bas-rhinois, a déjà marqué son intérêt pour le poste.

Une première date-phare : le 28 Août – D’ici au premier janvier, il faudra désigner un président pour remplacer Brigitte Klinkert à la tête du département du Haut-Rhin : l’élection aura lieu le 28 Août. Celui qui, depuis l’entrée au gouvernement de Brigitte Klinkert, assure l’intérim de la présidence, devrait être élu président jusqu’à la mise en place de la CEA. Dirigera-t-il les travaux jusqu’aux élections du mois de mars qui conduiront les élus à désigner leur premier président ? Remy With, ancien vice-président, sera donc élu président en attendant la CEA. Brigitte Klinkert restera, comme le permet la constitution, à ses côtés comme vice-présidente : à Colmar comme à Paris, elle assurera donc un suivi du projet de CEA, en marge de son activité ministérielle.

Le projet que prépare depuis des mois un « Comité de pilotage politique » chargé de mener à bien les convergences (ce qui ne veut pas dire une intégration qui ne respecterait pas certaines spécificités locales) des politiques menées dans les deux départements, avance bien en particulier sur le plan du rapprochement des deux budgets, opération que pilote un directeur financier commun. Les budgets adoptés cet automne seront complétés par des décisions modificatives prises en 2021, après la fusion. Interpellé par le syndicat CFDT qui souhaitait un report de la date de mise en place de la CEA pour mieux préparer l’harmonisation et l’alignement du statut actuel des salariés, le président Frédéric Bierry répond : « Il n’y a pas de raison de retarder les échéances… Déjà beaucoup de travail a été fait, beaucoup d’administrations sont prêtes. Si on veut une organisation territoriale plus efficace, il n’y a pas intérêt à retarder cette date !… »

La CEA : plus qu’une simple étape ? – L’élection de Remy With, la campagne électorale pour les élections sénatoriales du 27 Septembre qui servira de « chambre d’écho » au projet de CEA pousseront à avancer. D’autant que pour certains, les compétences de la future collectivité devraient déjà être élargies aux interventions (réservées jusqu’ici à la Région) dans le domaine économique, sanitaire et médico-social (contrôle des Agences Régionales de Santé – ARS dont l’action a été très critiquée pour son intervention dans la crise de la Covid-19). Pour d’autres, la CEA n’est qu’une étape vers la définition d’un statut de région à part entière, sortie du Grand Est ! Du grain à moudre pour les candidats aux élections régionales et départementales de mars prochain !

Le souci manifesté par le Président de la République et son Premier Ministre de mieux prendre en compte les territoires et notamment les départements à travers la future loi dite des « 3 D » (Décentralisation, Déconcentration et Différenciation) ouvrira-t-il la voie à de nouvelles compétences à la CEA ? Affinera-t-il la répartition des rôles entre les régions et les départements, notamment dans les domaines économique, touristique, sanitaire ?

Un souci qu’on retrouve dans ce propos de Jean Rottner, Président du Grand Est, lorsqu’il souligne dans une interview : « La création de la CEA n’a pas forcément été bien vécue par certains élus régionaux, mais je crois que tout le monde a compris qu’une étape a été franchie. Nous serons aux côtés de la CEA dans le respect des textes de loi, point à la ligne. Dans ce dossier, tout ce que je demande, c’est qu’on respecte la collectivité que je dirige. Et que l’on travaille en bonne intelligence. » Pour Brigitte Klinkert : « La Région sera… un partenaire incontournable pour les futures politiques de la CEA et spécifiquement s’agissant de la coopération transfrontalière. »

Enfin un « schéma de coopération transfrontalière ». – Comme l’intitulé de la nouvelle collectivité le souligne d’entrée, cette dernière sera au cœur de son activité. Dès le premier semestre 2021, la CEA devrait, selon Brigitte Klinkert, adopter un « schéma de coopération transfrontalière » qui organisera les modalités de l’action commune des collectivités territoriales en matière de coopération avec les voisins allemands et suisses. Elle devra être associée à l’élaboration des projets d’infrastructure transfrontalière (en particulier les liaisons ferroviaires du type Karlsruhe-Haguenau, Colmar-Freiburg).

Dans le cadre de son activité, elle devra proposer des solutions concrètes (en matière sanitaire ou de déplacements) pour faciliter les actes de la vie quotidienne des citoyens du Rhin Supérieur : à ce titre, elle poursuivra et amplifiera les échanges de fonctionnaires, l’apprentissage de l’allemand. La CEA sera appelée à déterminer une stratégie globale pour la langue et la culture régionales, elle participera activement à la reconversion du secteur de Fessenheim frappé par la fermeture de la centrale, elle aura à élaborer un dispositif (péages / éco-taxe ?) de régulation du trafic des poids lourds, elle aura à définir une stratégie de développement de l’attractivité (notamment touristique) de l’Alsace.

Un conseil de renouveau démocratique. – Et enfin, elle mettra en place, dès le premier semestre de son existence, un « Conseil de Développement Alsacien » composé d’élus, de représentants des milieux économiques, culturels, environnementaux, associatifs, éducatifs, scientifiques, sociaux. Le conseil qui devra exprimer la parole des citoyens, entend refléter la diversité de l’Alsace : il sera amené à juger, à jauger (à orienter ?) l’action de la CEA dont les promoteurs veulent faire, face à l’abstention électorale, un outil de renouvellement de la pratique démocratique.

Engagé dans la dernière ligne droite qui mène à sa naissance, la CEA ne manque pas d’ambitions : encore faudra-t-il que les forces vives de l’Alsace, si souvent divisées, la soutiennent. Un souhait qui concerne aussi les services – si souvent absents – de l’Etat et ceux des partenaires du Rhin Supérieur. Le sigle « européen » ne doit pas être un simple… affichage !

3 Kommentare zu La CEA arrive à pas de géant

  1. Le traitre Jean Rottner *qui a échoué à la pseudo-région “grotesque” alors qu’il aurait vendu sa mère pour être ministre* avoue déjà son échec en affirmant trxtw: “Dans ce dossier, tout ce que je demande, c’est qu’on respecte la collectivité que je dirige”. Mais personne n’rn veut de ton “grotesque”. Essser sinn mir. Un Elsässer bliwa mir. Freyheit der UNSER LAND !

    • Eurojournalist(e) // 11. August 2020 um 21:10 // Antworten

      Carton jaune. Nous publions votre commentaire, mais la prochaine fois que vous rédigez des insultes et attaques ad hominem, vous serez bloqué et ne pourrez plus commenter.

  2. yvonne bollmann // 11. August 2020 um 14:24 // Antworten

    Yvonne Bollmann
    Collectivité Européenne d’Alsace : l’épithète « européenne », qui figure dans cette dénomination, peut être vue comme une atteinte à l’intégrité du territoire national et de la nation française en son entier.

    CONSEIL D’ETAT
    Assemblée générale
    Séance du jeudi 21 février 2019
    AVIS SUR UN PROJET DE LOI relatif aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace

    (…)
    « Dénomination du nouveau département
    5. Aux termes de l’article 72 de la Constitution, « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa ».
    Il résulte de ces dispositions que le nom conféré à une collectivité territoriale de la République doit permettre de déterminer clairement la catégorie à laquelle elle appartient.
    Lors de l’examen du projet de décret décidant du regroupement des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, le Conseil d’Etat a estimé que le nom de « collectivité européenne d’Alsace » envisagé pour ce nouveau département est susceptible d’engendrer une double méprise sur la nature juridique de la nouvelle collectivité. D’une part, cette dénomination donne à penser qu’est créée une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution alors que, comme l’indique l’exposé des motifs, telle n’est pas l’intention du Gouvernement, ni la portée du projet de loi (cf. infra points 10 à 13 du présent avis). D’autre part, l’épithète « européenne » qui, sur le plan juridique, ne correspond à aucune catégorie ou régime particuliers et pourrait au demeurant valoir pour toute collectivité territoriale de la République, semble évoquer à tort l’attribution d’un statut extraterritorial à ce nouveau département.
    Enfin, la circonstance qu’un département se voit attribuer certaines compétences spécifiques ne suffit pas, par elle-même, à justifier que sa dénomination s’écarte de la catégorie dont il relève.
    Pour l’ensemble de ces motifs, le Conseil d’Etat substitue dans le projet de loi, comme il l’a fait dans le projet de décret qui lui a été soumis en parallèle, à la dénomination « collectivité européenne d’Alsace » celle de « département d’Alsace », qui correspond à la catégorie dont relève cette nouvelle collectivité territoriale de la République et prend appui sur la dimension géographique et historique de ce territoire.
    Le Conseil d’Etat relève que ni le regroupement des deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin en un seul département ni le changement de nom qui en résulte n’ont pour objet ou pour effet de porter atteinte aux différents régimes particuliers en vigueur dans ces départements. (…)

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