La CJUE rate l’occasion d’imposer la transparence aux députés européens

Des journalistes et des associations avaient réclamé sans succès la révélation de l’utilisation de la cagnotte des députés européens pour leurs frais personnels. En pourvoi face au Tribunal, celui-ci a invoqué la protection des données personnelles pour rejeter leur demande.

Transparence ? 'Z'avez dit transparence ? Foto: Gzen92 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Piet Gribouillo) – Il arrive que deux actualités se télescopent, et que l’une éclipse l’autre. Par exemple, quand la Cour d’appel de Paris décide de réduire de moitié la saisie des subventions attribuée au Rassemblement National dans le cadre de l’enquête sur les emplois fictifs du parti au Parlement Européen. Tous les regards sont alors tournés vers Marine le Pen, graciée d’un million d’euros de pénalité. Mais personne en France ne regarde vers le Luxembourg, où le Tribunal vient de rendre une décision contre la transparence sur les dépenses des parlementaires européens.

En plus de leur salaire (6200 euros nets par mois), les députés européens reçoivent une indemnité journalière de 304 euros par jour de présence aux réunions du Parlement. Plus 4243 euros par an pour les frais de transport, et enfin, 4416 euros d’indemnité mensuelle pour les « frais personnels ». C’est cette dernière indemnité qui fait débat. Car les députés européens peuvent la dépenser à leur guise, sans présenter le moindre justificatif. Un coussin d’argent de poche confortable qui, rapporté aux 751 députés, représente 40 millions d’euros par an dans le budget du Parlement.

La Cour refuse de se prononcer sur les mécanismes de contrôle défaillant

En 2015, 25 journalistes et associations demandent au Parlement de révéler le détail de l’utilisation faite par les députés européens de leur enveloppe de frais personnels. Le secrétariat du Parlement refuse, en invoquant la protection des données personnelles. Il n’en a de toute façon pas la possibilité, puisqu’aucun compte n’est demandé aux députés européens sur leur utilisation de la cagnotte « frais personnels ». Les requérants ne se laissent pas démonter, et portent l’affaire devant le Tribunal rattaché à la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Mais le 25 septembre dernier, celui-ci a donné raison au Parlement Européen. Le Tribunal confirme la volonté du Parlement de protéger les données personnelles des députés, et refuse d’imposer quoi que ce soit au Parlement, et surtout pas de surcharge administrative. Dans l’arrêt rendu, les juges estiment que les journalistes plaignants cherchaient surtout à « dénoncer les insuffisances et l’inefficacité des mécanismes de contrôle existants, ce qu’il n’appartient pas au Tribunal d’apprécier dans le cadre des présents recours. »

Pas d’autorégulation à l’ordre du jour

Dans le camp des déboutés, la journaliste d’investigation slovène Anuška Delić regrette ce qui sera pour elle un boulet pour la Cour de Justice comme pour l’UE. « Les eurosceptiques sabrent le champagne », a-t-elle twitté.        Les journalistes ont prévu de faire appel de la décision.

Certains députés européens sont eux aussi inquiets de l’image que renvoie ce manque de transparence. La députée écologiste finlandaise Heidi Hautala avait été surprise d’apprendre qu’il lui était impossible de restituer l’argent non dépensée qui lui était octroyée pour ses frais personnels. Le 3 juillet dernier, 6 députés membres du bureau du Parlement Européen, avaient proposé en juillet dernier quelques mesures d’hygiène élémentaires à leurs collègues : versement de l’indemnité pour frais personnels sur un compte séparé, présentation de justificatifs pour les frais engagés et validation par un comptable, publication du bilan comptable, et restitution des sommes non dépensées… Des mesures qui, pour la plupart, sont déjà appliquées à n’importe quelle entreprise. Elles ont été retoquées par la majorité du Bureau.

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