La coalition n’est pas dans la culture française…
Cette phrase, on l'entend souvent ces derniers jours. Mais combien de temps la France voudra rester dans son format post-féodal qui ne fonctionne plus ?
(KL) – Un jour, eurojournalist(e) avait posé la question à Oskar Lafontaine (SPD), ancien vice-chancelier allemand et ministre-président de la Sarre, pourquoi il entretenait une relation presque amicale avec Peter Altmaier (CDU), ministre fédéral et membre de l’équipe d’Angela Merkel, donc, son adversaire politique. « Vous savez », avait répondu Oskar Lafontaine, « nous ne pouvons pas nous permettre une attitude hostile vis-à-vis de nos adversaires politiques. Il est toujours possible que nous soyons amenés demain à travailler avec eux… ». Cette réponse est le reflet de l’esprit qui doit régner dans les relations politiques – il ne peut pas y avoir des « ennemis » dans le monde politique où théoriquement, tout le monde est sensé travailler pour le bien du pays et des citoyens. Mais cette attitude dépasse actuellement les capacités du monde politique français.
L’éternelle alternance droite-gauche qui aura marqué la Ve République ne laissait pas la place à une quelconque coopération. Soit, on était au pouvoir, soit, on était dans l’opposition et dans l’opposition, il fallait combattre « coûte que coûte » son ennemi politique, en le dénigrant, en l’insultant, en inventant des scandales de toute sorte, dans le but de décrédibiliser non pas des positions politiques, mais les acteurs dans l’autre camp.
Depuis le 7 juillet, la France politique se trouve dans une situation où ce comportement typique de la Ve République ne peut plus fonctionner. Le vote des Français a fractionné l’Assemblée nationale, donnant aucune majorité à personne et obligeant les partis présents au parlement français de discuter, trouver des compromis, quitter leurs bulles respectives. Et ils n’y arrivent pas. Le concept de « l’ennemi politique » est tellement ancré dans les têtes des apparatchiks des partis qu’ils se comportent machinalement comme pendant les 40 dernières années, au lieu de s’ouvrir au débat, au dialogue et à un plus de démocratie.
La preuve n’en sont pas seulement les discussions stériles dans les différents groupes – dans une situation qui oblige à la coopération et au dialogue, insister sur un programme (« point par point ») montre qu’on a pas compris le fait qu’il faille trouver des compromis acceptables par une majorité. Et puisque cette majorité n’existe pas dans la nouvelle Assemblée nationale, les élus n’ont d’autres choix que de sortir de leur tour d’ivoire pour remettre tout à zéro. Mais actuellement, les députés français se comportent comme Zélenskyi qui veut commencer à négocier quand la Russie aura retiré toutes ses troupes de régions annexées. Mais cette attitude que l’on retrouve dans tous les groupes politiques, est néfaste pour la France.
Lors du vote pour la présidence de l’Assemblée nationale, de nombreux députés ont affiché cette attitude « d’ennemi politique » en refusant de serrer la main aux benjamins du parlement – le refus de cette accolade montrait clairement les œillères de ces députés qui n’ont pas encore intégré le fait que les temps ont changé. « On ne peut pas transformer notre système pour copier l’Allemagne ou l’Italie en trois semaines », disait un député dépité. Pourtant, si les députés comprennent leur mandat comme un mandat pour la France et les Français et non seulement pour leurs carrières personnelles, il devraient se dépêcher.
L’élection de la présidence de l’Assemblée nationale l’a clairement démontré – les 577 élu.e.s ne sont pas (encore ?) à la hauteur des enjeux pour la France. La Ve République fait déjà partie de l’histoire, et la VIe République devient une priorité absolue pour changer un système pseudo-monarchique qui peut encore causer beaucoup de torts à la France.
« Coalition », cela veut dire de dépasser par moment ses propres objectifs politiques, de négocier, de débattre, de trouver des compromis. La psycho-rigidité dont font preuve les forces politiques depuis le 7 juillet, en première ligne un président en total décalage avec « son » peuple, le pays et les instances politiques, constitue un véritable danger pour la France. Au lieu de dépenser des millions pour des consultants, l’Elysée ferait mieux de se faire conseiller par des partenaires européens qui disposent de systèmes politiques davantage en phase avec le 21e siècle que le système poussiéreux parisien, avec ses palais du pouvoir, son luxe et ses dépenses pharaoniques.
Il faut absolument sortir de cet ordre de pensée de « l’ennemi » politique, il faut que les 577 apprennent le respect de ceux qui ne pensent pas comme eux, il faut qu’ils se mettent à la recherche du plus petit dénominateur commun qui doit être le point de départ pour la suite. Mais tant que les élus restent dans leurs bulles respectives, tant qu’ils « haïssent » leurs adversaires politiques, ils risquent de conduire la France dans un gouffre. Et ils sont condamnés à réussir – s’ils échouent, le baril de poudre qui est la France, risque d’exploser.
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