La « Collectivité Européenne d’Alsace »

Alain Howiller se pose la question – s'agira-t-il d'un moulin à paroles ou d'une usine à gaz ?...

Voilà, la nouvelle "Collectivité Européenne d'Alsace"... Foto: Sting; modifications by Wikialine / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Pour ceux (…les plus nombreux !) qui auraient oublié ce propos de Jean Rottner, Président de la Région Grand Est et de Jacqueline Gourault, Ministre de l’espace rural et de l’Aménagement du Territoire, tenu à Metz : « Des choses inexactes ont été dites et écrites (ndlr : dans les médias) sur la Collectivité Européenne d’Alsace ! », la nouvelle structure qui sera issue de la fusion des départements du Bas- et du Haut-Rhin et qui doit être mise en place pour le 1er Janvier 2021.

La collectivité a été l’objet d’ un acte officiel de naissance signé, à l’Hôtel Matignon, résidence du Premier Ministre, par ce dernier ainsi que par les présidents du Conseil Régional, les deux présidents des départements du Rhin et la Ministre. Depuis cette signature, la cacophonie s’est installée sous la forme d’un véritable moulin à paroles : pour les uns, la nouvelle collectivité est un acte de re-naissance de l’Alsace noyée dans le Grand Est, pour d’autres, la signature à Matignon est le prélude à la création d’une nouvelle usine à gaz, pour d’autres, cette structure ne répond en rien au « désir » que les Alsaciens (à 67% selon un sondage IFOP) avaient exprimé en faveur de la sortie de l’ensemble Grand Est, d’autres encore (les autres composantes de la région) s’étaient émus de l’arrogance des Alsaciens « indépendantistes »(!) désireux de se remettre – en quelque sorte – à leur compte !

Et si on relisait Boileau ? – Il faut en conclure que les protagonistes de ce dossier délicat (y compris du côté gouvernemental) ont oublié en signant leur texte ce grand principe : « Ce qu’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ! ». Il est vrai que le propos est de N. Boileau dans son « Art Poétique » (1674) : les acteurs de la politique ne sont pas forcément proches de la poésie, voire de… l’Histoire ! Ce qui paraît certain dans le dossier, outre le fait que les deux départements ont voté en faveur de leur fusion, c’est que la nouvelle collectivité restera dans le Grand Est, et qu’elle récupérera des fonctions exercées jusqu’ici par les services de l’Etat (mais les deux préfectures départementales subsisteront).

La structure n’affectera pas les pouvoirs de la Région Grand Est ; elle exercera certaines fonctions (après négociations avec le Grand Est et sous son contrôle, son « cheffirat ») et conservera les prérogatives actuelles des départements. Pas simple, et déjà s’esquissent des débats qui risquent d’être « sanglants » à la veille des élections européennes et à un peu plus d’un an des élections municipales. Ces dernières ont déjà relancé la querelle Colmar/Strasbourg pour le choix du siège de la nouvelle institution !

Le début d’un long cheminement  – La nouvelle structure va franchir, à partir du conseil des ministres du 27 Février(1) qui doit approuver les dispositions concernant le projet de loi transférant certaines responsabilités réservées jusqu’ici aux services de l’Etat, le Conseil d’Etat devra approuver un décret autorisant la fusion des départements et donner son feu vert au projet de loi du 27 février. Ce dernier sera ensuite transmis au Parlement qui tranchera. Le projet émergera-t-il dans le « grand débat national » lancé par E. Macron ? Y aura-t-il un referendum ? Pour Jean Rottner, la nouvelle collectivité ne produira pas, au final, de « tsunami régional… La Région ne se défait d’aucune de ses responsabilités… On assiste simplement au travail de deux départements qui veulent fusionner !… » La Ministre chargée du dossier affirme qu’il « n’y aura pas de big bang… aucune atteinte à la Région, mais la reconnaissance de l’Alsace !… »

En attendant le « final », le conseil du 27 Février devrait préciser les compétences de la « Collectivité Européenne d’Alsace (C.E.A.) » dans le domaine des rapports transfrontaliers, du bilinguisme(2) et de la politique en matière d’enseignement des langues, de tourisme, de transports, de routes. D’autres composantes du Grand Est qui voudraient bénéficier des mêmes prérogatives que la « C.E.A. » pourront en profiter. Les textes pourront servir de cadre ouvert à d’autres régions et pourraient offrir une application du droit à la différenciation, qui devrait être inscrite dans le cadre d’une réforme constitutionnelle.

Pas de France girondine ! – La « C.E.A. », collectivité non pas « à statut spécial » comme le souhaitaient nombre d’Alsaciens désireux de se retrouver en dehors du « Grand Est », mais « collectivité à compétences particulières » dans certains domaines engage un long chemin vers une concrétisation qui s’inscrit davantage dans une évolution « déconcentrée » plutôt que « décentralisée », finalement assez loin d’une « France girondine » qu’annonçait le candidat Macron. On en jugera à l’issue de la démarche engagée. Comme le déclarait le sénateur socialiste Jacques Bigot : « Ce n’est pas le grand soir ». Ce n’est pas non plus un enterrement.

(1) Voir eurojournalist.eu du 10 Janvier.

(2) A signaler l’initiative engagée par le gouvernement canadien qui vient de déposer un projet de loi visant à protéger les langues autochtones (il y en a 90 !).

1 Kommentar zu La « Collectivité Européenne d’Alsace »

  1. HEMMERLÉ Pierre // 26. Februar 2019 um 20:47 // Antworten

    Ouh la la

    On riait de ces conciles où se dévoilait le sexe des anges…
    On rit de ces assemblées où l’on refait à froid le lit des Mengele.
    On ne rira bientôt plus de vos folkloriques billevesées.
    Il suffit qu’un désaxé s’entiche d’un saussisonnage nouveau pour divertir le chaland, pour qu’aussitôt le populo en gauguette de jette sur le morceau, avec force analyses et brio.
    Au moins du temps des Neustriens n’avions nous pas les histrions historiens à nous en mettre plein la vue avec des analyses à s’enliser dans les marécages d’où malgré tout est sortie Notre-Dame.

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