La «Convention d’Istanbul» – femme, la connais tu ?

A partir du 1er Août prochain - la lutte contre la violence faite aux femmes. Enfin !

Est-ce que les conventions, textes de loi, lettres d'intention peuvent mettre un terme à la violence domestique ? Foto: Concha Garcia Hernández / WIkimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Gervaise Thirion) – C’est le Conseil de l’Europe (COE) qui s’en est occupé ou au moins préoccupé, de la prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du même coup.

Ce fut une grande nouvelle si, inlassablement, on ose espérer que cette annonce par la «commission égalité et non-discrimination» lors de la 3ème partie de la session 2014 de l’APCE (Assemblée Parlementaire du COE), il y a quelques jours à peine, sera suivie d’effet.

Une histoire ancienne. – Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nombre de déclarations internationales ne cessent de proclamer l’égalité Homme-Femme : Charte des Nations-Unies (1945) ; DUDH (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme 1948). Mais il y a eu grand nombre de philosophes avant pour «l’éclairage».

Ces textes posent les fondements des droits des femmes, fondements ensuite renforcés par d’autres textes tels que PIDCP (Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques), PIDESC (Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturel,1966), la Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF 1979)… La liste est longue, trop longue en regard de leur application.
Comme on le sait, il y a en effet souvent, loin des textes, la réalité : toutes ces belles intentions n’ont apparemment pas fait notoirement régresser l’inégalité entre les sexes au plan mondial et à peine un peu plus dans certains pays de l’Occident soi-disant éclairé, en Europe également, celle des 47 qui nous occupe essentiellement ici.

Même s’il n’existe pas de données bien établies pour le vieux continent, une vue d’ensemble des enquêtes menées dans de nombreux Etats membres permet d’estimer que un cinquième à un quart des femmes sont victimes de violences physiques au moins une fois dans leur vie d’adulte. Sans parler de la violence à l’égard des enfants. Même quand elle n’est pas directe, elle a souvent un lien avec la maltraitance domestique dont sont victimes les femmes.

Il a fallu attendre les années 90, avec la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme, à Vienne, pour que la communauté des nations commence à se préoccuper de la situation sous la pression d’organisations de femmes venues y assister, activement.

En décembre 1993, l’Assemblée Générale des Nations-Unies adoptait la Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes. Deux ans plus tard, la 4ème Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, (eh oui, en Chine) formulait des recommandations détaillées et énergiques en faveur de la promotion et de la protection des droits fondamentaux des femmes.

Considérant que la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, représente l’une des plus graves violations des droits de la personne fondée sur le genre, donc une forme de discrimination, et qu’elle compromet les valeurs fondamentales sur lesquelles repose le Conseil de l’Europe, celui-ci a lancé, dès 1993, une série d’initiatives qui a abouti à cette nouvelle Convention ouverte à signature le 11 mai 2011. La ratification d’Andorre, le 22 avril 2014, fut la dixième nécessaire à cette entrée en vigueur (d’autres ont suivi depuis).

Parmi ces initiatives : une campagne à grande échelle, menée à trois niveaux, intergouvernemental, parlementaire et local, lancée en 2005.

Plusieurs recommandations et résolutions sont adoptées et couvrent l’éventail le plus large possible des violences répertoriées : mutilations sexuelles féminines, crimes d’honneur, mariages forcés et mariage d’enfants, agressions sexuelles liées aux «drogues du viol», féminicides, viol , y compris le viol marital…

«Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage» ? Soit ! Mais quand il est question de la souffrance des femmes …ça «urge».

Une petite vingtaine d’années, c’est le minimum pour accoucher de la «Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique», texte qui complète et élargit les normes définies en la matière par d’autres organisations régionales. Elargissement à l’ensemble du foyer, enfants et hommes inclus.

Ainsi est née la «Convention d’Istanbul». Pourquoi Istanbul, s’étonnent certains ? Parce ce que ce texte a été adopté par le Comité des Ministres du COE le 7 avril 2011 réuni à Istanbul et ouvert à la signature le 11 mai à partir de la même ville.

Les 3 P. – La Convention repose sur la règle des 3 P, pour être méthodique.

- Prévention, qui passe par la sensibilisation du public afin de changer les comportements. Cette phase comporte un travail avec les ONG, souvent très compétentes, les médias et différents acteurs de la société civile.

- Protection, qui s’adresse plutôt aux gouvernements habilités à mettre en oeuvre des mesures visant à assurer la sécurité des victimes et leur apporter aide et soutien tant matériel que psychologique.

- Poursuites : la Convention établit, pour la première fois en Europe, des normes juridiquement contraignantes en instaurant un certain nombre de nouvelles infractions pénales qui n’existaient pas jusqu’alors dans le système juridique des états membres. Il faudrait y parvenir conjointement. De nombreux pays n’ont pas attendu le vote de fin juin à Strasbourg pour déjà ratifier le texte et lui donner force de loi.

C’est pourquoi, dans cette affaire, il faut souligner le rôle important du réseau parlementaire pour «le droit des femmes de vivre sans violence» composé de 51 parlementaires qui militent activement dans leurs pays respectifs afin de sensibiliser le public et modifier les législations. Son rapporteur général est depuis 2012 M. Mendes Bota (Portugal, PPE/DC) qui propose à l’APCE d’adresser des recommandations aux parlements nationaux, en s’inspirant des meilleurs modèles de législations et pratiques observées dans les Etats membres

Alors : un texte de plus ? – On peut espérer que le mécanisme de suivi prévu dans ses lignes sera, comme il le prétend, l’un de ses points forts : un groupe d’experts (GREVIO) indépendants et hautement qualifiés dans les domaines des droits de l’Homme, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique, du droit pénal… est chargé de veiller à la mise en oeuvre de la convention par les parties.

Reste que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) est le seul organisme capable d’instaurer un véritable contrôle juridictionnel du respect des droits et libertés par les Etats. Seul organisme aussi susceptible d’être saisi par des individus. Pourra-t-elle faire face aux nombreuses requêtes supplémentaies qui lui seront adressées, elle qui, victime de son succès, est en permanence engorgée, par des plaintes souvent beaucoup moins affligeantes ?

Que les femmes et les organisations féminines particulièrement se fassent entendre de manière plus pressante auprès de leurs instances nationales, ce qui soulagerait sans doute la Vieille Dame Vénérée de Strasbourg ! Sans violence bien entendu.

1 Kommentar zu La «Convention d’Istanbul» – femme, la connais tu ?

  1. Non seulement les femmes devraient lire cet article. Cela concerne Tout le monde, plus rarement directement mais très souvent indirectement. Pas vrai?

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