La course effrénée à l’hydrogène

Le monde l’a compris - l’hydrogène est une solution clé pour décarboner l’industrie et lutter contre le changement climatique. Pourtant, son développement se fait de manière désordonnée.

Des bateaux, voitures, bus, industries et villes qui tournent à l'hydrogène, ce n'est plus de la Science Fiction. Foto: Hiro / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – L’hydrogène (H) représente aujourd’hui bien plus qu’un simple espoir. Ces dernières années, la recherche a fait des avancées majeures, aussi bien dans la détection des gisements d’hydrogène naturel que dans le développement de technologies permettant la production d’autres formes d’H, comme l’hydrogène vert issu de l’électrolyse. Désormais, une véritable chasse à cette ressource précieuse est engagée à l’échelle mondiale. Pourtant, comme l’a souligné Tobias Gotthardt, Secrétaire d’État de la Bavière, lors du sommet Hydrogène sans frontières organisé le 8 novembre dernier à Strasbourg par l’association H2Strasbourg et ses partenaires, il n’existe pas de solution strictement régionale. Malgré ce constat, chaque pays et chaque région poursuit ses initiatives de manière isolée, sans réelle concertation internationale. Or, seule une approche collective permettrait de lutter efficacement contre le changement climatique et la pollution de notre planète.

Un potentiel immense mais sous-exploité – L’hydrogène naturel est présent en grande quantité. D’après une étude menée par des chercheurs américains, seuls 2 % des gisements de H naturel sont accessibles et exploitables, mais cette proportion suffirait à alimenter l’industrie mondiale en énergie propre pendant 200 ans. Pourtant, la coopération internationale reste inexistante. Plutôt que de s’unir, les États concluent des accords bilatéraux entre pays consommateurs et producteurs, comme ceux du Maghreb.

Dans ces pays fournisseurs, les visites officielles se multiplient, chacun cherchant à s’assurer une part de la production. La transition vers l’hydrogène ne pourra toutefois réussir que si l’approvisionnement est garanti, à un prix compétitif justifiant son adoption à grande échelle. Par ailleurs, la profusion de structures, agences et organismes travaillant sur l’hydrogène entraîne des doublons et un gaspillage de ressources. Trop souvent, ces acteurs poursuivent des intérêts divergents de l’objectif principal qu’est la décarbonation de l’industrie. Certains états prennent même du retard sous l’influence de lobbies, notamment du secteur nucléaire. Une meilleure coordination permettrait d’optimiser les efforts de recherche, de développement des technologies d’extraction, de transport et de stockage, ainsi que l’application industrielle de l’hydrogène.

L’urgence d’une approche collective – La ruée vers l’hydrogène est désormais une réalité. Cependant, cette énergie ne pourra déployer pleinement ses bénéfices que si tous les acteurs s’engagent ensemble dans cette transition. Même si une région ou un pays fait des progrès considérables, cela restera insuffisant si les autres continuent à polluer massivement.

Il serait donc nécessaire de créer une Agence européenne de l’hydrogène, indépendante des institutions politiques et des entreprises du secteur, afin d’assurer une gestion neutre et efficace. Une telle structure pourrait être dirigée par un consortium chargé de coordonner les efforts, de mettre en relation les organismes de recherche et de jouer un rôle d’interface entre la science, la politique et l’industrie. Elle devrait voir le jour rapidement afin que l’Europe ne se fasse pas distancer par d’autres continents. Cette agence pourrait également encadrer les questions administratives, comme les autorisations de forage et d’exploitation ou encore le développement des infrastructures nécessaires.

Le monde a aujourd’hui une opportunité historique d’accélérer la décarbonation de l’industrie et de protéger le climat. Mais si chaque pays continue d’agir en solitaire, les progrès seront trop lents.

Les avancées réalisées, notamment sous l’impulsion de chercheurs comme Jacques Pironon et Philippe de Donato du CNRS en Lorraine, sont considérables. Toutefois, l’utilisation de l’hydrogène n’est plus une question théorique, mais une réalité concrète. L’enjeu est désormais de raccourcir le chemin entre les gisements, la production et l’usage industriel. Or, cela ne sera possible qu’avec une coopération renforcée et une stratégie globale.

La création d’une Agence européenne de l’hydrogène représenterait un pas décisif, à condition qu’elle soit exempte d’influences partisanes et d’intérêts privés. L’hydrogène pourrait être la clé pour lutter contre le changement climatique et préserver notre environnement – à condition que l’humanité ne gâche pas cette chance par égoïsme et manque de vision collective.

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