La déchirure européenne

Le Parlement Européen à Strasbourg aurait mieux fait de réfléchir avant son vote totalement inutile. Foto: Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Déjà la veille du vote du Parlement Européen sur un « gel » des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, le président-dictateur Recep Tayyip Erdogan s’était déjà moqué de ce vote, indiquant qu’il s’en fichait complètement et qu’il allait organiser de son côté un référendum en Turquie pour demander à ses compatriotes s’ils veulent poursuivre ces négociations. Et une fois de plus, l’Europe a tout fait pour se ridiculiser.

D’une part – à quoi bon organiser un tel vote sachant qu’une telle décision n’appartient pas au Parlement Européen ? A quoi bon organiser un tel vote qui n’engage personne à rien ? D’autre part, il était risqué d’organiser ce vote qui à la sortie, montrait non pas une quelconque détermination européenne vis-à-vis l’instauration d’un état totalitaire, mais seulement l’étendue de la déchirure européenne.

Le résultat du vote est lamentable et montre qu’il n’y a même plus de cohésion quand il s’agit de choses aussi fondamentales que les violations des Droits de l’Homme perpétuées par le régime Erdogan. Sur les 751 eurodéputés, seulement 479 se sont décidés de condamner ces violations des Droits de l’Homme, les arrestations, les cas de torture, les licenciements massives, la fermeture de médias – ce qui veut dire que 272 eurodéputés ne voulaient pas condamner la violation des valeurs fondamentales de l’Europe. Ce qui pose logiquement la question si cette Europe-là partage encore des valeurs.

L’Europe voulait se montrer forte, elle s’est montrée d’une faiblesse déconcertante. Non seulement que le Parlement Européen a attendu 4 mois avant de réagir à la transformation de la Turquie en en état totalitaire, mais ce manque d’unanimité même dans un vote qui « compte pour du beurre », montre toute la misère européenne. On entend le Bosphore ricaner jusqu’à Strasbourg…

Union Européenne ? Les institutions européennes n’arrivent même plus à trouver des positions communes lorsqu’il s’agit des valeurs les plus fondamentales que défendaient les pères-fondateurs de cette Europe. Et que les institutions ne défendent plus, ce qui pose la question quant au sens de ces institutions.

Et lorsque l’on entend certains eurodéputés jubiler après ce vote misérable, on comprend à quel point la politique européenne s’est éloignée des réalités européennes et de ses citoyens et citoyennes. Vivement 2019 et les prochaines élections européennes – peut-être notre dernière chance de virer ceux qui ont conduit l’Europe jusqu’au gouffre.