La fabrique des abrutis – Basta les hanouneries !

« Quand on pense… qu’il suffirait que les gens ne l’achètent pas pour que ça ne se vende pas ! », Michel Colucci dit Coluche (1944-1986) Foto: Cantin Dumay / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Il serait tellement plus simple de zapper et encore mieux d’éteindre la télévision, d’où le titre injonctif de l’émission « Touche Pas à Mon Poste ! » (TPMP), car si les téléspectateurs faisaient preuve non seulement d’intelligence, mais surtout d’esprit critique, c’en serait depuis fort longtemps fini des hanouneries télévisuelles à l’audience grandissante, siphonnant le cerveau de ceux qui les regardent. Il ne faut surtout pas toucher au poste, lorsqu’il est calé sur la chaîne bolloréenne où officie en totale liberté, celui dont l’existence dépend du seul audimat.

« Quand on pense… qu’il suffirait que les gens ne l’achètent pas pour que ça ne se vende pas ! », déplorait en son temps Michel Colucci dit Coluche, un véritable amuseur public à qui n’aurait pas été décernée la palme de l’indignité. Évidemment, mais encore faudrait-il qu’une très large majorité de téléspectateurs soit intimement convaincue de la nature excrémentielle de ces émissions auxquelles l’exclamation du regretté Jean-Pierre Coffe s’applique à merveille. Ce n’est visiblement pas le cas, puisque les hanouneries vespérales font plus d’audience que « Les Informés » de France Info ou le « 28 Minutes » d’Arte.

Dans un pays où, lors d’un sondage IFOP, le citoyen lambda déclarait il y a une dizaine d’années adorer ARTE, mais regarder TF1, comment s’étonner de ce qu’aujourd’hui, après 13 années de TPMP en 16 saisons, nous en soyons rendus à ce qu’au baromètre image de l’IFOP, ARTE obtienne d’excellentes notes sans que cela dope son audience ? Produire et diffuser des contenus de qualité, n’est malheureusement plus une garantie de crédibilité pour un média. Le populisme, humus auquel croît l’extrême-droite, est passé par là et l’essor de l’adhésion aux théories complotistes des années Covid, n’a vraiment rien arrangé à l’affaire.

On peut toujours, à l’endroit des émissions hanounesques, proférer avec des mots choisis des imprécations hautes en couleur. Cela détend, certes oui, mais cela ne change rien, car le poison populo-réactionnaire ne s’arrête pas pour autant d’infuser dans la société. Le bollorisme n’est pas un humanisme, comme le démontre l’excellente analyse de Julia Cagé, et l’exposition régulière du libre-arbitre de nos concitoyens aux aliénantes hanouneries n’aura rien d’une fatalité, si ceux vaccinés contre cette peste audiovisuelle, s’emploient par tous les moyens à diffuser un autre discours.

Les abrutis ne sont pas tant ceux qui regardent TPMP, que ceux qui fabriquent et animent cette émission grotesque. Ces derniers constituent au regard de la population générale, une ultraminorité pratiquant l’entre-soi et fonctionnant par cooptation, donc une quantité négligeable de pitoyable qualité. Dans le narratif de la psychiatrie moderne, le modeste médecin Philippe Pinel a, en 1793, libéré les aliénés de leurs chaînes, dans une France alors sous l’emprise de la Terreur. Ainsi appartient-il 230 ans plus tard, à chaque modeste lecteur de journaux libres tels qu’Eurojournalist, d’aider ceux qu’aliènent C8, mais aussi BFM et CNews à briser leurs chaînes.

Vous qui lisez nos publications, les likez, les commentez, ce dont nous vous sommes infiniment reconnaissants, vous pouvez en diffusant nos articles, toucher ceux qui s’intoxiquent avec des émissions de télévision excrémentielles. Les mépriser et les insulter ne les aidera pas, mais renforcera sur eux l’emprise exercée par ces chaînes. Par contre les considérer comme des alter egos, constitue la plus élémentaire marque d’humanité.