La fabrique des abrutis – Ces chrétiens pro Grand Israël
Les chrétiens tenants du Grand Israël, ne sont en rien les artisans de paix, trahissant ainsi une de leurs missions les plus nobles.
(Jean-Marc Claus) – Traditionnellement Jour du Seigneur, le dimanche est dans toutes les assemblées chrétiennes de quelque obédience que ce soit, l’occasion de se retrouver pour une célébration, au cours de laquelle sont lus et commentés quelques extraits de la Bible. Cette même Bible, instrumentalisée par certains chrétiens fondamentalistes et fanatisés, pour défendre le plus que discutable concept du Grand Israël, et donc soutenir aveuglément des politiques comme celle de Benyamin Netanyahou, ainsi que des mouvements d’extrême-droite et pas seulement israéliens.
Triste tropisme, oserons-nous avancer pour, en parodiant le titre d’un ouvrage fondamental du regretté Claude Lévi-Strauss, décrire cette fâcheuse et délirante tendance qu’ont certains chrétiens à faire coller la géopolitique mondiale actuelle et à venir, aux petites cartes joliment coloriées, figurant à l’arrière de leurs bibles. Brandissant ce livre saint, avec la même énergie que d’autres mettent en avant leurs corans, ces autoproclamés inspirés par l’Esprit Saint, ne sont en rien les artisans de paix du Sermon sur la Montagne.
Ils ne créent pas plus la paix, qu’ils la procurent ou la répandent autour d’eux, car leur fanatisme bon teint socialement bien inséré, les conduit notamment à amener au pouvoir de sinistres individus tels que Donald Trump et Jair Bolsonaro. Ceci ayant pour conséquence de faire régresser des pays démocratiques, en y promouvant un modèle patriarcal dans lequel les femmes doivent être soumises à leurs maris comme au Seigneur, à supposer que leurs maris les aiment vraiment comme le Christ a aimé l’Église.
Pas plus lucides que la gauche pro-Hamas, mais au demeurant d’une manière générale bien meilleurs stratèges, ces chrétiens pro-Grand Israël sont instrumentalisés par l’extrême-droite israélienne, tout comme les premiers le sont par les islamistes. Alors qu’en 1993, Israéliens et Palestiniens étaient parvenus à un accord de reconnaissance mutuelle, fragilisé ensuite notamment par la politique de colonisation intensive de la Cisjordanie, depuis quelques décennies des chrétiens se font les avocats du Grand Israël, au motif que c’est écrit dans la Bible.
Mektoub ! Or, il est aussi écrit dans la Bible que les adultères doivent être lapidés. Mais ça, c’est l’Ancien Testament, pas le Nouveau, ma bonne dame ! Oui, mais le Grand Israël, Eretz Israël Ha’Shlema dans le texte, il n’en est question nulle part dans le Nouveau Testament et en puisant dans l’Ancien, il fait l’objet de diverses interprétations, au point de relever plus du mythe que d’une quelconque réalité objectivable.
Pendant du Min al bahar ila al-nahr, revendiquant l’intégralité du territoire pour les Palestiniens, le concept du Grand Israël promu par les mouvements sionistes, avait été un peu mis en veilleuse de 1948 à 1967. Mais la victoire écrasante d’Israël lors de la Guerre des Six Jours, a donné des ailes à plus d’un, au point de bâtir un autre mythe. Celui d’un pays invulnérable, abattu en quelques heures au matin du 7 octobre 2023, qui fut pour les Israéliens l’équivalent du 11 septembre 2001 des Étasuniens.
Ce projet du mythique Grand Israël reposait initialement sur trois piliers : le retour massif des juifs dont ceux d’URSS, le départ de millions de Palestiniens, et la montée du nationalisme religieux. Il était courant au début des années 2000, soit au surlendemain de l’effondrement du Rideau de Fer, de conclure qu’aucun des trois ne s’était avéré solide. Aujourd‘hui, le départ des Palestiniens, qu’aucun pays ne tient à accueillir et dont beaucoup sont malheureusement envoyés ad patres par Tsahal, ainsi que la montée en puissance du nationalisme religieux, n’ont plus besoin d’une aliyah massive pour faire recette en Israël.
Complètement enferrés dans leurs convictions religieuses, des chrétiens notamment aux Amériques, adhèrent sans réserves aucunes, au mythe du Grand Israël et se commettent avec des mouvements politiques nationalistes, car leurs leaders leur chantent la romance de la défense des valeurs familiales et occidentales. Bienheureux les pauvres en esprit, disait celui qui a sillonné la Palestine il y deux-mille ans. Il ne parlait pas de oligophrènes, mais de ceux prêts à laisser leurs esprits se remplir de la grâce divine, à l’exact opposé des scribes et des pharisiens qu’il exécrait.
Les chrétiens tenants du Grand Israël et défenseurs inconditionnels tant des politiques de colonisation de la Cisjordanie que de l’isolement mortifère de la Bande de Gaza, sont les scribes et les pharisiens de notre temps. Et que disait-il d’eux à l’époque ? « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, et qui au dedans, sont pleins d’ossements de morts et de toute espèce d’impureté. ».
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