La fabrique des abrutis – Dating fatigue

Une tendance actuelle, et peut-être dans le futur une nouvelle pathologie, mais à qui profite la déprime ?

Combien d’amères déceptions pour une heureuse union ? Foto: Juliescribbles / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Les célibataires seraient en France au moins dix-huit millions, dont deux tiers de femmes, plus de la moitié résideraient dans des villes de plus de cent mille habitants et environ un cinquième en région parisienne. Dix-huit millions d’individus adultes, c’est un marché d’autant plus porteur, que dans une société où la concurrence est érigée en valeur cardinale, la rencontre perdant sa part de mystère et d’imprévisibilité, les mises en relation permettent de faire encore et toujours plus de chiffre.

Les sites et applications de rencontres se sont multipliés, de belles histoires en ont résulté, mais combien d’amères déceptions pour une heureuse union ? Il n’existe pas vraiment de statistiques à ce propos, mais le concept de « dating fatigue » né au début de notre actuelle décennie, signe bien une problématique réelle que tôt ou tard la DSM company ne manquera pas de qualifier de pathologie. Et là aussi, il y aura moyen de faire encore et toujours du chiffre, avec des prescriptions à la pelle d’anxiolytiques et d’antidépresseurs…

Interviewée par la journaliste Sandrine Etoa-Andegue, une participante à un groupe de parole pour déçus des sites de rencontres, affirme que ces officines exploitent la misère humaine. Misère de la solitude, dans un pays où la population augmente à chaque recensement, misère de l’absence de communication, dans la société du multimédia. Le constat n’est pas récent mais quand, via internet, la recherche de l’âme sœur ou de la personne avec qui passer un bon moment, débouchent sur des déceptions et même des blessures, il serait peut-être grand temps de refermer la boite à claques.

D’ailleurs, Tindr aurait, comme le rapporte un autre interviewé, perdu l’an dernier six pour cent de ses membres payants. Il semblerait donc qu’un mouvement de décrue commencerait à s’opérer, mais s’inscrira-t-il dans la durée ? Il faudrait pour cela que les relations interpersonnelles, dont les relations sentimentales, ne soient plus sous influence de la politique et la loi de l’offre. A quoi bon avoir aboli l’esclavage dans les siècles passés, si au temps présent ce qui fait l’humanité d’un individu, est considéré comme une vulgaire marchandise sur la valeur de laquelle il y a moyen de spéculer ?

« Bon appétit ! Messieurs ! », lançait Ruy Blas aux conseillers se partageant les richesses d’un royaume à la faillite duquel ils participaient. Or, l’appétit des spéculateurs et des exploiteurs de la misère humaine, est insatiable car procédant d’un incommensurable mépris pour autrui. Le chiffre d’affaires de l’application Tindr, en hausse constante depuis 2015, s’est élevé en 2023 à 1,92 milliard de dollars US, soit 1,75 milliard d’euros, soit la fortune du footballeur Christiano Ronaldo évaluée en 2024.

Mais les spéculateurs de Tindr n’ont même pas besoin de jouer à découvert. Ils opèrent dans l’anonymat des salles de marchés et du grand marché aux esclaves qu’est devenu l’un des secteurs les plus actifs du web. Peut-on contrer cette tendance mortifère ? Le pire n’est pas toujours à venir, et il suffirait juste de changer individuellement de logiciel, pour que s’opère un mouvement collectif…

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