La fin de «Wir schaffen das»

Pendant longtemps, l’Allemagne a été exemplaire en matière d’accueil de réfugiés. Sous la pression des populistes, le gouvernement CDU/CSU-SPD a changé de politique. Amnesty International est inquiet.

Quand l'Allemagne se met à expulser des personnes, on pense aussi au siècle dernier... Foto: Bundesarchiv, Bild 146-1982-174-27, Grossbergeer H. / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Ah, l’Allemagne, pays toujours aussi imprévisible, capable du meilleur comme du pire ! Le meilleur, c’était en Août 2015, lorsque la chancelière Angela Merkel avait, face à une crise humanitaire énorme, ouvert les frontières du pays en accueillant plus d’un million de réfugiés. Cette décision courageuse avait à la fois suscité une vague de solidarité dans la population allemande qui s’engageait dans de nombreuses initiatives d’intégration, mais aussi déclenché la montée d’une extrême-droite xénophobe, surtout dans l’est de l’Allemagne. Sous la pression des populistes et des sondages, le gouvernement allemand a changé de politique en matière des réfugiés. Et Amnesty International, dans un rapport publié cette semaine, met le doigt là où ça fait mal.

En amont des élections en septembre 2017, le gouvernement d’Angela Merkel a craqué. L’accent de la politique d’accueil a été décalé d’un accueil dans les meilleures condition vers une politique d’expulsion – et une politique lâche qui consiste à coopérer avec des régimes douteux en Afrique du Nord pour empêcher d’autres réfugiés de tenter la grande traversée.

Le pire dans tout cela, c’est la position allemande concernant l’Afghanistan. Le ministre fédéral de l’intérieur, Thomas de Maizière, vient de décréter certaines régions de l’Afghanistan comme « pays d’origine sûr » – ce qui permet à l’Allemagne d’expulser des demandeurs d’asile rejetés vers ce pays en pleine guerre civile. Interrogé s’il pouvait nommer ces régions prétendument sûres, Thomas de Maizière n’avait pas de réponse. Pourtant, l’Allemagne continue à expulser des personnes vers l’Afghanistan où un destin inconnu les attend. Bien entendu, aucun suivi des personnes expulsées n’est assuré et de nombreuses ONGs, dont Amnesty International, critiquent ce changement de politique.

Si au début de cette vague de migration, la protection de personnes en détresse était le leitmotiv de la politique allemande, il s’agit désormais surtout de la gestion des réfugiés et du contrôle des nouveaux arrivants et – de la coopération avec des potentats douteux dans des pays comme le Soudan, la Libye ou en Somalie pour que ces potentats (dont au moins un est recherché pour crimes contre l’humanité) empêchent les réfugiés de venir en Europe.

Pourtant, la chancelière ne devrait pas aller à la pêche des votes à l’extrême-droite. Depuis l’arrivée du candidat Martin Schulz à la tête du SPD, l’AfD perd de sa dynamique – en l’espace de 2 semaines, l’extrême-droite a baissée de 4% dans les sondages pour se situer maintenant à 8% des intentions de vote – une politique d’accueil ambitieuse et surtout humaniste, constitue sans doute la meilleure approche à cette thématique.

Le chef d’Amnesty International Allemagne, Markus Beeko, se montre inquiet face à ce changement de politique en Allemagne. « Ce ne sont plus les êtres humains ayant besoin de protection qui se trouvent au centre du débat qui lui, est marqué par une volonté politique de contrôler la migration ».

Quand on arrive à qualifier l’Afghanistan comme « pays d’origine sûr », on pervertit la politique d’asile. Renvoyer des personnes dans des zones de guerre ou de guerre civile, cela revient à les condamner. Dommage qu’Angela Merkel n’ait pas eu le courage de poursuivre sa politique ambitieuse qui a failli positionner l’Allemagne autrement. Mais quand l’Allemagne se met à organiser les injustices avec une précision et technicité froide, rien ne l’arrête. Dommage. C’était si sympathique de se trouver, pour une fois, du côté de ceux qui agissent selon des principes humanistes. Quelque part, il était clair que cela ne pouvait pas durer…

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste