La France n’est plus le premier partenaire commercial de l’Allemagne !

Est-ce que le «moteur de l’Europe», le couple franco-allemand, serait en panne ?

Le "made in Germany" n'est plus considéré comme avant dans les relations franco-allemandes. Ce qui est vrai aussi dans l'autre sens. Foto: Oliver1983 / Wikimedia Commons / GNU 1.3

(Par Alain Howiller) – Curieusement personne -ou presque- n’en a parlé. Pourtant, la réalité qui dans l’histoire -compliquée- des relations franco-allemandes semblait avoir la vie dure et avait tenue pendant plus de 50 ans, vient de s’effacer des réalités économiques des deux pays : l’affirmation selon laquelle l’Allemagne et la France formaient, sur le plan des échanges entre les deux pays, un couple exemplaire l’un pour l’autre, vient de tomber. La France n’est plus le premier partenaire de l’Allemagne et le vieux slogan «premier fournisseur et premier acheteur l’un pour l’autre» ne correspond plus à une réalité déjà contestée depuis que la France était devenue, il y a deux ans, le troisième fournisseur de l’Allemagne derrière les… Pays-Bas et la Chine Populaire !

La France n’est plus non plus, depuis l’année dernière, le premier importateur de marchandises allemandes : ce sont les Etats-Unis qui ont remplacé le partenaire français en important pour 114 milliards d’Euros (+19%) de produits «made in Germany», contre 103 milliards d’Euros (+2,3%) d’achats français. Les Etats-Unis s’inscrivent ainsi en tête des clients de l’Allemagne devant la France, la Grande Bretagne, les Pays-Bas, la République Populaire de Chine, l’Italie, l’Autriche, la Pologne, la Suisse etc… La Turquie et la Russie ne se trouvent, respectivement, qu’en 14ème et 15ème place dans ce tableau qui relativise singulièrement l’idée qu’on aurait pu avoir quant au classement et à l’importance des pays acheteurs !

Conjoncture et taux de change US. – Pourtant, le commerce extérieur de l’Allemagne, malgré un léger fléchissement en fin d’année, a été particulièrement dynamique en 2015. C’est ce que souligne l’Office Fédéral des Statistiques dans ses dernières publications. Les exportations allemandes ont, en effet, progressé l’année dernière, de 6,4% (+7% pour les ventes aux pays de l’Union Européenne) participant ainsi à un excédent commercial record de 248 milliards d’Euros ! Le résultat est dû aussi, pour une part, au fait que les importations n’ont, elles, progressé que de 4,2%.

Si le relais par les Etats-Unis a été encouragé par la conjoncture américaine (+2,4% de taux de croissance), il faut tenir compte du taux de change favorable de l’Euro qui a perdu un cinquième de sa valeur par rapport au dollar ! Les hésitations de la reprise en France (+1,21% de taux de croissance en 2015, mais 1,5% espérés en 2016) ont, de leur côté, contribué à peser sur les importations en provenance de l’Allemagne. Sur le marché américain, la compétitivité des produits d’Outre-Rhin soutenue par un réseau d’implantations allemandes à travers le pays (surtout dans les secteurs : automobile, industrie et commerce de gros) a renforcé une présence dont les effets, selon le Président de la Chambre de Commerce Américaine en Allemagne, pourraient être durables. Cette présence sur le marché américain jouerait en particulier en faveur de la construction de machines, de l’industrie automobile (sous réserve des effets du scandale «écologique» VW), la chimie, l’aménagement et l’équipement d’usines.

Quand Valls critique Merkel ! – Pour autant la France reste le deuxième client de l’Allemagne et cette dernière absorbe 16% des exportations françaises et reçoit 17% de ses importations en provenance d’Outre-Rhin. C’est dire que les échanges entre les deux pays restent importants et que le partenariat économique nourrit un partenariat politique qui a tendance, ces derniers mois, à se distendre quelque peu, malgré les efforts que déploient et Angela Merkel et François Hollande pour donner le change.

Les désaccords apparus, ces dernières semaines, dans l’approche de la politique d’accueil des demandeurs d’asile menée de de part et d’autre du Rhin, ont été significatives : certes François Hollande est resté discret pour ne pas trop gêner la chancelière allant même jusqu’à lui rendre un hommage appuyé dans son interview au magazine féminin «Elle». Après avoir classée la chancelière dans la catégorie des «grandes figures féminines», il a tenu (en pensant sans doute un peu à… lui !) à souligner : «Elle a dû lutter pour s’imposer dans le paysage politique allemand et n’a pas été épargnée. Elle ne l’est pas davantage aujourd’hui. Elle sera sans doute surprise par ma déclaration. Chacun sait que si nous partageons beaucoup d’engagements pour l’Europe, nous ne sommes pas de la même sensibilité politique.»

Si sur ce plan la chancelière avait encore quelques doutes, elle les a perdues en voyant Hollande inviter, à l’Elysée, les chefs de gouvernement et de partis appartenant à la social-démocratie européenne (dont Matin Schulz et Sigmar Gabriel, le vice-chancelier SPD allemand) pour esquisser des lignes de force d’une politique de «gauche» alternative. Comment aurait-elle pu ne pas trouver la trace réelle de la pensée du Président français dans les propos de Manuel Valls condamnant, à Munich, la politique migratoire d’Angela Merkel, lors de la conférence sur la sécurité européenne ?

Rendez-vous le mois prochain à Metz ! – Certes –«tradition hollandaise» oblige- Jean Marc Ayrault, le Ministre des Affaires Etrangères, a essayé de calmer le jeu devant les protestations allemandes : «Je pense que, lorsque Angela Merkel se fixe sur ce principe du droit d’asile, elle a -à la fois moralement et politiquement- raison.» Un exemple classique du «rétropédalage à la «Hollande» : ce qui a été dit, est dit, le reste relève de…. l’enrobage !

Dans son livre(1) sur Angela Merkel et François Hollande, le journaliste Nicolas Barotte a cette phrase -oh combien- significative : «Angela Merkel ne s’attend plus à ce qu’il [F.Hollande], renverse la table. Alors il ne faut pas croire que la nouvelle entente franco-allemande soit indéfectible. Dès que les temps des campagnes électorales reviendront, l’intérêt partisan de chacun ressurgira !» La 18ème réunion du  Conseil des Ministres franco-allemand qui doit avoir lieu le mois prochain à Metz confirmera-t-il ou infirmera-t-il ce propos ? On y saura (peut-être) si le moteur franco-allemand a retrouvé le carburant nécessaire pour reprendre sa route : notamment sur une relance de la politique européenne.

(1) «François & Angela» par Nicolas Barotte, Editions Grasset, Septembre 2015, 19 euros.

1 Kommentar zu La France n’est plus le premier partenaire commercial de l’Allemagne !

  1. Analyse très pertinente à partir de données soigneusement collationnées. Comme d’habitude!

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste