La France veut faire revenir ceux qui sont partis pour réussir… ailleurs !

Souvent, ce sont les plus courageux et les plus entreprenants qui partent faire une carrière à l’étranger. Maintenant, la France aimerait faire revenir ces talents perdus…

Honoré produit ces macarons à Seattle - la France aimerait bien qu'il revienne au pays... Foto: Bryan Ochalla / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Alain Howiller) – Le gouvernement français pratique, avec succès croit-il, l’art subtil du «rétropédalage» qui, comme chacun sait, offre aux «politiques», la pratique du ballon d’essai ou de la marche-arrière accélérée ! Les annonces de mesures ou de démarches rapidement retirées ou corrigées ne sont pas rares et, il est vrai, qu’il vaut mieux cela que de se raccrocher à des décisions inconsidérées peut-être dommageables ! Alors que tous les observateurs considèrent que le matraquage fiscal des deux premières années du quinquennat présidentiel a fortement contribué à pousser de nombreux Français (et pas seulement des «exilés» soucieux d’échapper à l’impôt), à s’expatrier, le Premier Ministre Manuel Valls a souhaité que «soient mises en œuvre, les propositions» destinées à faire revenir les expatriés français au pays.

Il venait de recevoir les 50 propositions faites par la sénatrice socialiste des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret, ancienne Ministre déléguée auprès du Ministre des Affaires Etrangères chargée, dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, des Français de l’Etranger. Le Premier Ministre a chargé Clotilde Valter, secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat et à la simplification, de prendre en charge le dossier, afin d’élaborer des propositions concrètes pour simplifier et faciliter, de ce fait, le retour des Français expatriés !

Un retour dont on espère une relance économique ! – Le sujet, on s’en doute, est loin d’être anodin : il concerne un nombre croissant de Français, qui s’expatrient, pour des séjours de plus en plus longs : 47% des rapatriés sont partis depuis plus de six ans, 22% entre trois et six ans et 23% ont quitté la France depuis moins de trois ans. Les «expatriés» quittent leur pays pour un temps plus ou moins long, les émigrés, eux, quittent leur pays d’origine pour s’installer, le plus souvent définitivement ailleurs. Ils ont emporté avec eux un savoir (plus de 50% sont diplômés Bac +3), un savoir-faire, souvent des capitaux. Ils ont valorisé sur place leur expérience, ont stimulé des réseaux de relations et ont souvent créé des entreprises prospères : leur retour en France apporterait des «plus» au pays et -pense-t-on côté gouvernemental- participerait à la relance de la croissance qui tarde à s’affirmer pleinement.

Leur nombre augmente de 3 à 4% par an, ce qui représente, en gros, entre 60 et 80.000 Français qui partent chaque année. Si les raisons qui poussent à ces départs (chômage, manque de considération pour les jeunes, salaires, fiscalité) ne sont pas nouvelles, elles semblent être devenues plus pesantes, ces dernières années, suscitant la prise de conscience dont témoignent les propositions de la sénatrice des Français de l’étranger et l’intérêt du Premier Ministre.

Londres sixième ville française ? – Le nombre des expatriés français serait de l’ordre de 2,2 millions de personnes : 75% d’entre eux sont des hommes dont 95% ont fait des études supérieures. 38% des «expats» (comme on les appelle) ont déjà vécu ou ont effectué des études (notamment dans le cadre d’Erasmus) avant de s’installer en dehors de leur pays d’origine. 50% d’entre eux s’établissent dans un pays de l’Union Européenne, contribuant ainsi à façonner l’unité de l’Europe ! Les pays choisis sont, dans l’ordre, la Grande Bretagne, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse. Le fait que 65% d’entre eux dominent la langue anglaise (contre 9% l’allemand et 6% l’espagnol), explique le choix de la Grande Bretagne.

Ils seraient, selon certaines estimations, 300.000 établis en Grande Bretagne, dont les 3/4 à Londres. Ce qui fait dire à Boris Johnson, le maire de la capitale britannique, que compte tenu de ses 225.000 Français, sa ville serait la 6ème (en fait plus vraisemblablement… la 30ème !) ville française. La langue explique aussi que 22% des expatriés choisissent de s’installer en Amérique du Nord, 15% d’entre eux choisissant les USA ! 33% des femmes -contre 21% des hommes – qui s’expatrient ont moins de 30 ans.

Si le retour des «expats» offre des avantages, il ne faut pas ignorer, pour autant, le côté positif de l’expatriement qui non seulement sert le rayonnement de la culture et de l’image du pays d’origine, mais contribue aussi, en favorisant notamment les exportations, à son développement économique : le fait que entre 18 et 20% d’expatriés sont envoyés à l’étranger par leur entreprise, n’est pas indifférent !

Les exemples allemands et italiens. – Le phénomène, du reste, touche la plupart des pays : on décompte, par exemple, trois millions d’expatriés allemands ou italiens. Les expatriés britanniques sont… 4 millions, à travers le monde ! Les chiffres, en tout état de cause, apportent leur contradiction à deux affirmations «péremptoires» selon lesquelles les Français seraient plus casaniers que les ressortissants d’autres pays et qu’ils ne pratiqueraient pas l’anglais !

Pour faciliter le «retour des expatriés», la sénatrice Conway-Mouret propose, en cas de retour, des mesures pratiques pour faciliter l’accès aux droits sociaux (assurance maladie, retraite, chômage), le droit au logement, l’inscription des enfants à l’école… Rien de bien révolutionnaire, du concret et un… signe d’intérêt envoyé. Autre signe : la campagne lancée par une dizaine de «start ups» du numérique sur le thème «Léon, reviens, on innove à la maison».

Ces «start ups» qui veulent faire revenir Léon ! – Ces «start-ups» ont toutes réussi à l’international (USA, Grande Bretagne notamment) : elles s’adressent, elles qui créeront 3.000 emplois en 2015, à leurs collègues chefs d’entreprise pour les inciter à venir investir, créer des emplois en France. Pour appuyer leur campagne de «recrutement», ils ont même organisé des rencontres à New-York, San Francisco ou Londres !

Dans un manifeste publié, elles soulignent : «Reviens Léon. Reviens prendre la place qui te revient. La France n’est plus ce qu’elle était quand tu es parti : elle est désormais pleine de ces opportunités que tu guettais, jadis, dans le pré d’à côté. Aujourd’hui, nous avons les mêmes à la maison. Et si on a tout chamboulé, on a aussi gardé ce qu’on aime : notre culture, notre système de protection sociale, notre éducation, notre gastronomie. Et notre humour. C’est en France que ça se passe. Reviens, Léon !»

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