La gestion risquée du Racing Club de Strasbourg
Racheté il y a maintenant 2 ans par le fonds d’investissement américain « BlueCo », le Racing a atteint son objectif de coupe d’Europe cette saison. Derrière cette réussite sportive se cache une gestion financière ultra risquée.

(Mathieu Rampin) – Impossible d’évoquer le cas du Racing Club de Strasbourg (RCSA) sans parler de Chelsea. Le prestigieux club anglais est détenu par les mêmes propriétaires. Cette multipropriété est censée profiter aux deux équipes, mais la question de savoir si Strasbourg ne sera pas au service de Chelsea, se pose d’entrée. Le club anglais a beaucoup plus d’envergure que le Racing. Les propriétaires américains vont-ils ponctionner le Racing dans l’intérêt du plus grand ?
Pour l’instant, Strasbourg a bénéficié de très bons joueurs via des prêts de la part de Chelsea (Andrey Santos, Djorjde Petrovic…), et d’une vente fructueuse en la personne de Diego Moreira. Mais attention aux cadeaux empoisonnés – lors du dernier mercato d’été, Chelsea a voulu imposer le Brésilien Deivid Washington au Racing. Par souci d’équilibrage comptable du club anglais un transfert de 20 millions aurait été évoqué. Une somme largement surévaluée pour un joueur qui n’a quasiment jamais joué avec les « Blues ».
Sur le fil du règlement – Si Chelsea a voulu plomber son « club frère » pour une histoire d’argent, c’est pour une bonne raison. En 3 ans, les Londoniens ont dépensé plus de 1,1 milliards d’euros sur le marché des transferts. De plus, ces sommes sont issues de prêts bancaires avec des taux d’intérêt d’environ 10%. Cela signifie que l’entreprise qui possède les deux clubs (« 21 Holdco » de son nom officiel) dépense environ 100 millions d’euros d’intérêt par an (Source : Romain Molina). Un montant faramineux d’autant que les investisseurs de chez BlueCo s’adonnent à des paris. L’entreprise achète de jeunes joueurs à fort potentiel dans l’objectif de spéculer sur leur valeur et de les revendre plus cher par la suite. Parfois ce système paye, comme avec Dilane Bakwa, acheté par le RCSA pour environ 10 millions d’euros à Bordeaux il y a deux ans. Le joueur de 22 ans est désormais l’un des meilleurs joueurs de Ligue 1. À l’inverse, pour certains, la chute est brutale.
L’exemple le plus parlant est celui d’Abakar Sylla, la recrue la plus chère du club, n’a jamais su s’imposer en tant que titulaire. 20 millions d’euros, soit la moitié du budget du Racing avant BlueCo, ça fait cher le remplaçant.
Afin de cacher leurs écarts comptables et d’échapper à des sanctions de la part des ligues nationales et européennes, Chelsea et Strasbourg mettent en œuvre des jeux de transferts d’argents qui posent question. Au Racing, pour éviter des réprimandes de la DNCG (Direction Nationale du Contrôle de Gestion), la direction a eu recours à des prêts avec option d’achat obligatoire. Ce qui a permis au club alsacien d’obtenir 3 joueurs cet hiver, mais en ne les payant qu’à partir de l’été. Il s’agit de Valentin Barco, Andrew Omobamidle et Samuel Amo-Ameyaw, pour un montant d’environ 30 millions d’euros.
Des fans lésés – Au-delà des risques de faillites financières, une situation qu’a déjà vécu Strasbourg en 2011. Ce changement de vision est un crève-cœur pour les passionnés du club, donc ceux qui regardent le foot non pas pour les résultats ou le niveau de jeu, mais bien pour l’amour d’une équipe et ses valeurs. De 2012 à 2023, lorsque l’Alsacien Marc Keller était le propriétaire (il est désormais président) du club, les ultras du Racing ont vécu une période faste. Du football populaire qui privilégie le dépassement de soi aux stars et aux paillettes. Cette philosophie correspondait à leurs idées, se battre pour le maintien avec l’idée que l’équipe y est arrivée par abnégation et non à coup de millions, les passionnait.
Les nouveaux actionnaires entretiennent en plus une sorte de flou, ils ne sont ni présents au stade, ni dans les médias. Cette stratégie leur réussit, pour beaucoup de supporters, les américains sont à l’origine de la rénovation du stade de la Meinau. C’est totalement faux, le projet est réfléchi depuis 2016 par l’ancien propriétaire (encore aujourd’hui président) Marc Keller et les différentes collectivités locales (ville de Strasbourg, l’Eurométropole, département et régions). Les travaux ont même débuté juste avant l’arrivée des américains (juin 2023). De plus, le stade n’appartient pas au club, mais bien à la ville de Strasbourg qui, en compagnie des collectivités locales, finance à hauteur de 150 millions le coût des travaux (20 millions d’euros restent à la charge du Racing). En réalité, ce sont les impôts des Strasbourgeois (et habitants du Grand Est) qui vont payer la rénovation.
Il faut bien le reconnaître, l’équipe la plus jeune d’Europe a du feu dans les jambes. Les « racingmens » ont faim de victoire et sont emmenés par un superbe coach, Liam Rosenior, qui respecte le football et ses supporters. Sur les vidéos postées par le club sur les réseaux sociaux ont voit que les joueurs ne sont pas des machines programmées par le « football business », mais bien une bande de potes qui donnent tout pour gagner chaque rencontre. Certains deviendront de très grands joueurs, mais ce n’est sans doute pas Strasbourg qui va bénéficier de ces talents. En effet, le meilleur buteur du Racing cette saison, Emmanuel Emegha, 14 buts, pourrait être transféré à Chelsea dès cet été.
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