La Grande Europe Polyphonique.

Terrorisme, Réfugiés, Union , Droits de l’Homme», l’antienne est inlassablement ressassée au Conseil de l’Europe (CoE de 47 membres) comme au Parlement Européen des 28 d’ailleurs, parfois mezzo voce par certains délégués nationaux à l’Assemblée Parlementaire, cette semaine en deuxième partie de la session ordinaire 2016, à Strasbourg.

Le premier ministres turc a montré ce qui pense des soucis européens... rien. Foto: Sandro Weltin / (c) Council of Europe

(Par Antoine Spohr) – L’espagnol Pedro Agramunt, président de cette assemblée donne le ton et la mesure, alternant l’anglais et l’espagnol. Les invités resteront au diapason en mêlant à leur tour leur langue nationale et l’anglais et même du français pour le président de la Commission Européenne, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

Pourtant depuis la fondation en 1949, l’anglais et le français sont les seules langues officielles, d’autres langues comme l’allemand, l’italien et le russe pouvant être employées comme langues de travail. On y ajoute depuis 2016 la langue turque, la Turquie ayant acquis le même nombre de représentants (18) que les plus grands et par conséquent s’acquittant de la même contribution au budget. Cette innovation est souvent contestée, officiellement parce que cette pratique est coûteuse et mène à la cacophonie, et vraisemblablement aussi parce qu’elle pourrait anticiper l’adhésion à l’Union Européenne.

Après un Juncker (UE) harmonisant…

Le président de la Commission de Bruxelles n’a qu’à franchir la passerelle au-dessus de l’Ill pour passer du Parlement Européen où il est à demeure une semaine par mois, à l’assemblée du CoE où il est à l’aise. En voisin, il connaît bien les deux institutions depuis qu’il était étudiant à Strasbourg. Il les décrit comme complémentaires tendues vers les mêmes objectifs mais pour cela, il faudrait que l’UE adhère enfin à la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui suscite encore quelques réticences bien connues( UK). Il place cet objectif en priorité absolue… sur ce plan là.

Trop souvent, l’UE fait montre de superbe envers le Conseil un peu comme le cavalier envers le piéton ou le goret repu envers le bourricot efflanqué. Les budgets sont très très différents en effet. J.C Juncker le sait mais feint de l’ignorer pour, peut-être éviter qu’on puisse penser qu’avec un pouvoir «financier» et tout ce que cela induit, on peut flatter le plus pauvre à peu de frais. Mais le Luxembourgeois est, sans fioritures, un homme droit et sincère. Lui succède dans l’hémicycle…

Un Ahmet Davutcoglu (Turquie) tonitruant.

Comme il y a quelques années pour le président Erdogan en visite au CoE, une escorte, une escouade, une cohorte, presque une compagnie d’hommes en complet gris accompagne le premier ministre turc dans tous ses déplacements. Ne pouvant le suivre dans l’hémicycle ces licteurs modernes sans faisceaux pour le moment, envahissent la tribune de presse et y assurent la surveillance. Pour la sécurité ? Il est vrai qu’au-dehors, de l’autre côté de l’allée, à environ cent mètres de la sortie du Palais, quelques centaines de Kurdes manifestent à grand bruit leur hostilité, sous la surveillance d’une dizaine de cars de CRS. Sans danger d’affrontement imminent toutefois. La présence des opposants kurdes en «manifestation» est récurrente à Strasbourg.

Mais le PKK et autres organisations de la libération ou regroupement d’une nation sont abusivement classés par Davutcoglu dans la liste des terroristes bien avant Daech et Al-Qaida.

La Turquie se veut un exemple du respect pointilleux des droits de l’homme. Elle est aussi le pays le plus actif dans l’accueil des réfugiés et aurait déjà dépensé 10 milliards de dollars et n’aurait touché, à cette heure que 500 millions d’euros sur le 3 +3 milliards d’euros promis par l’Union, promesse impulsée par Mme Merkel contrainte par la défection des autres chefs d’état. A vérifier. Pour le nombre des réfugiés c’est pourtant vrai.

Peut-être, pour les aides les conditions requises ne sont-elles pas encore honorées et le premier ministre l’ignore-t-il. Comme d’autres problèmes évoqués gentiment presqu’innocemment par quelques parlementaires audacieux.

Un déni définitif à la limite de l’indécence.

La presse censurée, journalistes arrêtés selon «Reporters sans frontières», les relations difficiles avec la Grèce, le traitement brutal de la minorité kurde, la répression exercée contre les femmes, le traitement indigne de certains réfugiés selon les rapports d’Amnesty International ?

Aveugle et sourd aux questions posées, niant tout fondement de ces accusations le numéro 2 turc règle tous les problèmes évoqués par une réponse laconique, sentence définitive : «La Turquie est un état démocratique, un état de droit». Un point c’est tout. Curieusement, en conclusion le président de l’APE félicite l’ami turc et «l’assure de l’appui sans réserve de l’assemblée» considérant sans doute que les questions gênantes posées étaient farfelues.

Nécessité faisant loi, on peut comprendre Mme Merkel, bien seule dans la question poignante des réfugiés, mais ce n’est pas le cas de M. Pedro Agramunt qui doit représenter la conscience de la Grande Europe face à une Union Européenne, divisée, désemparée, en voie de délabrement. Que les responsables d’aujourd’hui se souviennent de l’épisode biblique de Caïn et Abel et la conclusion de Victor Hugo «l’œil était dans la tombe et regardait Caïn».

Le Conseil de l’Europe demeurera sans grand pouvoir certes si ce n’est celui de conduire des impulsions vers la démocratie et surtout par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Le cas échéant elle pourra aussi aider l’UE à se reconfigurer, se réformer et même, à terme, de se réinitialiser sur de nouvelles bases unanimement acceptées.

L’Europe est si belle !

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