La grande fatigue
Les deux partis qui formeront probablement le prochain gouvernement allemand, la CDU et le SPD, montrent des signes de grande fatigue.
(KL/AK) – On aurait presque envie de rire. La grande Allemagne, exemple de stabilité politique, « premier de la classe européenne », puissance considérable au cœur de l’Europe, est en train de tituber vers une crise d’inertie. Si les adhérents du SPD conservent une possibilité de stopper la « Grande Coalition » sur la ligne d’arrivée, la fatigue des ténors de la CDU et du SPD ne peut plus être cachée. Le changement de génération dont l’Allemagne a besoin (comme d’autres pays) n’aura pas lieu. Une fois la première joie maligne passée, on se rend compte que cette évolution n’est pas bonne pour l’Europe.
Au SPD, celui qui était encore l’homme fort en mars 2017, Martin Schulz, a perdu l’amour de son parti. Ayant changé d’avis trop de fois, ayant renoncé à ses positions fondamentales, il est aujourd’hui considéré comme celui qui aura trahi son parti. Et le SPD l’a obligé à renoncer à son plan de devenir ministre dans le nouveau gouvernement d’Angela Merkel. Dans la foulée, Andrea Nahles reprendra la présidence du SPD et la grande carrière politique de Martin Schulz s’arrêtera là.
Même son de cloche à la CDU, où ça gronde parmi les adhérents qui estiment qu’Angela Merkel a fait trop de concessions au SPD dans le cadre des négociations. Le SPD se verrait octroyer des ministères importants (affaires étrangères, finances, travail et affaires sociales, justice, famille, environnement) et la base de la CDU estime que c’est cher payé pour un parti qui n’apporte que 20% des votes dans ce nouveau « mariage forcé ». Conséquence : pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir il y a 12 ans, Angela Merkel est ouvertement critiquée au sein de son propre parti, au point qu’on estime que l’ère Merkel touche effectivement à sa fin.
Si les adhérents du SPD avalisent l’accord de gouvernement (ce qui n’a rien d’une certitude), cette coalition de vieux crocodiles en chute libre arrivés à la fin de leur cycle de vie politique, ne sera pas un gage de politique moderne, dynamique et européenne. Dans une UE au bord de l’implosion, une Allemagne faible, fatiguée et peu dynamique constitue une mauvaise nouvelle à un moment où il faudrait travailler pour la cohésion.
Depuis les élections du 24 septembre dernier, l’Allemagne assiste, impuissante, à un surprenant ballet de négociations. A l’exception d’une Angela Merkel visiblement fatiguée, personne ne s’est battu pour participer à un gouvernement. Par contre, les rangs de l’opposition au Bundestag étaient extrêmement recherchés…
Mais comment des partis peuvent-ils se présenter en ne visant dès le départ que la deuxième place ? Pensaient-ils participer au processus politique sans en assumer les responsabilités ? Pauvre Allemagne ; la seule qui serait encore prête à diriger ce géant à moitié endormi est Angela Merkel, à qui on aurait aimé souhaiter de couler une retraite paisible. Le changement de génération n’est pas pour maintenant. Face aux crises du monde, l’Allemagne a décidé de fermer les yeux et de confier son destin à celle qui a toujours été là : Mutti. Mais Mutti est fatiguée…
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