La Grèce et la peur européenne de la Démocratie….

Comment les créanciers d’Athènes restaurent la stratégie de la terreur au pays de Socrate !

Après avoir laissé une ardoise de plusieurs milliards en France, Christine Lagarde joue la donneuse de leçons pour la Grèce. Foto: World Economic Forum / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Guy et Hanna Colin) – A-t-on déjà vu des autorités monétaires internationales, censées veiller à la stabilité financière, organiser la panique et le chaos ? C’est pourtant le spectacle auquel nous assistons ces derniers jours. La Banque centrale européenne (BCE) et le Fond monétaire international (FMI), sous la direction de Madame Lagarde, ancienne ministre de l’économie et des finances du Président de la République française, Nicolas Sarkozy, mettent tout en œuvre pour provoquer une panique bancaire en Grèce afin de forcer le gouvernement de Syriza, démocratiquement élu par une majorité de grecs, à capituler…

Cette folie s’est emparée des responsables européens et du Fond monétaire international, dont la mission est de réguler la finance mondiale, chargés en temps normal de veiller et d’assurer la stabilité financière du système, en organisant la panique et le chaos. C’est pourtant ce à quoi nous assistons depuis l’échec du sommet de l’Eurogroupe. Cette stratégie de la terreur a été mise en place pour faire plier le gouvernement grec et l’obliger à capituler, pour signer ce qu’il refuse depuis cinq mois, ceci sur le dos d’un peuple qui le soutien massivement. Pour y parvenir, les autorités monétaires, soutenues par le lobby de la finance, ont accepté de prendre le risque délibéré et irresponsable d’accélérer la crise financière en Grèce, voire d’entraîner la contagion dans toute la zone euro !

Cette rumeur d’une panique bancaire en Grèce est soigneusement entretenue par ceux qui en d’autres temps ont déstabilisé le pays pour le vendre à une junte militaire ! Mais pas de panique, le nouveau pouvoir démocratiquement élu, va poser la question par référendum aux citoyens : « pour ou contre l’ultimatum posé par la Troïka » ?

L’idée d’une déstabilisation de la Grèce trotte depuis un moment dans la tête de certains dirigeants financiers européens. Dès février 2015, la Banque centrale européenne avait lancé un «coup d’Etat» financier, en coupant les banques grecques des outils traditionnels de financement. C’est donc un droit de vie ou de mort sur le système bancaire grec, en quasi-faillite, qui ne vit plus que sous l’assistance respiratoire des fonds d’urgence de liquidité. Et l’on connaît la suite : cette semaine, c’est la ruée des citoyens grecs vers les distributeurs d’argent liquide, pour un montant de 60 euros par personne et par jour. On croirait être revenu aux heures les plus sombres de la guerre froide, au sein d’une Europe soit disant «démocratique» !

Mais ce n’est pas la première fois que la Banque centrale européenne sort de ses prérogatives, tordant le bras à des gouvernements élus démocratiquement, en piétinant le suffrage des électeurs, pour obliger les pays à se soumettre à ses volontés, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie en ont fait une amère expérience.

Le mépris de Christine Lagarde, nouvelle directrice du FMI… – L’échec des plans de sauvetage imposés à la Grèce n’est plus à démontrer. Pas un économiste – quelle que soit son obédience – n’arrive à justifier le traitement de choc imposé à Athènes. On apprend aujourd’hui que deux grands Prix Nobel d’économie, prennent la défense du Premier ministre grec qui a choisi de procéder à un référendum. Il s’agit de Joseph Stiglitz et Paul Krugman, tous deux issus de grandes Universités américaines où ils enseignent encore. Eh oui, pour une fois et par delà une propagande néolibérale permanente, des économistes autres que néolibéraux, et prix Nobel de surcroît, s’expriment publiquement en faveur du projet démocratique, défendu (seul contre tous) par Tsipras et contre la politique para-démocratique de la Troïka et de ses supplétifs politiques et médiatiques, remettant en cause cette politique mortifère mise en place partout en Europe, une politique génératrice à grande échelle de chômage de masse et d’insécurité sociale, une politique élitiste tout aussi incapable d’emporter l’adhésion des millions de citoyens européens que de contrôler les rênes d’une finance devenue folle, car délibérément dérégulée et abandonnée aux institutions financières et à leurs représentants d’intérêts privés. Cette politique pourvoyeuse de tensions sociales est devenue un terreau favorable aux gouvernements d’extrême droite, qui fleurissent un peu partout en Europe.

Cette politique s’avère finalement, malgré l’intense propagande libérale qui en est faite, n’être de bout en bout qu’un véritable fiasco, sur le dos des peuples européens.
La Directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a balayé d’un revers de main les recommandations de ses propres services, en décidant de cautionner un plan n’apportant ni restructuration de la dette, ni aménagement fiscal et budgétaire, ni soutien à une relance de l’économie, ni aide à l’investissement. La position défendue par Christine Lagarde tient de celle d’un vil usurier, voulant revoir son argent à tout prix, prêt à se payer sur la bête pour y parvenir, soutenant des privatisations qui n’ont surtout servi qu’à renforcer les oligarchies intérieures qui détruisent la Grèce depuis cinquante ans.

S’il y avait encore des doutes sur le fait que Madame Lagarde n’est plus la représentante d’une organisation internationale, mais bien celle d’une politique au service exclusif d’une technostructure européenne privatisée au service des lobbys financiers, ils se sont dissipés depuis longtemps. Mais comment justifier une telle position vis-à-vis de la Grèce, alors que le FMI s’est rangé au côté du gouvernement ukrainien, qui réclame une restructuration de sa dette et est décidé à faire défaut, sans concertation avec ses créanciers, s’il le faut ? Y aurait-il deux mesures désormais : des pays qui peuvent renégocier leurs dettes et d’autres qui ne le peuvent pas ?

Ajoutant le mépris à l’arrogance, la Directrice du FMI a déclaré, à l’issue d’une réunion du 18 juin dernier, qu’elle voulait discuter avec des «adultes». Mais en quoi la position des grecs n’est-elle pas adulte ? Pas une seule fois les responsables de la Troïka n’ont pris le temps d’examiner sur le fond les propositions du nouveau gouvernement Tsipras.

Mais le reste est à venir et la cerise sur le gâteau, c’est que Madame Lagarde, alors ministre des finances du gouvernement Sarkozy, a laissé une ardoise de plusieurs milliards de déficits à la France quand elle a pris ses fonctions au FMI en 2011, sur fond de scandales, notamment dans l’affaire Tapie, soupçonnée de favoritisme et de prises d’intérêts, sur l’affaire du Crédit Lyonnais et la vente d’Adidas. Ce qui lui a valu un non-lieu pour manque de preuves.

Elle est pas belle la vie !

En conclusion, on se pose la question si les responsables européens pensent sérieusement que cette stratégie de la terreur va dissuader les électeurs espagnols de voter Podemos, les Italiens de remettre en question leur adhésion à l’euro ou, le Front National de gagner encore des points supplémentaires en France ? Depuis des années, les peuples européens assistent, impuissants, à l’effondrement du rêve européen auquel ils croyaient. Les entorses faites au projet européen des pères fondateurs, Jean Monnet, Adenauer et Schumann n’ont cessé de se multiplier, mettant à mal les bases sociales et sociétales des pays européens. Mais depuis quelques semaines, ce sont les principes mêmes de l’Europe qui sont remis en cause. Des drames des migrants en Méditerranée à la volonté de faire capituler la Grèce, nous assistons à l’attaque de nos fondements de la démocratie, des droits de l’homme, et de tout ce qui fait la culture européenne issue des Lumières. Et cette Europe-là nous fait honte…

5 Kommentare zu La Grèce et la peur européenne de la Démocratie….

  1. Pour un point de vue subjectif sans nuance, en voici un : on a beau se mettre à deux Colin’s et s’en référer laconiquement en la circonstance à des prix Nobel d’économie US à géométrie variable! Oui il faut tout faire pour garder la Grèce dans l’Europe. Une Grèce qui restructure son économie en organisant une collecte des impôts juste surtout n’excluant pas les riches ni l’église orthodoxe.Alors la solidarité européenne pourra s’exercer pleinement dans une Europe Fédérale et donc forcément solidaire qui rétablirait ipso facto un relatif équilibre..
    Les Grecs pauvres ne sont pas en cause mais alimentent le pathos dont vous vous pourléchez. En fait il faut sans doute une révolution impossible à l’échelle nécessaire aujourd’hui. Crise morale faute d’idéologie?

  2. Yveline Moeglen // 4. Juli 2015 um 10:43 // Antworten

    Malgré sa justesse…dommage que cet article soit si long…même s’ il est nécessaire d’expliquer..il risque de ne pas être lu jusqu’ au bout ..!!
    D’ ailleurs seule une décision politique réglera ce conflit latent entre euroland et la Grèce…Car..:….
    – que signifie encore aujourd’hui’ hui le terme ” dettes d’ un état “????

  3. Yveline Moeglen // 4. Juli 2015 um 10:48 // Antworten

    D’ accord avec Antoine SPOHR….
    Il faut tout faire pour que la Grèce reste dans l’ euroland….
    On ne dit pas assez que les banques comme des rapaces profitent des dettes des pays..!!!!@

  4. Rene ECKHARDT // 4. Juli 2015 um 12:15 // Antworten

    A qui profite le crime? Mais qui sont les victimes ? Y a-t-on pensé ?
    Et nous nous étonnons que la démocratie soit en panne, que les jeunes ne votent plus, etc.

  5. Alexis LEHMANN // 4. Juli 2015 um 14:21 // Antworten

    Oui, Kai a écrit un bel article ! Bravo !
    Pour ma part la vraie peur de nos Instances n’est pas celle de “l Europe de la Démocratie” , mais celle d’une “DEMOCRATIE EUROPEENNE.” Une démocratie ne peut en effet s’exprimer qu’au sein d’un Etat de Droit ! Or nous sommes près de 700 millions de “citoyens” européens , appellation totalement erronée, dès lors qu’il n’y a pas d’ETAT EUROPEEN !
    Nous allons donc aller vers un conflit entre les différentes Démocraties de l’ UE. C’est un comble! L’avis de quel Pays faudra t’il suivre ? Celui de l’ Allemagne , de la France, de la Grèce ou de la Serbie ? La Démocratie “Européenne” telle s ‘exprime aujourd’hui est inaudible, inexploitable! INGERABLE!
    Il s’agit, enfin, de faire le grand saut, vers une Europe Politique ou vers le retour à la primauté des Etats. Il n’y pas de solution intermédiaire !
    Faute d’Union et d’ AUTORITE Politique l’ UE continuera d’être dirigée et soumise à la SUPER AUTORITE FINANCIERE . Celle ci , loin de toute préoccupation démocratique a tout à gagner d’un échec de l’EUROZONE et de LUNION EUROPEENNE POLITIQUE. Dans l’algorithme financier des spéculateurs mondiaux, c ‘est l’anarchie et le chaos qui sont source de rentabilité! Dans cette logique là , la DEMOCRATIE n’est plus qu’un souvenir inventée un jour dans la Grèce antique!

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