La Guerre des Bolton
Les grands enfants américains jouent avec les allumettes.
(M C) – L’Europe a des jours difficiles devant elle, sans doute. Dans les années 1990, un historien allemand, Volker Ullrich, avait intitulé son ouvrage, qui porte sur le Second Reich (1871-1918) : Die nervöse Großmacht, (La Grande Puissance nerveuse)… On pourrait reprendre exactement ce titre pour désigner la puissance américaine depuis l’avènement de son Empereur fou, Donald Trump.
Les motivations de cette nervosité d’enfants hyperactifs sont certes un peu différentes : pour l’Allemagne de Guillaume II, oscillation incessante entre un immobilisme social et un modernisme de pointe ; pour les Etats Unis dans ce siècle qui s’annonce… intéressant, pendulation entre conservatisme modéré, à tendances isolationnistes, et bellicisme interventionniste dans les domaines économique et politique. Mais l’ambiance est analogue : une ambiance d’agitation en partie insensée, aux résultats très largement imprévisibles.
La nomination de Mike Pompeo le 13 mars au State Department et celle de John Bolton au poste de Conseiller à la Sécurité nationale semblent indiquer que les seconds l’emportent sur les premiers. Mais ces nominations témoignent aussi, et peut-être surtout, d’une agitation frénétique au sein du gouvernement fédéral américain. De quoi demain sera fait ? Nul ne pourrait prétendre le savoir ou le prévoir. Les menaces de sanctions économiques que Trump adresse à l’Union européenne avant de se rétracter momentanément ne sont pas faites pour rassurer, pas davantage que l’agressivité affichée de son gouvernement à l’égard de la Chine et de la Russie…
John Bolton, le nouveau Conseiller au Département d’État, est un soutien puissant pour les velléités agressives de Trump, le dentifrice des crocs acérés du Président. On connaissait Bolton, cet homme d’extraction modeste, né en 1948, par sa position favorable à l’intervention des Etats Unis en Irak en 2003 et à la manière forte à l’égard de l’Iran et de la Corée du Nord – pour ce qui est de l’Iran, les USA risquent donc fort de dénoncer très prochainement l’accord sur le nucléaire décidé par Obama, le prédécesseur démocrate de Trump , et entériné par l’ONU. Certes, Bolton a déclaré, après 2000 : « L’ONU, ça n’existe pas ! » A cette époque, en tant que Secrétaire d’État adjoint, il a empêché une Convention ONU de bannissement des armes biologiques ; en 2002, il a été l’artisan du départ des USA de la Cour Pénale Internationale ; en 2005, il est subrepticement devenu Ambassadeur aux Nations unies, dans cette organisation qui, comme on sait, « n’existe pas » ! Très fort, Bolton.
Protégé de Jesse Helms, un sénateur de Caroline du Nord assurément plus proche du KKK que du trotskisme prolétarien, John Bolton s’est annoncé deux fois candidat à l’investiture républicaine. En 2016, lors de la seconde de ces tentatives, il est conseillé par une société devenue fâcheusement célèbre ces dernières semaines, Cambridge Analytica, soupçonnée d’avoir utilisé Facebook (au su des responsables de ce réseau social) pour siphonner des millions de données personnelles chez ses utilisateurs en vue d’influencer les électeurs. Aux Etats Unis, mais aussi en Grande-Bretagne ; et le dirigeant de Cambridge Analytica s’est d’ailleurs vanté devant certains de ses clients d’être directement à l’origine du succès des partisans du Brexit…
Et précisément, en juin 2016, John Bolton a sauté de joie en apprenant ce succès : le Brexit, « ce poignard dirigé vers le cœur du projet de l’Union européenne », a-t-il déclaré ! Voilà qui est limpide. Et voilà qui préparait plus qu’implicitement les menaces de sanctions économiques qu’agitait Trump ces dernières semaines.
Des jours palpitants se préparent donc pour l’Europe, ainsi d’ailleurs que pour le monde entier. Il faudra que les nations parent aux attaques d’un certain grand banditisme politique de haute volée.
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