La Hongrie, bientôt une colonie russe ?

Poutine chez Orban pour la neuvième fois

Orban et Poutine, détail : Der europäische Altar Foto: Matthias Laurenz Gräff/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – L’appartenance de la Hongrie national-populiste à l’Union Européenne pose de plus en plus problème. Les relations d’Orbán avec son ami Poutine, en revanche, vont très bien, merci, comme en témoigne la visite de Poutine à Budapest avant-hier mercredi : relance d’un chantier nucléaire, faveurs prodiguées par Gazprom et par la russe et fort louche Banque Internationale d’Investissement,… Les années qui viennent ne manqueront décidément pas d’intérêt et de suspens.

Depuis 2012, Poutine a eu… 9 entretiens avec Viktor Orbán (11 avec Angela Merkel, à titre de comparaison) et 8 fois avec les dirigeants chinois, les grands présents en Europe centrale et orientale. Significatif, bien sûr : contrairement aux dénégations d’Orbán, la Hongrie est devenue le rossignol du Tsar Poutine en Europe. Et il ne s’agit nullement là d’une relation d’égale à égale, bien évidemment. La Russie exporte son gaz en Hongrie, pays de passage du gazoduc Turkstream, qui traverse les Balkans et la Bulgarie jusqu’à la Slovaquie ; et les deux pays ont signé des accords commerciaux importants. Le tout représente 6 milliards d’euros.

Les échanges ont donc repris de plus belle entre la Russie et son ancien satellite hérissé d’épines, 5 ans après l’annexion de la Crimée par Moscou – occasion alors pour la Commission européenne de lui infliger des sanctions. Orbán déclare qu’il ne voit pas pourquoi il s’interdirait une « coopération politique » avec Poutine, bien que la Hongrie soit membre de l’UE et de l’OTAN… Il est vrai que les deux dirigeants partagent une conception très autoritaire et ultra-conservatrice de la politique, et s’entendent ainsi comme larrons en foire.

Mais l’opposition ne voit pas les choses de cet œil. Gyurcsány Ferenc, homme politique de gauche (plutôt controversé par ailleurs, à cause de déclarations mensongères durant la campagne électorale du printemps 2006), qui fut Premier ministre et qui dirige actuellement la Coalition démocratique (un parti issu d’une scission avec le Parti socialiste) estime que pour la Russie, la Hongrie ne peut être se hausser au niveau de la Russie, mais devenir plutôt, selon sa formule pertinente et frappante, « un vassal vulnérable » (https://courrierdeuropecentrale.fr). Le maire écologiste de Budapest,lui, tout récemment élu, Karácsony Gergely, pointe avec virulence l’inclination d’Orbán pour les chefs d’Etat qui maltraitent les journalistes, fomentent des guerres et empêchent toute vie politique vraiment démocratique des citoyens. Et le parti de Karácsony, Parbeszed, enfonce le clou : il rappelle qu’est prévu l’élargissement de la centrale nucléaire de Paks, au centre du pays, décidé autoritairement en 2014 par le Premier ministre hongrois sans consultation aucune des citoyens (certes,on connaît bien cela dans d’autres pays!). Coût du chantier : 12,6 milliards d’euros pour 2 réacteurs tout beaux et tout neufs ; 10 milliards proviendront… d’un prêt russe, ce qui ne rassure personne, pas davantage que l’objet même de cette opération.

Autre motif majeur de préoccupation : l’installation à Budapest de la IIB (Banque internationale d’investissement), notoirement et intimement liée aux services secrets moscovites… Un vieille histoire, qui demeure cependant toujours neuve ! Fin septembre, aux Etats-Unis, des sénateurs ont même fait part de leurs préoccupations à l’ambassadeur américain à Budapest et rappelé les relations déjà anciennes de cette banque avec le SVB (les services secrets extérieurs russes). Mais il y a mieux encore : l’implantation de la BII avait déjà fait l’objet, le 4 mars dernier, d’une Question avec demande de réponse écrite à la Commission européenne (E-001140-19). 4 députés membres du groupe européen ALDE ( libéraux, aujourd’hui Renew), font remarquer dans le texte que la majeure partie du capital de la BII est détenue par un petit nombre d’Etats membres, et que l’implantation à Budapest soulève des inquiétudes « quant à la politique de la banque en matière de concurrence et de blanchiment ». Car en effet, l’accord entre Budapest et BII permet des privilèges et immunités, qui sont potentiellement incompatibles avec la législation européenne… et avec l’organisation de la lutte européenne contre le blanchiment !

Voilà qui promet de beaux jours… L’Union Européenne, en tout cas, doit absolument faire preuve de clarté et exprimer nettement ce qu’elle attend du Fidesz et du gouvernement de Viktor Orbán.

A lire : https://courrierdeuropecentrale.fr

 

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