La lutte d’Aristides de Sousa Mendes n’est pas terminée…
La récente inauguration du « Museu Aristides de Sousa Mendes » à Carregal do Sal, qui a remis en lumière les choix courageux du diplomate, nous renvoie également à l’actualité.

(Jean-Marc Claus) – Prenant la parole à Carregal do Sal le 19 juillet, lors de l’inauguration du « Museu Aristides de Sousa Mendes », le Président Marcelo Rebelo de Sousa a notamment souligné que « C’est un musée qui n’est ni local, ni régional, ni national. Il est universel. Ce musée nous dit à nous tous qui sommes ici, que la lutte d’Aristides de Sousa Mendes n’est pas terminée, qu’elle commence chaque jour et que c’est la leçon qu’il nous laisse. ». Mais quelle est donc cet enseignement ?
C’est la leçon du courage, face à la cruauté, le collaborationnisme et la duplicité : cruauté de l’Allemagne hitlérienne, collaborationnisme de la France vichyssoise et duplicité du Portugal salazariste. Coincé à Bordeaux entre ces trois inhumanités, le Consul du Portugal Aristides de Sousa Mendes do Amaral e Abranchesalors (1885 -1954), a choisi ce qu’on appelle aujourd’hui la désobéissance civile, en établissant des visas à des milliers de Juifs, mais aussi d’autres fugitifs pour qui demeurer sur le territoire français revenait à terme, à les condamner à mort.
Alors quinquagénaire, pouvant encore progresser dans sa carrière de diplomate, père d’une famille nombreuse, plutôt que d’obéir à son administration de tutelle il fit, aidé et soutenu par ses proches, le choix de la dignité. Un choix dont il paya le prix, en étant démis de ses fonctions par Salazar et blacklisté. Ce n’est qu’en 1986, soit trente-deux ans après sa mort et douze ans après la Révolution des Œillets, qu’il fut décoré à titre posthume et que sa famille reçut des excuses publiques.
L’agence de presse Lusa rapporte que le Président Marcelo Rebelo de Sousa, a également précisé à l’occasion de l’inauguration du musée : « Respecter la dignité humaine, vivre avec tout le monde, être tolérant, pratiquer le dialogue, être contre tout ce qui est racisme, intolérance, xénophobie, haine, accepter qu’il n’y a pas de peuples élus, qu’il n’y a pas de personnalités élues, nous sommes tous des êtres humains égaux, voilà le message ». Un message qui prend une tonalité particulière, dans un Portugal connaissant avec la montée en puissance du parti d’extrême droite Chega, le même phénomène que l’Espagne voisine avec Vox.
L’action d’Aristides de Sousa Mendes est parfois considérée comme la plus grande opération de sauvetage menée par une seule personne durant la Shoah. Pourtant, sans l’aide de ses proches, il n’aurait jamais réussi à exfiltrer autant de fugitifs. Pour mémoire, Oskar et Émilie Schindler dont les noms figurent aussi au Mémorial de Yad Vashem, ont sauvé 1.200 juifs. Ainsi, Angelina de Sousa Mendes mériterait-elle aussi de compter au nombre des Justes parmi les Nations, et l’histoire atteste que certains des enfants du couple furent également impliqués dans l’attribution des visas salvateurs.
Sur les 30.000 visas établis à Bordeaux en neuf jours, on estime qu’environ 10.000 furent donnés à des Juifs. Lorsque Aristides de Sousa Mendes mourut dans la pauvreté, il dit à ses enfants « Não tenho nada para vos deixar a não ser o meu nome e está limpo. » (Je n’ai rien à vous laisser sauf mon nom et il est propre.). Garder son nom propre, malgré les pressions et les circonstances, voilà un objectif que ne visent pas forcément aujourd’hui tous les politiques et de les serviteurs de l’État…
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