La «méga-région» de l’est semble inéluctable désormais…

… mais en Alsace, le débat est loin d’être clos !

Ils parlent, ce qui est bien. Mais le chemin vers l'ALCA sera encore loin... Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournaliste(e)

(Par Alain Howiller) – En écrivant, il y a un peu moins de trois mois (eurojournalist.eu du 21 Janvier) : «il faudra bien que les Alsaciens s’y fassent… l’Alsace fera partie, dès le premier Janvier 2016, d’une «méga région du Grand Est», je ne pensais pas que ce constat aurait tellement de mal à passer ! Et pourtant, la réalité est là : malgré l’avis du Conseil Constitutionnel validant la réforme territoriale fusionnant un certain nombre de régions (dont l’Alsace rapprochée de la Lorraine et de Champagne-Ardenne), ils ont été nombreux, ceux qui ont continué le combat dans l’espoir de remettre en cause -légalement- une réforme qui a du mal à passer sur les bords du Rhin ! Et ils restent nombreux ceux qui comptent sur une alternative politique lors des élections présidentielles de 2017 et des élections législatives qui suivront, pour remettre en cause la création du «Grand Est» et la contraction du nombre des régions françaises ramenées de 22 à 13.

Certes, le Président actuel de la «Région Alsace» Philippe Richert, qui s’est longuement battu en faveur d’une fusion -avortée- entre les départements du Haut- et du Bas-Rhin avant de rompre -en vain- des lances contre la fusion au sein du Grand Est, ne croit pas trop à cette remise en cause pour alternance : «On aura pratiquement fonctionné deux années avant ces échéances électorales, on aura pris des décisions, appliqué des dispositions, vécu les élections régionales du mois de Décembre : croit-on réellement qu’on remettra, à nouveau, tout en question ?…», se demande-t-il.

Un président en porte à faux avec Sarkozy ? – Une question qui a d’autant plus de résonance que celui qui se la pose, a réussi à faire entériner sa candidature comme tête de liste de l’UMP qui compte bien, projetant les résultats obtenus lors des récentes élections départementales, gagner les élections du mois de Décembre et s’ouvrir ainsi la voie vers la présidence de la future structure du «Grand Est». Résonance aussi parce que le Président de l’UMP -Nicholas Sarkozy- a promis que s’il arrivait à nouveau au pouvoir, il mettrait la réforme territoriale à plat. Le Président Richert, routier de la vie politique, fait-il preuve dans son propos de réalisme ou doute-t-il des chances de Nicholas Sarkozy d’être, en 2017, le candidat de l’UMP et le futur Président de la République ?…

Il est (au moins !) un (autre) homme politique alsacien qui, par la force des choses (il appartient fermement à la majorité gouvernementale), ne doute pas de la mise en œuvre de la réforme territoriale : c’est Roland Ries, le maire de Strasbourg. Si la loi a déjà fait de sa ville, le chef-lieu (capitale des services régionaux de l’Etat) de la «Grande Région», il garde l’espoir de voir sa cité, actuelle métropole régionale de la Région Alsace et «Eurométropole» sur le Rhin, devenir la capitale de la nouvelle région. Pas facile, alors qu’il plaidait pour une fusion Alsace avec la seule Lorraine et qu’il refusait une fusion qui compterait en plus Champagne-Ardenne.

Strasbourg et ses rivales potentielles ! – Pas facile non plus, alors que deux cités rivales -Metz et Châlons-en-Champagne, vont perdre au profit de Strasbourg leurs préfectures de région ! Pour essayer de trouver un équilibre entre pôles urbains et «mieux nous connaître», Roland Ries a réussi à réunir dans sa ville 15 maires du «Grand Est» : ils ont constitué un groupe de contact et de dialogue qui veut mettre en place «une coopération mutuelle et des échanges de bonne pratique, dans un esprit de coopération», dit le communiqué publié à l’issue de la rencontre à propos de laquelle Roland Ries ajoute : «Il faudrait, finalement, que les équilibres de répartition des fonctionnaires demeurent les mêmes entre les villes !» Si pour changer et mettre en place les économies qu’on prétendait vouloir réaliser, il faut ne rien changer : à quoi bon la réforme territoriale ? En attendant les quatre agglomérations du «Sillon Lorrain» (Nancy, Metz, Thionville et Epinal), structure de coopération créée en 2011, a adopté une motion réclamant la capitale régionale !

Si «l’establishment politique» a engagé ainsi ses grandes manœuvres, il est un certain nombre de citoyens qui entendent ne pas baisser les bras devant la mise en place d’une structure qu’ils continuent de récuser. Il y a d’abord ceux qui ont engagé une plainte pour non respect de la «Charte des Collectivités locales» du Conseil de l’Europe. Celle-ci prévoit qu’avant toute restructuration de collectivités locales, la population doit être consultée : ce qui, en l’occurrence, n’a pas été fait ! La démarche -au pire- entraînerait une réprimande du Comité des Ministres (freiné par la règle de… l’unanimité) : la réforme ne sera pas remise en cause pour autant !

Pas de nouveau référendum : une alternance politique ? – Saisi par un groupe de personnalités réclamant un nouveau débat au Conseil Régional, suivi d’une demande de nouveau référendum à mener à bien par le gouvernement, le Président Richert a refusé de s’engager dans cette voie : «Le gouvernement ne suivra pas alors que la loi est votée et en plus, il est pratiquement impossible d’organiser une consultation dans des délais compatibles avec ceux prévus par la Constitution.» Pas de referendum non plus pour le mouvement «Alsace, retrouve ta voix» : le mouvement réclamait une consultation pour rétablir une «Alsace seule» et donc «non fusionnée». Il n’a pas réussi (à peu de choses près !) à réunir le nombre de signatures prévu par la Constitution pour permettre l’organisation d’une consultation populaire que, a priori, le Préfet de Région Stéphane Bouillon avait jugé, de toute manière, «illégale». Jugement que nombre de juristes ont estimé contestable !

Tout porte donc à croire «qu’il faudra bien que les Alsaciens s’y fassent», sous réserve néanmoins de l’hypothèse («hypothèque» ?) d’une éventuelle «alternance politique» en 2017 ! Mais au delà de la structure qui se profile, les débats autour de sa mise en place ont réveillé des sentiments régionalistes qu’on croyait disparus à jamais. Ils se sont exprimés sur les réseaux sociaux, dans les médias, dans la rue : parfois avec une violence dont on estimait les Alsaciens incapables ! Ils ont également investi les urnes, lors des dernières élections départementales : une nouvelle sorte de «régionalistes-autonomistes», dans l’acception «fédéralistes» du terme, s’est retrouvée dans les urnes ! Et comme le relevait Kai Littmann, ici même (eurojournalist.eu du 23 Mars), le «PS s’est retrouvé au coude à coude avec les autonomistes alsaciens !» Voilà un constat qui pourrait bien peser sur la vie politique alsacienne, en particulier sur le résultat (celui de la tête de liste UMP, notamment) des élections de Décembre !

1 Kommentar zu La «méga-région» de l’est semble inéluctable désormais…

  1. Le commentaire suivant nous est parvenu de la part de Christophe KIEFFER, Directeur de Cabinet du Président de la Région Alsace, Philippe Richert :

    Cher Alain Howiller,

    J’ai lu avec attention cette chronique sur la méga-région.

    Je réagis, à titre tout à fait personnel et direct, au passage relatif à la position de Philippe Richert sur le référendum qui me semble entretenir une ambigüité qui n’a pas lieu d’être lorsqu’est évoqué le fait que “Philippe Richert a refusé de s’engager dans cette voie” et évoquer la seule question des délais. Elle est en réalité marginale par rapport à l’impossibilité liée à l’absence de compétence pour le Conseil Régional de s’engager dans cette voie et à l’absence de soutien de l’Etat, tout à fait essentiel pour organiser matériellement le référendum. Le Président Richert ne peut faire autrement que de considérer qu’il lui est impossible sur le fond et sur la forme d’organiser la consultation.

    Ne pas écrire clairement cela, c’est entretenir une confusion qui est portée volontairement par certains dans le but de donner le sentiment que le Président Richert a une responsabilité dans la situation présente. Bien cordialement.

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