La nuit des privilèges

Tribune libre par Olivier Faure, Président du Groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain à l'Assemblée Nationale

Les mesures fiscales prises par le gouvernement ne font que creuser les inégalités, estime Olivier Faure. Foto: Olivier Faure / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Olivier Faure) – Le 20 octobre, en 24 heures, la majorité parlementaire aura réussi l’exploit d’une véritable «nuit du 4 août 1789 à l’envers». En 24 heures, une flat tax a été adoptée (avec pour effet d’imposer désormais le travail plus que le capital), l’ISF (impôt de Solidarité sur la Fortune) a été abrogé, la taxe sur les transactions financières intra-journalières a été supprimée.

Ce sont 5 à 7 milliards par an (donc entre 25 et 32 milliards sur le quinquennat) qui ne rentreront pas dans les caisses de l’Etat et que tous les autres Français devront payer via la hausse du forfait hospitalier, la baisse des APL, la hausse de la CSG, la fiscalisation des intérêts des plans épargne logement (PEL), le licenciement des emplois aidés, l’amputation de l’allocation jeune enfant, la baisse des dotations aux collectivités locales, la diminution des aides aux postes destinées aux entreprises adaptées qui accueillent des travailleurs handicapés etc.

1/ La flat tax (2 à 4 milliards)

Avec la flat tax, les revenus du capital seront imposés à 12,8% alors que un salarié qui entre dans l’impôt sur le revenu est imposé à 14% !

Bernard Arnault, 1ère fortune de France, paiera proportionnellement moins qu’un salarié qui gagne 1368€ mensuels.

Le gouvernement a jusqu’ici refusé de donner l’ampleur des cadeaux pour les 100 plus grandes fortunes de France. La raison en est simple. C’est un chèque de plusieurs dizaines de millions d’euros par foyer fiscal. Difficile à assumer quand on retire au même moment 5€ d’APL à des bénéficiaires dont 60% sont en dessous du seuil de pauvreté. Difficile à justifier quand le même gouvernement considère qu’un retraité est riche à partir de 1200 euros !

2/ L’ISF (3 milliards)

L’impôt de solidarité sur la fortune n’est plus. Tous les biens mobiliers seront exonérés (actions, obligations, yachts, voitures de luxe…). Comme pour la flat tax, c’est un chèque en blanc. Aucune condition n’est fixée. Le gouvernement dit qu’il libère des capitaux qui s’investiront dans les PME et dans les placements à risque. Mais rien ne vient au soutien de cette vision. Aucune obligation n’est imposée aux gagnants de ce loto fiscal. Et quand cette manne sera placée en actions, elle pourra autant l’être dans une PME que dans un fonds de pension américain, un fond vautour, une entreprise du CAC 40, une entreprise étrangère plutôt qu’une entreprise française… jusqu’ici il existait un dispositif appelé ISF-PME qui permettait de déduire une part de son impôt sur la fortune en contrepartie d’un investissement dans les PME nationale. Ce dispositif a été supprimé !

3/ La taxe sur les transactions financières intraday (2 à 4 milliards)

La précédente majorité avait adopté une taxe sur les transactions financières intra journalières (achat & revente dans la même journée). Ce «trading haute fréquence» ne correspond à aucun investissement productif, il s’agit de spéculation pure, les opérations étant réalisées essentiellement à partir d’algorythmes.

L’argent de la TTF sert à 50% à financer l’aide publique au développement. C’est-à-dire l’accès à l’éducation, à la santé, à l’eau, le soutien aux organisations humanitaires, la lutte contre le réchauffement climatique. Cette aide au développement n’est pas que générosité. Elle permet de prévenir les drames de demain terrorisme, désertification, grandes migrations.

Triste d’entendre que, entre l’anticipation des crises majeures et la volonté d’attirer les financiers de la City, les marcheurs aient choisi les traders…

Au final, le vote du budget éclaire sur les choix de cette nouvelle majorité.

Il vaut mieux vivre de ses rentes financières que vivre de son travail (la majorité taxe plus le travail que les dividendes).

Il vaut mieux être un gros actionnaire qu’un petit épargnant (baisse de moitié de l’imposition des gros actionnaires payée pour partie par la fiscalisation des PEL).

Il vaut mieux être un spéculateur qu’une ONG (abandon de la taxe sur le trading haute fréquence au détriment des associations humanitaires notamment).

La philosophie de ce budget repose toute entière sur la fumeuse théorie du ruissellement qui veut que quand on arrose le sommet, quelques gouttes finiront leur course à la base. Ce n’est pas un nouveau monde mais un bond de 35 ans en arrière lorsque Reagan et Thatcher adoptèrent la même politique avec des conséquences que chacun connait depuis.

Olivier Faure est député PS de la 11e circonscription de Seine-et-Marne (Sénart-Le Mée) et Président du Groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain à l’Assemblée Nationale.

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