La peur de perdre l’intégrité identitaire…

… mène à l’extrémisme de toute couleur. Pourtant, cette peur est assez irrationnelle. L’identité régionale est tout simplement plus forte que les administrations ou le temps.

Quand le contexte global devient angoissant, on s'accroche à ce que l'on connaît et ce qui nous rassure. Foto: Christina from Victoria / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – « Chic ! », dirons-nous en l’an 2052, « le week-end prochain, on fera un tour dans le Grand Est ! ». Et « chic ! », nous répondra-t-on, « pour déguster un Carolo à Charleville-Mézières ? » « Mais non », allons-nous rétorquer, « pour déguster le Baeckeoffe avec un bon Gewurz grandestien. » Mais non, rassurez-vous. L’Alsace, comme l’avait dit si justement Philippe Richert lors de son discours d’adieu à la Maison de la Région, « a existé bien avant la création de la Région Alsace et elle existera bien après aussi ». Mais ce phénomène de craindre la perte de son identité régionale mérite attention. Car c’est le même phénomène un peu partout, en Catalogne, Grande Bretagne, Ecosse, et de nombreuses autres régions qui aspirent à l’indépendance ou une plus forte autonomie. Pourquoi maintenant ? Pourquoi avec une telle violence ?

Le monde en l’an 2017 est inquiétant. Le sentiment de vivre constamment en état de crise sécuritaire, économique, européenne et de valeurs est confirmé dans chaque Journal Télévisé. La mondialisation dirige tout, tel un monstre qui engloutit tout et qui reste pourtant invisible. La mondialisation fait peur. Les feux des guerres et guerres civiles (pour lesquelles nous avons fourni les armes et toute sorte de soutien) approchent et se trouvent déjà dans nos jardins. Le leitmotiv de notre époque est la peur. Nous avons peur de beaucoup de choses et cela implique que nous avons besoin de nous rassurer.

Face à ce monstre invisible qui est l’omnipuissante mondialisation dont nous ignorons encore beaucoup, ce sont les choses que nous connaissons qui nous rassurent. L’identité régionale revêt du coup d’une importance démesurée, une sorte de dernier ancrage dans un monde que nous pensons maîtriser, dans des rues que nous connaissons même la nuit, bercés dans la musique de nos dialectes respectifs. Chez nous. Nous chez nous. Sur la table les mets que nous dégustons depuis tout petit. Heimat.

La concentration sur la menace présumée qui flotte au-dessus de nos régions instille le rejet des structures superposées. Au niveau national, on rejette l’Union Européenne, au niveau régional, on rejette l’état, et au niveau local on rejette la Région.

La crispation qui s’est développée autour de cette thématique fait que l’ensemble des acteurs concernés, se comporte de manière peu constructive, tout le monde se regarde avec méfiance et hostilité et croit que l’autre veut l’anéantir. L’Union Européenne se sent menacée à cause du « Brexit », les états se sentent menacés par les régions et leur souhait d’autonomie ou même d’indépendance, les régions se sentent menacées par l’état et c’est exactement là où nous sommes aujourd’hui.

Cette profonde méfiance, nous l’observons partout. Catalogne, Bretagne, Alsace, Tyrol du Sud, Bavière, Flandres, Pays Basque et la liste est longue. Les états craignent que les régions puissent agir comme agit actuellement la Catalogne, pendant que les régio-nationalistes pensent que les états respectifs, veulent les effacer des livres d’histoire.

Et pourtant, à la base, il s’agit de la même peur. Nous ne comprenons plus le fonctionnement de ce monde en pleine mutation à une vitesse vertigineuse, mais nous sommes en permanence confrontés aux conséquences de cette mondialisation. Délocalisations d’entreprises, perte d’emploi, migration, crises financières, menaces nucléaires dans le civil et au niveau militaire, changement climatique et nous ne pouvons influencer ces évolutions en rien. Donc, on s’accroche à ce qu’on a et à ce qu’on connaît, on ferme les yeux et on se sent agressé par tous ceux qui viennent troubler notre chez nous.

Dans ce monde, la situation ressemble à celle de l’Homme de Néandertal. A ce stade de l’évolution, l’homme survivait le mieux dans de grands groupes – plus on était nombreux, mieux on pouvait chasser et se défendre contre des animaux sauvages et d’autres hordes. Ce ne sera pas un patchwork de petits et de minuscules états qui nous permettra de peser dans le concert mondial, mais seulement la force de l’union. Une union qui devrait s’étaler sur tous les niveaux – l’Europe, les états et les régions. Là, il s’agit de la forme de gérer ces trois niveaux (plus, bien entendu, le quatrième qui est le local), mais non pas de l’identité.

Et est-ce que vous dites « on passera nos vacances dans la Province de Belluno » ? Ou est-ce que vous dites « on passera nos vacances dans les Dolomites ? » Voilà. Les Dolomites se trouvent administrativement dans la Province de Belluno. Et en 2052, les gens viendront toujours en Alsace, en Lorraine et en Champagne. Ils boiront les vins et crémants locaux et apprécieront la beauté de ces régions qui, presque par hasard, se situent dans une entité administrative qui se nomme « Grand Est ». Et pour calmer les esprits, il serait bien si la Région Grand-Est faisait un geste en proposant des panneaux qui indiqueraient en grand les noms Alsace, Lorraine et Champagne-Ardennes et en petit, Région Grand Est. Hoplà.

1 Kommentar zu La peur de perdre l’intégrité identitaire…

  1. Yveline MOEGLEN // 20. Oktober 2017 um 0:34 // Antworten

    Nous sommes malheureusement déjà en campagne électorale pour dans 3 ans !! les autonomistes commencent à s’organiser … l’exemple de certains pays européens qui ont gagné des élections avec ce sujet … font envie…!

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