La peur prend le pouvoir dans les pays européens

Ce qui anime actuellement tout le monde, c’est la peur. Etrangement, cela s’applique autant aux terroristes, aux extrémistes et au citoyen lambda.

"Liberté à la place de la peur", dit la pancarte. Soyons courageux ! Foto: opyh / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – Tout le monde a peur. Et la peur, c’est connu, libère des hormones comme l’adrénaline, paralyse certaines zones dans nos cerveaux et nous stimule à agir rapidement et sans réfléchir. Ce qui unit actuellement autant les terroristes islamistes, les manifestants néonazis et le brave citoyen qui râle le soir au bistrot du coin. La peur risque de nous diviser encore davantage – il faudra donc songer à nous rassurer mutuellement.

Le terroristes à Paris avaient peur. Peur de ne plus compter aux yeux de ceux qui les avaient recrutés, qui leur avaient dit et redit qu’ils étaient importants et que leur mission représentait une cause d’une importance majeure. Ils avaient aussi peur que leur religion soit trainée dans la boue, que la seule chose en laquelle ils réussissaient à croire, pouvait être tournée en dérision. La peur. Toujours la peur.

Les milliers de personnes à Dresde, eux, qui manifestent contre une prétendue «islamisation» de leur ville, une ville où aujourd’hui, il est franchement difficile de trouver une personne de croyance musulmane, ont peur. Peur que leur condition de vie puisse s’empirer, peur de devoir partager avec des gens qu’ils n’ont pas invité, peur de l’autre, peur d’un monde qu’ils ne comprennent pas. Il est vrai qu’à Dresde, située dans la «vallée des ignorants» où l’on ne captait pas la télévision allemande du temps de la RDA, les gens ont encore aujourd’hui du mal à se retrouver dans cette nouvelle Allemagne. Du temps de la RDA, état non seulement laïque, mais presque hostile vis-à-vis du concept de la religion, le fanatisme religieux était inconnu. Aujourd’hui, il fait peur. Même si les gens à Dresde ne sont pas du tout confrontés à des croyants musulmans. Ou juifs. Ou hindous. Mais la peur n’est pas rationnelle.

Les politiques ont peur. C’est pour cela qu’ils ne vont pas manifester avec les communs des mortels, en se refugiant dans une rue fermée par la Police, craignant à tout moment une attaque. Ils se considèrent comme importants et c’est pour cela qu’ils ont peur. Ils ont peur pour leur réélection. Et quelque part, ils savent qu’ils sont en grande partie responsables des inégalités dont souffre le monde et par conséquent, ils ont encore plus peur. Sous l’influence de la peur, ils mènent une politique destinée à les rassurer. Eux. Pas nous.

Et nous aussi, on a peur. En Belgique, les écoles juives restent actuellement fermées, en France, ce sont des soldats lourdement armés qui protègent les établissements juifs. Dans la rue, on reconnait autant les juifs comme les musulmans – ce sont le gens qui regardent souvent derrière eux pour vérifier que personne ne puisse les attaquer par derrière. Nous autres, nous avons également peur. Lorsque un jeune nous demande l’heure ou une cigarette, nous cherchons du regard un policier ou d’autres personnes qui pourraient nous aider. Car nous avons peur.

Les belligérants du monde ont peur. Que ce soit l’Etat Islamique qui s’encourage en déployant une barbarie sans pareil, que ce soit l’Etat d’Israël qui, encerclé par des ennemis mortels, se comporte comme ses ennemis, que ce soit en Iraq, en Afghanistan, au Pakistan, là où une vie humaine ne compte pas vraiment aux yeux de ceux qui les tuent, tout le monde a peur. En Afrique, les citoyens ont autant peur que les terroristes du Boko Haram. Car les terroristes savent aussi ce qui les attend si jamais ils se font capturer. Donc, pour se rassurer, ils organisent des bains de sang et anéantissent tous les acquis de la civilisation humaine.

Mais à la base de toute cette violence, de cette méfiance généralisée, de la haine, de l’extrémisme, il y a toujours la peur. La peur de pouvoir perdre quelque chose. La vie, la santé, des proches, un mode de vie, la sécurité – tout le monde peut perdre quelque chose. Et donc, nous avons tous peur.

Le seul moyen de lutter contre la peur, et sur cette question, toutes les religions se trompent, n’est pas la foi en la promesse d’une vie meilleure dans un au-delà mal défini et difficile à atteindre (plus la peur que le paradis ou l’enfer n’existent pas…), mais l’égalité sociale. Un concept que le monde, étrangement, n’a jamais eu le courage d’expérimenter. Car ceux qui détiennent le pouvoir, que ce soit en monarchie, en démocratie ou dans le communisme, ont peur de perdre leurs privilèges. Car pouvoir rime toujours avec privilège. Mais tant que l’égalité sociale n’est pas atteinte, nos sociétés ne retrouveront pas le calme et la sérénité et le «vivre-ensemble» restera un rêve.

Il faudra donc repenser nos sociétés de A à Z. Veiller à ce que tout le monde puisse vivre en dignité, avec les mêmes chances et obligations. Aucun Dieu n’effectuera ce travail à notre place – il est donc totalement inutile de s’entre-tuer pour ceux qui n’ont rien à offrir sur cette terre et qui se limitent à nous promettre des choses merveilleuses dans un monde où aucun être humain n’a jamais mis les pieds. C’est ici qu’il faut agir. Et ce, dès aujourd’hui.

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