La politique européenne – un problème générationnel ?

Scandales d’écoutes, stockage massif de données personnelles, des marchés financiers qui fonctionnent plus que par des ordinateurs – les décideurs ne comprennent plus le monde d’aujourd’hui.

Voilà les porteurs d'espoir censés nous conduire vers l'ère du numérique. Cela promet... Foto: Richard Peter / Deutsche Fotothek / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Un bonne partie des décideurs politiques d’aujourd’hui a grandi avant la «Révolution Technologique» qui elle, est en train de causer autant de changement que la «Révolution Industrielle» avait occasionné à une Europe rurale au 19e siècle. Tout le fonctionnement de la société se trouve modifié par l’émergence de ces nouvelles technologies et il semble logique qu’il faille comprendre les implications de ces changements pour pouvoir prendre les bonnes décisions. Mais voilà, la génération des Schäuble, Merkel & Cie. a grandi à une époque où le monde ne connaissait même pas encore des téléphones portables, sans parler des ordinateurs ou Internet. Par conséquent, il n’est pas surprenant de constater que cette génération de politiques a du mal à comprendre la portée de leurs décisions – personne n’a oublié le discours d’ouverture du salon international de l’informatique CeBit à Hanovre prononcé par Angela Merkel en 2014, lorsqu’elle soupirait «Internet, c’est encore un terrain inconnu pour nous» («Neuland»). Le public, composé d’entrepreneurs et d’experts issus de la génération suivante, avait du mal à étouffer ses ricanements.

Ce problème devient particulièrement visible en regardant le Commissaire Européen pour le développement économique, l’allemand Günter Oettinger. L’homme, qui fut jadis Ministre-Président du Bade-Wurtemberg (les plus anciens s’en souviennent…), est en charge d’un domaine qu’il maîtrise autant que la langue anglaise – pas du tout. Ainsi, il est obligé de se faire conseiller et un rapport publié par «Transparency International» montre, qu’il ne fait confiance qu’aux lobbyistes des grands acteurs du monde technologique. Avec eux, il passe ses soirées bruxelloises dans les restaurants feutrés de la capitale belge, pendant que les représentants des ONG et des organisations de protection des consommateurs ou des droits de l’homme tentent en vain de décrocher un rendez-vous avec celui qui devrait conduire l’Europe vers l’ère technologique.

Voilà l’un des problèmes principaux de l’Europe – les états continuent à envoyer leurs «has-beens» dans les postes importants à Bruxelles, ceux qu’on n’arrive plus à «caser» dans la politique nationale. Au moment où Günter Oettinger avait perdu les faveurs d’Angela Merkel, il fallait lui trouver un job – et il a fini Commissaire Européen pour un domaine pour lequel il ne dispose pas de la moindre qualification. Idem pour Pierre Moscovici – dont François Hollande ne voulait plus dans son gouvernement. Le seul moyen de le virer avec élégance, c’était de l’envoyer sur un siège de Commissaire Européen. En regardant son pédigrée dans la politique française, on est en droit de douter qu’il ait été choisi pour ses compétences. Et c’est pareil pour nombre des Commissaires Européens qui découvrent leur champ de responsabilité une fois en poste. Et si, après tout, on distribuait ces postes importants à des gens qui disposent réellement de compétences dans les domaines respectifs ?

Et que penser d’un Wolfgang Schäuble dont la carrière politique a commencé en pleine Guerre Froide, lorsque le monde était partagé en «bons» (les USA et nous) et «méchants» (l’URSS et le bloc de Varsovie) et qui depuis, n’a pas changé de perception du monde ? Est-il vraiment surprenant qu’un tel homme s’acharne sur le nouveau gouvernement grec qu’il doit considérer comme la réincarnation de Chroutchev, Breschnev, Jelzin et les autres ? Cette génération est traumatisée par l’époque d’après-guerre et défend encore aujourd’hui des valeurs et une vision du monde qui ne sont plus en phase avec les réalités du monde d’aujourd’hui.

Si les conséquences de leur défaillance collective ne seraient pas aussi graves pour nous, on pourrait presque avoir de la compassion pour ces vieux crocodiles qui s’accrochent à l’idée qu’il faille adapter les réalités du monde d’aujourd’hui aux système politique d’avant-hier. Mais le contraire est vrai. Aujourd’hui, il est urgent de développer des systèmes politiques et sociétales qui correspondent aux réalités d’un monde en pleine mutation. Mais pour cela, il faudra changer les équipes en charge.

Plusieurs changements s’imposeraient donc – d’une part, et ceci est vrai autant au niveau national qu’aux niveau européen, il faudra imposer que les responsables politiques soient issus du domaine pour lequel ils portent une responsabilité. Un juriste comme garde de sceaux. Un économiste comme ministre de l’économie. Un spécialiste de l’environnement comme Ministre de l’environnement. Une personne du monde académique comme Ministre de l’éducation. Et ainsi de suite. Et il faudra introduire une limite d’age pour les responsables politiques qui peuvent encore execer leurs fonctions à un age où dans le privé, ils seraient déjà à la retraite. Si leur expérience est importante, ils pourraient très bien agir comme conseillers, mais plus comme décideurs sur des sujets qu’ils ne comprennent plus. Mais une chose est claire – avant de raccrocher, ces gens-là pourront encore causer des dégâts majeurs. Ils sont en train de le faire.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste