La politique n’a plus de vraies visions pour une Europe unie

L’Euro, censé unir les peuples de l’Europe, aura eu l’effet contraire. La France et l’Allemagne sont en train de scinder l’Europe autour de la question de la monnaie unique.

Est-ce que l'Euro n'était que l'illusion d'une Europe unie ? Foto: Stevy76 / Wikimedia Commons / ECB decisions ECB20034 and ECB20035

(KL) – Pour nous autres citoyens, l’Euro a été une bonne chose. Cette monnaie était à la fois commode, car il ne fallait plus voyager en Europe avec trois portefeuilles différents contenant les différentes monnaies, elle était pratique car du coup, on pouvait comparer plus facilement les prix et finalement, elle était magnifique car elle nous donnait le sentiment d’une appartenance à un espace commun – l’Europe. Après un peu plus de 10 ans, les choses se présentent différemment. Aujourd’hui, l’Euro risque de mettre un terme à la cohésion européenne. Les propositions allemandes et françaises sonnent le glas d’un continent harmonieux et paisible.

Les propositions du président Hollande, à savoir de créer un «gouvernement économique» pour les six états considérés comme les plus forts dans la zone Euro, traduit la volonté d’éjecter les plus faibles de la zone Euro, de centrer l’Europe sur ceux qui vont le mieux, et par conséquent, de résilier le contrat moral de l’Europe qui voudrait que l’Europe assure une vie digne et prospère à l’ensemble des 500 millions de citoyens et citoyennes qui vivent dans les 28 états-membres de l’Union. Selon les propositions françaises, cet objectif ne s’appliquerait donc plus qu’à 6 états qui eux, ont le moins besoin d’une solidarité européenne. Ce qui fait penser à ces lotissements aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud, où les plus riches se protègent contre les plus démunis en érigeant des grillages, des postes de contrôle et des murs équipés de systèmes de vidéosurveillance.

Les propositions de Wolfgang Schäuble (qui, fort de son rôle dans le dossier de la Grèce, a subtilisé le pouvoir à Angela Merkel pour ces questions), sont encore plus radicales. Il veut établir un «catalogue» de règles permettant d’éliminer tour à tour, tous les pays qui ne satisfont pas aux critères de stabilité. Ce qui, à terme, réduira l’Europe à deux, trois pays – le «club des riches» qui se seront défait de toute obligation de solidarité avec ceux qui vont pas aussi bien que les pays ayant le plus profité des dernières crises.

Autant les propositions françaises qu’allemandes, mettent l’idée d’une Europe des valeurs communes en péril. Bien entendu, tout le monde aura compris que l’Europe ne sert plus que les intérêts des marchés financiers, qu’elle mène une politique qui tue dans le Sud de l’Europe et en Méditerranée, que les questions sociales ne font que déranger dans le concert des banques et organismes financiers. Mais de là abandonner ouvertement les objectifs des pères-fondateurs de l’Europe ?

De plus, ces propositions doivent faire plaisir aux mouvements d’extrême-droite en Europe. Le retour vers des perspectives nationales sera une conséquence de ces approches qui visent à éliminer les états européens qui ne correspondent pas aux exigences allemandes et françaises.

Pourtant, il y a une différence de taille entre les deux propositions. Si l’Allemagne vise à établir une «Europe germanique», la proposition du président Hollande pourrait avoir du sens, à condition qu’il abandonne l’idée d’un rétrecissement sur seulement 6 pays. Un «gouvernement économique» européen des 28, donc le pas vers les «Etats-Unis de l‘Europe», serait en effet le chemin à emprunter. Car le retour vers des entités plus petites, la voie vers l’exclusion et l’abandon du devoir de solidarité entre les peuples européens, conduirait notre continent vers le passé – un passé des plus sanglants marqué par des guerres interminables entre les européens.

Il conviendra d’être extrêmement vigilant ces prochains temps – ils sont en train de ruiner notre Europe. Et ce démontage a déjà bien avancé.

4 Kommentare zu La politique n’a plus de vraies visions pour une Europe unie

  1. Un point de vue radicalement évangélique rappelant la parabole du fils prodigue.
    Ceci dit, il n’y a pas d’Europe possible dans la démesure qu’elle soit portée par l’extrême droite ou l’extrême gauche. La Grèce, à son corps défendant peut-être du moins pour ce qui concerne les plus modestes, n’a-t-elle donc aucune responsabilité? Et çà, bien avant Tsipras.

    • Kai Littmann // 23. Juli 2015 um 21:47 // Antworten

      Bien sûr, Antoine, mais jamais, on a appliqué les mêmes exigences à un nouveau gouvernement qu’à celui d’Alexis Tsipras. Au bout de six mois, on lui reproche de ne pas avoir réformé la société grecque qui, tout le monde en convient, souffre de la corruption, du manque de participation des super-riches, de la lenteur administrative et d’autres maux. A titre de comparaison – qu’est-ce que la France a demandé à François Hollande pour les six premiers mois de son mandat ? Rien ! Et il serait intéressant de dresser le bilan des vraies réformes et succès réalisés par un gouvernement qui dispose de la majorité dans toutes les chambres législatives, sans devoir composer avec un partenaire de coalition difficile – même après deux ans et demi, ce bilan est à pleurer. Et pourquoi est-ce que personne ne s’est excité lorsque Samaras et ses prédécesseurs étaient au pouvoir ? Parce qu’il s’agissait de bons conservateurs comme on les aime ? Ce sont eux qui ont foutu la Grèce dedans, sous le regard bienveillant de la politique européenne – car sous Samaras et consortes, les banques européennes pouvaient encore faire d’excellentes affaires en Grèce. Le plus grand reproche que l’Europe fait à Tsipras, c’est de poursuivre un rêve d’une Europe plus juste, moins axée sur la seule bonne marche des affaires du grand capital européen et extra-européen et la perspective d’une Europe plus humaniste et démocratique doit vraiment faire peur… autrement, il serait difficile d’expliquer le coup d’état que l’Europe est en train d’opérer en Grèce. Mais que l’Europe se rassure – plus tôt ou plus tard, l’Europe retrouvera ses partenaires de toujours au pouvoir à Athènes et tout rentrera dans l’ordre. Du moins, pour ceux qui ont toujours spéculé sur la Grèce. Le fait qu’à ce moment-là, le peuple grec se trouve à terre, appauvri, humilié, sans perspective, n’intéresse pas. Si le rêve d’une Europe meilleure que celle que nous avons actuellement est “évangélique”, ben, cela ne fait que montrer que nous avons déjà tout gobé. Même une Europe qui tue ses propres enfants.

  2. Cher ami : si tu pouvais considérer que ce qui est vrai pour l’Europe ( 27 ou 46) est tout aussi vrai pour la Grèce . Il n’y a pas la veuve et l’orphelin d’un côté et les salauds de riches de l’autre.
    Les innombrables cohortes de chömeurs, de sans abri, de sous-smigards…constituent à eux seuls
    un état ruiné, abandonné, dont les citoyens sont parsemés sur tout l’espace européen comme des métastases intraitables du cancer d’un capitalisme débridé assez stupide pour se mettre lui-même en danger. Mais la révolution devient de plus en plus improbable surtout à cause d’une jonction contre-nature des deux extrêmes. Il faut peut-être réformer tout le fond et réinventer l’Europe. Réformer est peut-être le moindre mal.

  3. Mais justement – il faut réinventer l’europe, ce qui est le but déclaré de tsipras (qui se fait lapider pour cela…). arrêter des “réformes” qui ne font qu’empirer les choses, mais revenir sur de vraies valeurs communes. engraisser des banques n’est pas une valeur humaniste…

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