La Pologne se met «hors-Europe»

Après la mise au placard de la Cour Constitutionnelle, le nouveau gouvernement ultra-nationaliste à Varsovie coupe court à la liberté de la presse. Quel début d'année...

Le parlement polonais, le "Sejm", casse actuellement peu à peu tous les piliers d'une démocratie qui fonctionne. Foto: Piotr VaGla Waglowski / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – L’Europe est en pleine mutation et 2016 sera effectivement une année décisive pour l’avenir de cette Union Européenne qui peu à peu, perd sa raison d’être. Après la Hongrie qui a choisi une voie «anti-démocratique» (comme le dit fièrement le chef d’état hongrois Victor Orbán), après la Slovaquie qui a porté plainte contre l’Union parce qu’elle ne veut pas accueillir 802 réfugiés syriens, après la République Tchèque dont le président Milos Zéman estime que la vague de réfugiés arrivant de la guerre syrienne n’est autre qu’une «invasion organisée», la Pologne se range aussi du côté des pays qui quittent la voie de la démocratie européenne. Pour l’Union Européenne, l’année n’aurait pas pu commencer plus mal.

En référé, le parti ultra-nationaliste de Jaroslaw Kaczynski «PiS» a profité de la période des fêtes et de sa majorité absolue au Sejm, le parlement polonais, pour faire passer une «réforme des médias» qui n’est pas une réforme, mais une main-mise sur la liberté de la presse. Désormais, en Pologne, les médias sont directement soumis au pouvoir politique – les chefs des médias publics seront, à l’avenir, directement nommés (et virés) par le gouvernement. Autre changement – les médias seront désormais financés comme «instituts culturel nationaux» et leur rôle est clairement défini : assurer la «communication politique» du pouvoir en place, ce qui est contraire à la conception de la «liberté de la presse» en Europe.

Cette fois, l’Union Européenne montre ses dents. De hauts responsables européens songent sérieusement à activer un instrument qui n’a pas encore été activé dans le passé – l’article 7 des Traités Européens qui permet, après une procédure assez compliquée, de prononcer des sanctions contre un état-membre, comme par exemple la suspension temporaire du droit de vote.

Dans une lettre, le premier vice-président de la Commission Européenne, Frans Timmermans, avait rappellé au ministre des affaires étrangères polonais, Witold Waszczykowski, que cette «réforme» pourrait ne pas être compatible avec le droit européen – mais à Varsovie, en s’en fiche pas mal. Ce qui pose, une nouvelle fois, la  question comment assurer une «union» avec des pays qui visiblement, ne partagent pas les valeurs des pays de l’ouest de l’Europe.

La Pologne, en voie de devenir un état totalitaire, reçoit tous les ans environ 15 milliards d’euros de subventions européennes – est-ce peut être là le levier pour ramener ces pays de l’est européen à la raison ? Les systèmes totalitaires suivent toujours la même voie : on diminue le cadre d’action des institutions démocratiques (comme Varsovie l’a fait quelques jours avant cette «réforme» des médias en neutralisant la Cour Constitutionnelle), ensuite, on prend le contrôle des médias et enfin, on concentre le pouvoir entre les mains d’un «Führer». Etonnant que la Pologne, pays ayant toujours souffert des attaques allemandes et russes, ait opté pour cette évolution. Encore plus étonnant que le peuple polonais ait confié le pouvoir à une bande d’ultra-nationalistes et fondamentalistes chrétiens qui veulent transformer le pays en une sorte de «vivier chrétien».

Plusieurs journalistes polonais du service public ont déjà déclaré leur démission pour protester contre cette «réforme», mais puisque le texte est déjà passé, il n’y a que peu de chances à ce que le gouvernement polonais revienne sur sa décision. Au contraire, face aux réactions européennes, la Pologne souligne qu’elle n’étend pas se laisser dicter sa politique par Bruxelles et Strasbourg.

On verra si le cas de la Pologne sera l’élément déclencheur qui décide l’Europe à agir. En changeant, si nécessaire, son règlement intérieur. Et il conviendra de définir en cette année 2016 ce que nous appellons «les valeurs européennes». Qui, visiblement, ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Ceux qui n’adhèrent pas à des standards basiques (dont la liberté de la presse fait partie), devront quitter les institutions européennes. Il y a des sujets comme la solidarité ou la liberté qui ne peuvent pas faire l’objet de compromis – les états qui ne veulent pas respecter ces valeurs, n’auront plus leur place dans l’Union Européenne.

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