La « Puerta de Europa », une prouesse architecturale

Gratte-ciel défiant les lois de la gravité, les « Tours KIO » constituant la Porte d’Europe, sont des incontournables de l’architecture madrilène contemporaine.

Vue panoramique du Paseo de la Castellana, de la Plaza de Castilla et des tours de la Puerta de Europa. Foto: Quique Huertas / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Émergeant du tissu urbain madrilène, comme deux immenses slashs tombés du ciel, les tours de la « Puerta de Europa » construites entre 1989 et 1996, demeurent les plus célèbres gratte-ciels de la capitale espagnole. Les « Torres KIO », de Kuwait Investment Office, le principal actionnaire du groupe qui les a érigées, ont été imaginées par le cabinet John Burgee Architects, qui n’en était pas à son coup d’essai.

Autant d’années furent nécessaires car l’histoire du financement de cet édifice est réellement rocambolesque. Un véritable thriller politico-financier, démontrant admirablement le caractère impitoyable du monde merveilleux du capitalisme. L’affaire prenant une tournure géo-politique lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, il ne manquait alors plus qu’un Bernard Madoff ou un Victor Lustig pour qu’elle vire en mode tragédie ou comédie.

Faisant une concurrence déloyale à la Tour de Pise, actuellement inclinée d’un peu plus de 3,59°, car en phase de redressement, depuis son record de 5,66° atteint en 1993, les Torres KIO penchent l’une vers l’autre dans un angle de 14,3°. Mais dans leur cas, c’était prévu d’emblée. Ce qui n’enlève rien à cette prouesse architecturale qui servit de décor à plusieurs films, dont «Torrente 3 : El Protector » (2005) réalisé par Santiago Segura où elles sont détruites par un avion. Un film dans lequel Oliver Stone, qui avait aimé les précédents, a souhaité faire une apparition. Il s’avéra ainsi très convainquant dans un petit rôle de client de bar bien éméché !

En raison de son inclinaison, 4 des 8 ascenseurs dont est pourvu chaque édifice, s’arrêtent au 13e des 26 étages qui le composent. Le défi de l’ascenseur incliné reste en effet à relever. Mais pour les « Torres KIO » de la « Puerta de Europa », les architectes ont fait preuve d’ingéniosité à bien d’autres égards, afin de défier les lois de la gravité. Ces tours carrées de 35 m de côté et 113,8 m de haut, comptent aussi 3 sous-sols, 1 rez-de-chaussée et 1 entresol. Les structures supérieures sont progressivement allégées, mais non moins solides que les autres, car le sommet de chaque tour accueille un héliport où peuvent se poser des appareils pesant 4 tonnes.

Les façades associent acier inoxydable, aluminium et verre, ce qui leur donne cet aspect particulier dans le champ de gratte-ciel avoisinant la Plaza Castilla. Ils n’attirent pas que les regards des visiteurs, et n’excitent pas que l’imagination des artistes. L’un des accusés des attentats meurtriers de la Gare d’Atocha à Madrid (11 mars 2004) a déclaré, lors de son procès en 2007, ne pas connaître de repos jusqu’à la destruction des « Tours KIO ». Dans le même esprit djihadiste, l’État Islamique avait planifié des attaques similaires en 2017. L’ETA, en 2010, prévoyait un plan identique. Fort heureusement, jusqu’ici la « Puerta de Europa », n’a pas connu de 11 septembre.

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