La rapidité surprenante des autorités turques

Comme lors des deux attentats à Istanbul cette année, les autorités turques présentent les « coupables » du putsch du week-end à une vitesse surprenante – stimulant ainsi les théories du complot.

Le calme semble être revenu à Istanbul. Mais cette impression peut être trompeuse... Foto: Dave Proffer / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Le bilan de la tentative du putsch en Turquie est lourd. 265 personnes ont été tuées, environ 1440 blessées. Et le président turc Recep Tayyip Erdogan n’a trouvé mieux que de déclarer que « ce putsch est un cadeau de dieu », comprendre – « je peux maintenant faire taire tous ceux qui ont osé me critiquer ». L’avenir proche montrera s’il s’agit vraiment d’une victoire de la démocratie ou au contraire, si ce putsch avorté ne constitue pas le succès d’une dictature présidentielle qui supprimera toute opposition et qui cimentera un état islamo-conservateur.

Mais le plus surprenant dans tout cela est la rapidité avec laquelle les autorités turques peuvent réagir. Après l’attentat suicide du mois de janvier 2016, les autorités turques présentaient déjà quelques heures plus tard un prétendu coupable, un Syrien né en Arabie Saoudite et l’affaire était classée. Après l’attentat sur l’aéroport d’Istanbul au mois de juin, les autorités présentaient aussi rapidement les coupables – un Russe, un Ouzbek et un ressortissant kirghiz, tous trois prétendument liés à Daesh qui lui et contrairement à ses habitudes, n’a jamais revendiqué ces deux attentats.

Là où les autorités belges et françaises mènent des enquêtes soigneuses et approfondies pendant des mois pour établir la vérité concernant les attentats de Bruxelles et Paris, les autorités turques sont tellement rapides qu’on a du mal à croire qu’ils aient véritablement mené une enquête. Après le putsch du week-end, en l’espace de quelques heures, 2839 militaires ont été arrêtés et environ 3000 juges ont été déchus de leurs postes, certains ont été arrêtés. Dimanche, déjà 6000 personnes au total se trouvaient en état d’arrestation et le gouvernement turc déclarait qu’il en « chassait » d’autres. Est-ce que le gouvernement d’Erdogan disposait de listes préparées pour de telles éventualités ? Est-ce que le gouvernement était au courant de ce qui allait se passer ? Est-ce possible qu’un tel putsch puisse se préparer à l’insu d’un service secret omniprésent en Turquie ? Comment connaître en l’espace de quelques heures de milliers et milliers de personnes soi-disant liés à ce putsch ?

Dans de tels cas, on est en droit de se poser la question « qui bono ? », à qui profite le crime ? Et lorsque Recep Tayyip Erdogan donne lui-même la réponse en déclarant que « ce putsch est un cadeau de dieu », il ne fait que nourrir les théories du complot, le soupçon d’un coup monté. La « purification » de l’armée et de la justice et la suppression de toute opposition sont en cours en Turquie et Erdogan organise la Turquie selon sa volonté, en mettant à pas la presse, la justice et l’armée. Est-ce qu’on peut vraiment célébrer l’instauration d’un état islamo-totalitaire comme la « victoire de la démocratie » ?

Erdogan aura du mal à convaincre le monde qu’il ne soit pas impliqué, d’une façon comme d’une autre, dans les événements du week-end. Et très certainement, il ne se donnera pas la peine de présenter les résultats d’une enquête. Le doute continuera à planer sur ce qui s’est passé ce week-end en Turquie.

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