La récolte de céréales ne suffit plus pour nourrir le monde

Pour la deuxième fois pendant la décennie en cours, la récolte mondiale ne suffit plus pour nourrir le monde. Il reste cependant des stocks importants. Mais tout ceci n'est pas rassurant.

Les récoltes ne suffisent plus pour nourrir le monde. On grignote déjà sur les stocks... Foto: © Michael Gäbler / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) vient de relayer un rapport du Conseil International de l’Industrie Céréalière (IGC) qui indique qu’après 2012/13, le monde n’a encore une fois pas produit assez de céréales pour nourrir l’humanité pendant l’année agricole 2018/19. Une « année agricole » va de récolte à récolte, et c’est pour cela qu’on les évalue en double-année. Durant l’année agricole en cours, 2018/19, le monde consommera 30 millions de tonnes de plus que la récolte annuelle. Malgré les chiffres,  l’IGC tente de rassurer. Mais l’évolution, en réalité, n’est pas rassurante.

Ce problème obéit une certaine logique. La population mondiale ne cesse de croître, ce qui veut dire qu’il faut produire davantage d’aliments ; et en même temps, les phénomènes liés au changement climatique détruisent, tous les ans, une bonne partie de la récolte. Canicule, pluies torrentielles, inondations et froid extrême – ces phénomènes ne constituent plus l’exception à la règle, mais il sont devenus la règle. Et la récolte de blé et de maïs baisse de plus en plus.

Oui, il y a des stocks. Pour des années dures, comme celle-ci. En 2018/19, il faudra puiser 44 millions de tonnes de céréales dans ces réserves, en 2019/20, il faudra encore prélever 28 millions de tonnes supplémentaires. On dira que c’est peu, considérant une récolte totale d’environ 2,3 milliards de tonnes ; mais tout de même, qu’est-ce qu’on fera, une fois les réserves épuisées ? Pour Klaus-Joseph Lutz, le chef de la « Baywa », le plus grand commerçant de matières premières agricoles en Europe, il ne s’agit pas d’un problème ponctuel, mais d’une évolution. « Il s’agit maintenant des troisième et quatrième années où les phénomènes climatiques impactent nos affaires ».

Une partie de la récolte de céréales va tout droit vers la production énergétique. Les monocultures de maïs qui fournissent le carburant aux centrales à biomasse affectent les sols et produisent des céréales qui ne servent ni d’aliments pour les humains, ni de nourriture pour les animaux – un cercle vicieux qui ne pourra pas continuer éternellement, surtout dans la mesure où le monde aura du mal à reconstituer les stocks que nous sommes en train d’épuiser.

Le besoin de réformes, de changements profonds de nos sociétés, est réel. Le monde doit changer entièrement d’orientation. Le credo de la « shareholder value », le bénéfice pour les actionnaires et détenteurs de grands capitaux, doit laisser place à l’intérêt collectif. Nous ne pourrons plus nous permettre d’épuiser les dernières ressources de cette planète pour le seul bénéfice du 1% qui lui, n’en a même pas besoin. Les ressources comme la nourriture, les sources d’énergie et l’eau doivent être gérées au niveau mondial, et surtout, elles ne doivent plus se trouver entre des mains privées. Déjà, les ressources en eau sont sur le point d’être privatisées : il faudra mettre un terme à cet état des choses.

L’avenir exige des solutions intelligentes – le capitalisme de nos grand-pères, qui profite à une infime minorité, touche autant à sa fin que le socialisme d’Etat il y a quelques années dans les pays de l’Est. Une nouvelle époque requiert de nouvelles formes de société. Il serait bien si pour une fois, un tel changement pouvait naître dans le consensus et non pas dans des bains de sang.

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