La rentrée en Alsace : les incertitudes sont -hélas- de retour !
Notre éditorialiste Alain Howiller dresse un état des lieux alsacien à la rentrée. A la fin de l’été, il paraît qu’il y a du travail qui attend tout le monde…
(Par Alain Howiller) – La tradition veut qu’au mois d’août, en Alsace, le cigognes se rassemblent en grand nombre pour s’envoler, en chœur, vers ces espaces hospitaliers où elles passeront l’hiver avant de revenir au printemps. La tradition veut aussi que le grand troupeau des alsaciens en vacances éparpillé aux quatre coins du monde se retrouve, début septembre, à Strasbourg pour ce rendez-vous incontournable qui s’appelle «Foire Européenne». La 83ème édition de la Foire Européenne ouvre ses portes le 4 Septembre(1) et ce rendez-vous de la rentrée économique, politique et sociale que l’Alsace ne ratera sous aucun prétexte, sera particulièrement attractif car présidée par la nouvelle «star clivante» du gouvernement de Manuel Valls : Emmanuel Macron, le Ministre de l’Economie.
Autant l’année dernière l’inauguration de la manifestation strasbourgeoise par le (hélas) peu médiatique Secrétaire Général du Conseil de l’Europe avait été terne, autant cette année, l’auditoire sera en attente de l’annonce ou du rappel d’orientations qui devraient, enfin, sortir la France de sa léthargie économique : il se passera sans doute de ces petites phrases, plus ou moins iconoclastes dont Emmanuel Macron (plébiscité pourtant par 68% des sympathisants socialistes !) a le secret et qui lui valent des recadrages réguliers de la part de son Premier Ministre !
La liberté : pourquoi et à quel prix ? – L’année dernière, lors de son discours à l’inauguration de la 82ème Foire, Roland Ries, le maire de Strasbourg, avait glosé sur le terme de «formidable» pour conclure que «nous vivons dans une période formidable qui doit susciter l’enthousiasme, l’optimisme.» Que dira-t-il, cette année, lui qui dans une interview avait affirmé, peut-être un peu imprudemment, qu’il «n’avait jamais été aussi libre de sa vie» (à propos : pour faire quoi ?).
Et cela alors que la politique gouvernementale peine et que le chômage tarde à reculer, que les partis -apparemment peu soucieux de la désaffectation des électeurs- se déchirent, que le Ministre français du travail préfère redevenir maire de Dijon plutôt que de rester à son poste exposé. L’Europe en déliquescence risque une «fin» prématurée devant la «faim» des migrants qu’on devrait essayer d’aider avant de les poursuivre ou de les arrêter, la guerre en Ukraine continue à pourrir la «pax europea», le terrorisme menace, que le changement climatique met le «feu» à nos campagnes. 25 ans après la chute du Mur de Berlin, on reconstruit des murs et en France, une réforme territoriale hasardeuse et pleine d’incertitudes va être mise en place, au premier janvier, après des élections particulièrement risquées pour le parti au pouvoir !
Une grosse dose d’optimisme serait nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, en particulier en Alsace que les ministres inaugurant les Foires Européennes successives avaient l’habitude, pendant des décennies, de citer en exemple à la nation admirative !
Quand l’économie alsacienne s’aligne ! – La situation économique alsacienne s’est alignée sur la situation de l’économie française et les taux de chômage, heureusement freinés par les emplois qu’occupent les Alsaciens en Allemagne et en Suisse, flirtent de plus en plus (malgré un léger tassement de -0,2% en Juillet) avec les taux nationaux, alors que, pendant longtemps, ils se situaient nettement en dessous des moyennes nationales ! La dernière enquête de conjoncture menée par la Direction régionale de Strasbourg de la Banque de France, ne relève-t-elle pas : «La production industrielle ralentit en Juillet. Malgré un recul des prises d’ordre dans l’automobile, la demande se maintient globalement sur le marché domestique qu’à l’export. Les carnets restent corrects. Dans les services, l’activité et la demande s’améliorent. La production industrielle et l’activité dans les services ne devraient plus progresser au cours de ces prochaines semaines.» Bref, le «wait and see» l’emporte, une fois de plus, sur les prévisions attendues de redressement !
Sur un plan politique, l’Alsace n’échappe pas aux divisions encaissées au plan national par la gauche comme par la droite, l’une et l’autre en recherche de leaders charismatiques ! Pas facile à affronter à la veille des élections régionales des 6 et 13 Décembre !
Des élections régionales en Décembre. – Ces élections s’inscrivent dans le cadre de la réforme territoriale qui ramènera, à partir du premier janvier, le nombre des régions de 22 à 13, la région Alsace devant fusionner avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne pour former une «méga-région de l’Est» baptisée -provisoirement- «ACAL» (pour «Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine») ! Sans revenir sur une réforme territoriale, souvent présentée ici, je rappellerai qu’on reproche notamment à cette réforme d’avoir été imposée par le pouvoir et sa majorité à la demande du Président de la République, sans qu’ait été menée à bien la concertation avec les populations concernées prévues par la Charte des Pouvoirs Locaux du Conseil de l’Europe.
Elle a été fortement critiquée en Alsace, où finalement, elle ne satisfait personne. Elle ne correspond pas à ce qu’en espéraient les partisans d’une décentralisation nécessaire et relancée : ils y voient un renforcement des pouvoirs d’un état jacobin et un affaiblissement des nouvelles régions définies à la hâte dont on ne connait -incertitudes majeures- ni les pouvoirs réels ni les ressources. Elle ne répond pas aux souhaits de ceux qui craignant une dissolution de l’Alsace dans un ensemble trop grand et qui auraient aimé que la région alsacienne, comme la Corse ou la Bretagne, reste dans ses limites actuelles ou qu’à la très grande rigueur, elle s’associe à la seule Lorraine proche.
La campagne électorale qui s’amorce en vue des élections de Décembre va relancer le débat entre les rares partisans d’une réforme dans laquelle ils voient des sources d’économies (lesquelles ?) et de compétitivité et ceux qui, déjà, veulent une… réforme de la réforme. Les opposants à la réforme n’ont pas désarmés : ils viennent d’engager un recours pour faire annuler la tenue d’élections régionales qui auront lieu à propos de régions qui n’existent pas encore : ils laissent entendre qu’ils relanceront la mise en cause des textes pour non-respect de la Charte du Conseil de l’Europe et attaqueront systématiquement les décrets d’application de la loi de réforme territoriale afin d’essayer de faire capoter, reporter voire annuler une loi approuvée par le Parlement et le Conseil d’Etat !
Quand le 14 Juillet s’appelait «Fête de la Fédération» ! – La campagne autour de la réforme sera rude : elle fera rebondir des clivages anciens entre droite et gauche, mais aussi entre «décentralisateurs-régionalistes» et «centralisateurs-nourris de jacobinisme», cette plaie bien française faussement héritée d’une Révolution dont, pourtant, le premier quatorze Juillet s’appelait… «Fête de la Fédération» ! La réforme a vu resurgir ceux qu’on avait oublié : les autonomistes qu’on essaye de «ré-enterrer» en rappelant qu’un certain nombre d’entre eux s’étaient entendus (comme de nombreux collègues autonomistes bretons !) avec des nazis!
Perplexe, l’observateur des joutes ayant entouré cette réforme des régions retiendra, notamment, cette algarade inutile entre le député de Saverne et le Premier Ministre. Le député évoquait la déception des peuples d’Alsace, Manuel Valls, qui évoque facilement le «peuple de gauche», lui a répondu, cinglant : «Je ne connais que le peuple français, je ne connais pas de peuple alsacien !» Autre initiative à ranger dans le chapitre des démarches stupides et malheureuses : la lettre envoyée par une responsable autonomiste au président Joachim Gauck pour lui demander d’intervenir pour aider l’Alsace à garder ses limites territoriales actuelles(2) ! Il n’y a pas que… dans les Balkans qu’on a oublié, avec près de deux siècles de retard, que nous sommes bel et bien engagés au… XXIème siècle !
Une Foire, une organisation, des paris ! – Incertitudes économiques, politiques, compétitions électorales, affrontements d’hommes (à défaut d’idées !), poids de décisions et de réformes qui tardent, animeront les conversations et… les discours de cette 83ème Foire Européenne dont l’invitée d’honneur sera, cette année, l’Inde. Les conversations porteront aussi sur un thème que les discours officiels ne pourront pas ignorer : l’avenir du site du Wacken où s’ouvre la Foire. Bousculée par le projet de quartier international d’affaires qui doit s’étendre sur son site traditionnel, la Foire, dont certains bâtiments ont été démolis, a du, cette année, redistribuer ses halls et faire plus largement appel aux «villages de toile». Un provisoire qui risque de durer, au moins partiellement, jusqu’en 2020, date probable de la mise en service du nouveau complexe, à proximité du «Pflimlin»… plus connu sous son appellation de «Palais de la Musique et des Congrés – PMC».
Les nouveaux patrons de «Strasbourg-Evènement», société d’économie mixte organisatrice et gestionnaire de la Foire et des manifestations au PMC, comptent accueillir -comme d’habitude- 200.000 visiteurs du 4 au 14 Septembre sur les 32.000 mètres carrés de surface couverte du site du Wacken. Une performance propre à la manifestation strasbourgeoise, l’une des dernières foires françaises encore fréquentée par un bon millier d’exposants. Le pari de la fréquentation sera-t-il tenu et le courant des affaires traduira-t-il une reprise de l’économie ? Le groupe «GL Events», un géant de l’évènementiel, à qui Strasbourg-Evènements a désormais confié le sort de l’entreprise, l’espère fortement. La société d’économie mixte compte sur le nouvel actionnaire pour dynamiser les activités et tout particulièrement, celles de la Foire Européenne. Cette dernière aura donc encore une série d’incertitudes lever : elle a certes raté le tournant de la spécialisation, mais, à proximité du cœur d’une ville à fort rayonnement, elle garde d’incontestables atouts.
(1) Foire Européenne du 4 au 14 Septembre. Tous les jours de 10h à 19h (mais jusqu’à 21h le 10 Septembre, jusqu’à 22 heures les 5 et 12 du mois). Tarifs : 7 euros ou 5,50 euros (réduit), 20 euros (famille 2 adultes + enfants), gratuit jusqu’à 12 ans. Voir détails sur foireurop.com
(2) «Le nouveau malaise alsacien» par Pierre Kretz, 128 pages, Le Verger Editeur, 10 euros.
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