La « roupa velha » : un surprenant déjeuner de Noël
Au Portugal, le lendemain du réveillon, on mange les restes !
(Jean-Marc Claus) – Fortement imprégné de tradition catholique, le Portugal est un pays où Noël a forcément une connotation principalement religieuse. On se souviendra en passant du fameux « Três F » (Triple F) de la propagande salazariste (Fado – Fátima – Football), qui eut, en son temps, un incontestable et durable succès. Mais les célébrations de la Nativité sont bien antérieures ici et plus durables que les 36 années de règne du dictateur fasciste.
Le réveillon (consoada) est un moment permettant aux familles de se retrouver, et contrairement à d’autres traditions, le repas y est plutôt frugal. Frugal, mais pas insignifiant, car la morue bouillie (bacalhau cozido) à point, servie arrosée d’un filet d’huile d’olive sur un lit de pommes de terre et de choux, n’est pas un repas insipide. Surtout quand elle est suivie des treize desserts (treze sobremesas), reliant le Portugal à la Provence, dans une même évocation symbolique de la Cène.
Le lendemain pour le déjeuner, la morue bouille revient sur la table, et puisque c’est tout de même le jour de Noël, il est d’usage d’y associer l’un ou l‘autre plat plus élaboré, comme par exemple du chevreau rôti ou de la dinde. Cette tradition de servir les restes du réveillon porte le nom de « roupa velha », qui signifie « vieux vêtements ». Une appellation chargée de sens et de symboles, qui renvoie tout un chacun, non à une quelconque et malvenue pingrerie, mais au respect dû tant aux aliments, qu’à ceux ayant d’un bout à l’autre de la chaîne, travaillé pour les faire arriver sur la table.
La « roupa velha » est aujourd‘hui une façon constructive de s’opposer à l’hyper-consumérisme. Si l’aspect essentiel des repas de Noël réside dans le bonheur de retrouver non seulement les membres de la famille, mais aussi les amis, manger les restes de la veille n’a pas grande importance. Comme les vieux vêtements, la « roupa velha » n’a pas vocation à être jetée, mais peut, avant d’arriver au stade ultime, faire le bonheur de tiers. Les plates-formes telles que « Vinted » le démontrent bien !
Mais nous vivons une époque où malheureusement, un certain culte de la malbouffe, a fait perdre à trop de nos contemporains, le plus élémentaire respect envers la nourriture. Ce qui les conduit inévitablement vers l’irrespect d’eux-mêmes, dont ils se défendent par un pathétique culte de l’apparence. En clair, les applications de type « Vinted » ont plus de succès que les applications de type « Too Good To Go ».
Mais seule la mort étant irréversible, moyennant quelques mises au point nécessaires, il demeure toujours un réel espoir de voir les mentalités évoluer. La « roupa velha », pour aller au-delà du déjeuner de Noël, n’est pas à considérer comme un mode de vie librement choisi, ni une injonction à laquelle il serait impératif de se soumettre pour sauver la planète. Elle est, pour qui sait et veut lire entre les lignes, une incitation à reconsidérer nos valeurs, à donner du sens à nos actes. Exercice salutaire auquel tout un chacun, gagnerait à se livrer, tout au long de son existence…
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