La social-démocratie européenne n’existe pas encore

Liliane, fais tes balises !

Affiche électorale de Zingaretti, le dirigeant du parti de gauche italien qui monte, le Parti Démocratique Foto : Zingaretti / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Un phénomène frappant ce dernières semaines : les partis qu’on peut qualifier de « sociaux-démocrates » (une notion qu’il faudra quelque peu redéfinir) semblent glisser vers la gauche, comme à l’autre bord, beaucoup de partis « de droite » penchent vers le centre, vers des attitudes plus sociales et plus libérales à la fois. Une inclination réjouissante. Mais pourquoi ce mouvement ? Et comment y trouver ses repères ?

Choix stratégique, nécessité socio-politique : les partis sociaux-démocrates, ceux du moins de la partie occidentale de l’Union européenne, se positionnent nettement pus à gauche qu’il y a seulement 2 mois. Pourquoi ?

Les grands pays clés à cet égard sont l’Italie, la France, l’Allemagne, et… si si, la Grande Bretagne. Voyons y d’un tout petit peu plus près. Les raisons de cet apparent glissement à gauche des partis SD sont-elles communes à ces partis européens ?

En Grande-Bretagne, qui certes, ne fera peut-être bientôt plus partie de l’UE (aber das wissen die Götter), le Labour Party a le vent en poupe, et avec lui son dirigeant, Jeremy Corbyn. Comment expliquer cela ? Bien sûr, il y les besoins sociaux de la population, la politique libérale et incisive des Tories ; mais il y a aussi, on n’a pas envie d’ écrire : surtout, la manière dont certains médias ont puissamment aidé l’ascension de Corbyn il y a 4 ans. Le Labour et son « chef » trouvera-t-il les ressources politiques pour dépasser les Conservateurs dans les sondages, dans l’hypothèse où la Grande-Bretagne participerait aux élections européennes ?

Pour cela, il serait peut-être nécessaire que le parti se purge de certains défauts rédhibitoires et/ou embarrassants, qui comme presque partout ailleurs, relèvent d’un effaçage des lignes qui devraient séparer populisme, social-démocratie et rhétorique (étonnamment) gauchiste : par exemple, que les dirigeants travaillistes s’expriment beaucoup plus nettement sur les petits camarades antisémites de Corbyn, son euroscepticisme (alors même que le Labour compte dans ses rangs un nombre très important de jeunes favorables au Remain, à la présence dans l’UE. Plus massivement encore, le parti porte encore le poids de la politique en somme très libérale de Tony Blair, entre 1997 et 2007, qui a fait d’immenses dégâts dans la société britannique – très comparables à ceux qu’a occasionné celle de Gerhard Schröder, pour lequel Blair représentait un modèle, sensiblement dans les mêmes années. Beaucoup de Britanniques voient dans cette politique les racines de l’euroscepticisme et du Brexit.

En principe, le Labour n’a donc guère d’autre choix théorique que de se positionner nettement à gauche. Mais pour quoi faire au juste ? Cette question concerne tous ces partis européens : le problème est surtout d’établir des lignes vraiment nettes sur une politique sociale pertinente et actuelle…

Même remarque pour le SPD allemand, en effet, qui se démarque paradoxalement de ses coalisés de droite pour procéder à une sorte de mouvement régressif (au sens neutre du mot) vers des positions anciennes, anté-Harz IV, pré-schrödériennes. Mais le vieux parti social-démocrate (fondé en 1890) a fort à faire, puisqu’à sa gauche complote die Linke, qui a beau jeu de poser qu’il est le seul groupement allemand réellement situable à gauche. Ici, comme si souvent, et comme en France pour ce qui concerne les relations Insoumis-PS, la question à laquelle il faut répondre, c’est non pas : Que faire ? (Lénine), mais : Que pouvons-nous faire ?

Belle surprise toute récente en Italie, où le mariage populiste du y a qu’à et du faucon, de la Carpe et du Lapin, commence à inquiéter sérieusement les citoyens sensés. Nicola Zingaretti a pris la tête du Parti Démocratique, en pleine ascension comme l’a montré la manif’ de samedi dernier. Mais le Parti doit, lui aussi, comme tous les autres partis sociaux-démocrates, établir sinon un programme précis, du moins une perspective ferme et lisible .Il souffre légèrement de ce handicap qui est d’être issu de deux provenances : le courant démocrate-chrétien et le courant communiste. Comme partout en Europe, par ailleurs, il traîne dans ses valises les haltères de plomb de la politique libérale à peine sociale qu’a pratiqué la gauche dans les années 1990-2010 – en l’occurrence, Mario Renzi. Ces haltères ont musclé la gauche pendant un certain temps, mais aujourd’hui, elle est trop vieille pour les épauler et les jeter encore.

Même problème qu’en France, notamment. Le Parti Socialiste y est actuellement crédité d’à peine 5 % des voix aux Européennes ! Huit putti grincheux accompagnent son vol éthéré dans la légende dorée du socialisme, principalement les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon : ce qui certes, ne facilite pas sa tâche. Beaucoup d’ analystes économiques et politiques incriminent François Hollande. Sur la construction européenne, l’emploi et la transition écologique, le PS de Hollande avait un programme pertinent et bien ficelé ; mais comment le réaliser ? Ensuite, le comment lui-même s’est effacé, et la question est devenue : le réaliser ? Mélancolie de l’impuissance, comme le disait Nietzsche à propos d’un grand compositeur…

De quoi les Européens ont-ils besoin ? Avec quels matériaux construire l’Europe de demain ? Voilà les questions auxquelles nous attendons encore de vraies réponses réalisables. Beaucoup d’auteurs peuvent nous y aider, par exemple Philippe Frémeaux et toute une myriade étincelante d’autres économistes et analystes politiques. Pourquoi la gauche des Etats membres de l’UE les écoute-t-elle si peu ?

 

 

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