La Social-démocratie scandinave 3

En Finlande

Fifi Brindacier (Pippi Langströmp) ? Non : Krista Kiuru, vice-présidente du SDP et ministre de la Communication Foto: OSCE PA/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Fondé en 1899, le Parti social-démocrate finlandais (Suomen Sosialdemokraattinen Puolue) est l’un des trois grands partis de gouvernement de ce pays de moins de 6 millions d’habitants ; il a garni les postes importants très souvent. Le parti, comme presque tous les partis socialistes européens, a été très marqué par la scission, dans les années 1920, entre ceux qui ont suivi fidèlement les directives du Komintern, au nom d’un messianisme « communiste », et ceux qui ont pris la voie de la social-démocratie, c’est-à-dire, du socialisme réformiste.

Mais bien sûr, la social-démocratie a été bien plus profondément marquée par le stalinisme soviétique, à cause de la proximité du pays avec le paradis des travailleurs, où les lendemains chantaient un peu moins que les estomacs et les radios dans les caves de la GPU. Dans ce qu’ on a nommé après 1945 « finlandisation », le SDP n’a cependant pas joué un rôle plus important que les autres partis, notamment le KEKS et le KOK : non pas les personnages d’une bande dessinée pour enfants, mais les deux frères ennemis libéralo-conservateurs que le SDP rencontrera tout au long de son histoire… Au contraire : l’URSS préférait traiter avec ces derniers plutôt qu’avec les tenants d’une autre forme de socialisme, dans un contexte pluraliste.

Le SDP a été le premier parti de Finlande avant 1918 (jusqu’à 47% des suffrages en 1916) ; il est, depuis, rarement passé sous la barre des 20 %, ceci jusqu’à nos jours. La Guerre Civile de 1918 a opéré une coupe sombre dans ses rangs : les dirigeants sont morts, emprisonnés ou exilés dans la nouvelle URSS. Après 1944, le SDP rejoint les défenseurs de la démocratie parlementaire contre les Soviétiques et contre le parti communiste finlandais (le SKP). Mais la neutralité (!) de la Finlande permet à l’URSS d’y faire la pluie et le beau temps, au point que le SDP n’est « autorisé » par les Soviets à intégrer le pouvoir qu’en 1966…

Commence alors la fin de la marginalisation « bourgeoise » du parti, qui lorsqu’il n’occupe pas le pouvoir, joue un rôle essentiel pour ce qui est de l’orientation sociale et économique de la Finlande : grâce à lui, on n’est jamais allé très loin, trop loin, dans la libéralisation économique.

Entre 1982 et 2006, tous les présidents de la République sont issus du SDP. Mais c’est en 1995 que le Parti, dans la « Coalition Arc-en-Ciel » qui réunit partis de gauche et écologistes. 1995, c’est l’année de l’entrée dans l’Union Européenne (en même temps que la Suède et l’Autriche) sur laquelle les grands partis s’entendent.

L’aboutissement provisoire de toutes ces luttes de tendances, des louvoiements des électeurs finlandais entre socialisme démocratique, conservatisme agrarien et libéralisme d’entrepreneurs se lit assez bien dans les résultats, d’ailleurs serrés, des législatives de cette année, qui ont eu lieu le 14 avril. Lors de la législature 2015-2019, la droite est au pouvoir du fait de la croyance des électeurs qu’ elle réglerait le problème du chômage, relativement important alors : par la réduction des dépenses publiques, le projet de privatiser le secteur de la santé et de diminuer les subventions pour le système scolaire et éducatif. La droite, quoi. Mais une fois diminué le taux de chômage (6 % début 2019), revoilou le SDP : les Finlandais, en somme, perçoivent la gravité d’une destruction possible du modèle social, dont les bases demeurent socio-démocrates malgré les slaloms des partis au pouvoir. La réforme de la droite échoue.

Les 2 autres grandes tendances politiques montent alors très fort : la droite populiste des Vrais Finlandais (ou plutôt, si on traduit mieux Perussuomalaiset, les « Finlandais simples, ordinaires ») parce qu’elle exploite une affaire très retentissante dans ce petit pays tranquille : des viols commis à Oulu par des immigrés d’origine africaine et moyen-orientale. Tous les partis approuvent alors la déchéance de nationalité pour les ex-étrangers délinquants, et 40 % des Finlandais se disent très inquiets de ce climat jusqu’alors inconnu au pays des moustiques, des lacs et du tango-balai.

Le scrutin du 14 avril 2019 est très serré. Il débouche sur la victoire attendue des Sociaux-démocrates et la formation par son président, Ante Rinne, du nouveau gouvernement. Ce qui sera fait le 6 juin. Elle se compose d’une coalition des SD avec les écologistes de la Ligue Verte, l’Alliance de Gauche, le Parti populaire suédois de Finlande et … le KESK, le Parti du Centre, le parti du Premier ministre précédent Juha Sipilä, de 2015 à 2010 ! Est-ce une bonne idée ? En tout cas, il importe surtout au SDP, comme si souvent au cours de son histoire, d’assurer un exercice efficace du pouvoir.

Au prix parfois d’une torsion de ses fondements idéologiques et de la justification même de son existence…Quoi qu’il en soit, le défi est passionnant.

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