La Social-démocratie scandinave 2

En Suède : un travail de SAP

Stefan Löfven, le dirigeant de la Social-démocratie suédoise Foto: Anders Henrikson/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Le Parti social-démocrate des Travailleurs a une histoire longue et mouvementée. Mouvementée surtout ces dernières années, qui ont été marquées par la figure de Stefan Löfven ! C’est en Suède pourtant qu’on éprouve le plus le sentiment très puissant que la social-démocratie traduit une aspiration profonde dans la population. Et paradoxalement, que le libéralisme y joue le rôle le plus important, dès les commencements.

La Suède, il n’y a pas si longtemps, était un pays pauvre : pas d’agriculture possible sur ce fichu socle de granit couvert de sapins et de genévriers, et l’industrialisation a été tardive. Différence essentielle avec les voisins danois : et pendant de longs siècles, ces derniers ont subi des razzias suédoises, des « loups » comme les qualifiaient les plutôt prospères Danois, qui n’avaient pour but que de trouver à se nourrir ! Le roman de Jens Peter Jacobsen, Marie Grubbe, témoigne de ce rapport contrasté et difficile.

Dans ce pays resté longtemps assez féodal (la culture des Herregården), l’industrialisation a été tardive. Et par conséquent aussi, la naissance du Parti SD des Travailleurs (Sveriges Socialdemokratiska Arbetareparti, ou SAP) : il n’est né qu’en 1889, presque 20 ans après le Parti SD danois. Mais ensuite, il a occupé le pouvoir quasiment de 1928 à 1996, et n’a été dans l’opposition qu’ entre 2006 et 2014. Parti ouvrier par excellence, il est lié quasi-organiquement au grand syndicat du pays, qui est une courroie de transmission très efficace entre le monde du travail et le pouvoir politique. Mais il ne faut pas omettre de remarquer qu’une puissante veine libérale fermente aussi dans les hautes sphères, sinon dans les troupes du SAP : et ceci dès l’aube glorieuse du parti, depuis que Hjalmar Branting, le premier dirigeant du parti, estimait que l’important, c’était de réformer le capitalisme, et non de croire en une révolution unique et définitive.

Cette distance inaugurale prise par le SAP dès sa genèse détermine sans aucun doute des orientations libérales plus ou moins souterraines, et sous-tend assez évidemment les incertitudes présentes, et futures plus encore, de l’aspect que doit ou devrait prendre une social-démocratie modernisée réellement : c’est-à-dire apte à apporter des réponses concrètes et efficaces aux problèmes sociaux que pose crûment le libéralisme financier.

Les élections de 2018 et celles de 2019 présentent ainsi une importance particulière. Le 9 septembre de l’année dernière avaient lieu à la fois les élections législatives, municipales et régionales. Une participation très élevée, une forte progression du parti d’extrême-droite, les Démocrates de Suède (17,5%), ainsi qu’un score élevé de l’Alliance de droite, passant tout près de la coalition SAP-Verts et Parti de gauche. Et un motto récurrent : la sécurité, à la fois entendue comme la tranquillité face aux diverses délinquances et aux aléas sociaux et professionnels. La nouveauté relative, c’est que les Suédois ne considèrent pus nécessairement que c’est le parti SAP qui est le plus à même de l’assurer.

En substance, les élections suivantes, notamment les européennes de cette année, montrent un tableau semblable. Les bilans crépusculaires et souvent réjouis sur la fin de la social-démocratie suédoise s’avèrent faux et mal fondés ; mais à l’inverse, ce courant politique a incontestablement perdu beaucoup de sa substance. Si les classiques demeurent (forte imposition, droits sociaux importants, prestation sociales excellentes, effort considérable d’intégration des outsiders et des migrants – un gros problème, ici aussi, notamment dans certains grands quartiers de Stockholm), il est difficile d’opérer certains choix , et en amont, les inégalités sociales croissent considérablement ; aucun rapport avec ce qu’elles étaient dans les années 1980.

Et pourtant, dans certains pays où la social-démocratie ne « séduit » plus que 5 % de la population, la Suède reste un modèle, et il y a fort à parier que de là-haut viendront certaines solutions plus qu’intéressantes. A reformuler suivant les différents contextes européens.

 

 

 

 

 

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