La source de tous les maux

Selon le nouveau rapport de l’institut de recherche suédois SIPRI, les dépenses militaires mondiales se situent toujours à un niveau étourdissant – en 2017, le monde a dépensé 1,739 milliards de dollars pour des armes.

Le commerce de la mort nous coûte plus cher qu'on ne le pense... Foto: Georges Seguin (Okki) / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Tous les ans, l’Institut de recherche sur la paix SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) publie son rapport sur le commerce de l’armement dans le monde. Cette industrie, particulièrement forte en France et en Allemagne, totalise un chiffre d’affaires de 1,739 milliards de dollars. Les chiffres traduisent les réalités géopolitiques du moment – les uns augmentent sensiblement leurs dépenses militaires, les autres les diminuent. Mais dans l’ensemble, les dépenses militaires sont le reflet de la folie de notre époque : tous les ans, nous gaspillons des fortunes pour des armes au lieu d’utiliser cet argent pour préserver notre planète, les populations, la paix sociale et un développement durable. La finalité de ce commerce de la mort – maintenir et créer des emplois dans les pays industrialisés qui s’engagent dans tous les conflits dans de tiers pays où les armes produites peuvent être « consommées ».

Dans l’ensemble, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 1,1% l’an dernier pour arriver à ce chiffre d’affaires de 1,739 milliards; une augmentation considérée comme « marginale » par le SIPRI, mais qui montre toutefois que le marché de la mort se porte de mieux en mieux. Et force est de constater que nos responsables politiques font un excellent travail – ils gardent les conflits à distance de nos terres, ce qui permet de vivre en sécurité, en gagnant notre confort en partie grâce à la production et la fourniture d’armes qui tuent ailleurs. Du moins, c’est le constat du Dr. Nan Tian, chercheur au SIPRI : « Au niveau mondial, le poids des dépenses militaires s’éloigne clairement de la région Euro-Atlantique ». Comprendre : nous produisons et vendons un nombre d’armes croissant, tout en achetant moins d’armes nous-mêmes. Donc, notre modèle économique est en partie basé sur l’alimentation de conflits dans d’autres régions du monde.

Quelles sont donc les régions qui investissent le plus dans l’armement ? Surprise – la Russie a sensiblement réduit ses dépenses militaires. A 66,3 milliards de dollars, la Russie réduit son budget défense de plus de 13,7 milliards de dollars. La Chine continue son investissement militaire et dépense pas moins de 228 milliards de dollars dans son armement. Avec de nombreux conflits dans son immense voisinage, la Chine a augmenté son budget défense de 5% en 2017.

Sans surprise, c’est le Proche et le Moyen Orient qui constituent le marché le plus intéressant pour les commerciaux de Rheinmetall, Dassault et les autres. Le bras de fer entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour le contrôle politique sur la région se traduit par des dépenses militaires faramineuses. Ainsi, l’armement représente 12% du BIP de l’Oman, 10% du BIP de l’Arabie Saoudite, 5,8% du BIP du Koweït, 4,8% du BIP de la Jordanie, 4,5% du BIP du Liban, 4,1% du BIP du Bahreïn et dans cette région, Israël dépense 4,7% de son BIP pour l’armement. A titre de comparaison – à l’échelle mondiale, on dépense 2,2% du BIP pour l’armement, ce qui montre que le Moyen et Proche Orient sont un véritable baril de poudre dont la mèche brûle déjà.

Considérant que le chaos politique et les guerres et guerres civiles dans cette région constituent non seulement un marché pour y vendre nos armes, mais également un élément clé qui mène depuis la première guerre du Golfe à une radicalisation galopante autant dans le monde musulman que dans les communautés musulmanes dans les pays occidentaux, l’attitude occidentale est à double tranchant. Le terrorisme et la radicalisation dans nos pays ont créé un nouveau besoin en sécurité interne, ce qui profite, bien entendu, aux équipementiers. Les guerres ailleurs ont donc fini par alimenter aussi nos marchés intérieurs.

Bien sûr, avec 610 milliards de dollars, les Etats-Unis de Donald Trump restent non seulement le plus grand producteur, mais aussi le plus grand consommateur d’armes au monde. Le rapport presque libidineux entre les Américains et leurs armes aidant, Trump rend service à ses amis des grandes entreprises d’armement tout en combattant le chômage.

Et comme tous les ans, il convient de poser la question pourquoi nous dépensons tous les ans 1,739 milliards de dollars pour des équipements de guerre, d’oppression et de terrorisme au lieu d’investir cette somme (qui logiquement existe et qui est donc disponible) pour précisément pacifier cette planète, pour la rendre plus juste, plus saine, plus sûre, plus belle. L’argument de l’emploi dans les pays industrialisés est invalide – l’industrie de l’armement peut autant se transformer vers des services publics et utiles que d’autres industries ont dû le faire dans le cadre de la Révolution Technologique. Le commerce de la mort, qui nous apporte comme « effet secondaire » des phénomènes comme le terrorisme, la réduction des libertés individuelles, un sentiment d’insécurité faisant partie du quotidien, des dépenses militaires accrues etc., n’est pas une nécessité tombée du ciel, mais le résultat de décisions économico-politiques. C’est à la même échelle qu’il convient de déclencher une évolution inverse.

Imaginons ce que nous pourrions faire avec 1,739 milliards de dollars…

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