La vie aux bottes de Macron

Les agressions et insultes contre journalistes et médias deviennent insupportables. Un regard depuis les bottes de Macron.

Aux bottes de Macron, nous autres journalistes gagnons au moins un pognon de dingue... Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – A chaque fois que je me rends dans une manifestation de gilets jaunes pour y exercer mon métier de journaliste, on m’agresse, on m’insulte, on me bouscule. Et à chaque fois, j’entends cette phrase « vous êtes tous aux bottes de Macron ! ». Les manifestants ne savent même pas qu’ils ont parfaitement raison.

Elle est belle, la vie aux bottes de Macron. Le matin, je me réveille vers les 10 heures dans mon spacieux F7 dans le 16e, car ça sonne à la porte. Je mets mon peignoir en soie et me dirige vers la porte d’entrée où mon butler James a déjà fait entrer le coursier de l’Elysée qui vient apporter tous les matins, dans une enveloppe cachetée et bordée d’or, ma mission du jour et le chèque correspondant.

Pendant que James me sert mon petit déjeuner, je découvre ma mission du jour. « Décrédibiliser les gilets jaunes, si nécessaire, en inventant des débordements violents commis par des manifestants pacifiques. Bonne journée, bises, Manu. PS : Brigitte veut savoir si tu viens participer à la partouze du fin du mois chez DSK. On se bigophone. »

D’accord. Une mission devenue presque habituelle, ces jours-ci. « Costard conférence de presse ou uniforme bataille de rue ? », m’interroge James avec son délicieux accent britannique. « Bataille de rue », je réponds en soupirant.

Une heure après, je sors, muni de mon équipement photo, un casque sur lequel est marqué « Press » à la main, brassard avec la même inscription, protection pour la bouche, lunette de natation et me voilà parti vers la Place de l’Etoile. Je prends le métro, car il faudrait être fou pour garer la Bentley à proximité des Champs. Le risque qu’un agent provocateur de la police y mette le feu est trop grand. Mais ça sent mauvais dans le métro : une foule de gens alcoolisés qui probablement, se dirigent comme moi vers la Place de l’Etoile. Pas de déodorant, mais une haleine de Météor à vomir. Et ça, ça veut faire la révolution…

A la Place de l’Etoile, la même scène que depuis des semaines. Des manifestants qui chantent « We shall overcome », accompagnés à la gratte par un hippie retardataire soixante-huitard. Même pas la peine de faire des photos, la seule violence réside dans ce chant et cette gratte mal accordée. Et encore et toujours ces idiots qui apportent des fleurs aux policiers qui eux, émus, se mettent à fraterniser avec les manifestants, jusqu’à ce que le commandant les rappelle à l’ordre.

Je m’adresse au chef du barrage autour de la place de l’Etoile. Je lui montre ma carte de presse et l’accréditation personnelle signée par Manu, et on se met un peu à part pour discuter. « Assez calme, chef, non ? » – « Oui, comme tous les samedis… » – « Chef, il me faut quand même quelque photos de grabuge. Ordre direct de l’Elysée. Vous pourriez vous en charger, s’il vous plaît ? ». Le commandant soupire. La même chose que tous les samedis depuis des mois. Ses hommes en ont marre, car à chaque sortie, ils s’en prennent des coups, des pavés et ils respirent, logiquement, aussi une partie du lacrymo qu’ils dispersent, mais que voulez-vous, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.

Je me mets en position avec mon appareil armé, le commandant regarde en ma direction et lorsque je fais « oui » de la tête, il donne l’ordre de charger. Les policiers au deuxième rang sortent les vapo de lacrymo, arrosent copieusement les hippies en première ligne des gilets jaunes qui, comme d’habitude, n’ont rien vu venir et s’en prennent plein la figure. Je ne peux m’empêcher de rire, ils sont quand même cons, c’est la même histoire depuis des semaines et ils ne pigent toujours pas que ça arrive en première ligne.

Les manifestants commettent l’erreur habituelle. Quelques-uns veulent secourir leur camarades qui se roulent par terre et ça, c’est le prétexte de rêve pour les policiers d’utiliser la matraque. Je travaille avec un excellent objectif 300 mm / f2,8 qui donnera des images spectaculaires du sang qui gicle et souvent, il y a même un manifestant qui ose riposter en essayant de frapper un policier. Des images qui valent de l’or. Une telle image vaut une inculpation pour tentative de meurtre et une belle prime pour moi.

Je fais signe de la tête au commandant qui siffle se troupes. Retrait. Je dois vérifier si j’ai les bonnes photos. En effet, superbe. Un gars en jaune essaye de repousser un policier, on dirait qu’il veut lui serrer la gorge. « Un gilet jaune essaye d’étrangler un policier » – super headline pour demain. Une cinquantaine de photos utilisables. Je fais un dernier salut au commandant qui visiblement, est soulagé que j’aie ce qu’il me faut. Parfois, il faut faire deux, trois charges avant que j’aie les bonnes images.

Rentré chez moi, James me sert le thé et un petit plateau de coke. Après un bon rail, je regarde les photos sur mon Imac, un peu de Photoshop (eh, c’est quand même pas difficile de coller le logo d’un groupe identitaire sur un gilet jaune…) et j’envoie une petite sélection aux agences de presse qui, elles, ont déjà eu leurs missions du jour.

Trop bien. Les agences me paient pour les photos à raison de 1500 à 2000 € la pièce, donc 5 photos, c’est 7500 à 10000 € pour moi. Plus le chèque quotidien de Manu (10000 €), et la vie est belle. Le tout pour, soyons honnêtes, deux à trois heures de « travail » maximum. Vous savez quoi ? Ils peuvent continuer à m’appeler « journaleux » qui travaille pour des « merdias ». A ce tarif-là, ils peuvent m’appeler comme ils veulent, ces pauvres nazes…

1 Kommentar zu La vie aux bottes de Macron

  1. Genau so habe ich mir das vorgestellt.

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