La visite de Winfried Kretschmann à Strasbourg

Quand le Bade-Wurtemberg et l’Alsace signent des accords…

A la Région Alsace, on affiche ses ambitions européennes. Mais il faut faire beaucoup plus sur un plan pratique. Foto: © Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – En recevant, l’autre jour, au siège de la Région Alsace, Winfried Kretschmann, Ministerpräsident des Landes Baden Wurttemberg, le Président Philippe Richert a tenté d’entrée de déminer tout ce que l’intitulé de diverses conventions signées entre l’Alsace et le Bade-Wurtemberg pouvait avoir d’équivoque : il s’agissait de faire signer aux deux présidents une «déclaration d’intention d’approfondissement de la coopération entre le Land de Bade-Wurtemberg et la Région Alsace», assortie d’une déclaration commune en matière de coopération scientifique, d’une part, de formation professionnelle transfrontalière d’autre part : «Qu’on prenne bien garde au sens précis des termes», a cru devoir préciser le Président Richert en poursuivant : «L’expression ’déclaration d’intention‘ peut avoir des allures un peu légères… Or, ce ne sont pas des vœux pieux que nous formulons, ni des engagements purement formels que nous souscrivons aujourd’hui… Nous signons des documents qui se transformeront en actes, qui seront suivis d’effets et se matérialiseront dans les prochains mois… Les coopérations (entre nous) sont intenses et fructueuses dans bon nombre de domaines… Tout, nous invite à aller plus loin…».

Au delà des déclarations d’intention, du concret ! – «Notre coopération concrète dans des secteurs importants de l’activité humaine doit démontrer aux eurosceptiques et aux opposants à l’Eurpe, qu’ils ont tort et que le thème ‘Europe‘ n’est pas réservé aux incantations et aux sermons du Dimanche», a répondu Winfried Kretschmann qui a souligné que dans le cadre de ce qu’il a appelé son «Oberrheintour» (tournée du Rhin Supérieur), il avait rendu visite, la veille, aux cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne, avant de venir à Strasbourg.(1)

Et les deux Présidents de signer les déclarations prévoyant notamment, une intensification -essentiellement dans le cadre de la Région Métropolitaine Trinationale (Alsace, Suisse du Nord, Bade-Wurtemberg et Rhénanie Palatinat)- de la coopération scientifique et universitaire : «Eucor n’est sans doute pas allé assez loin ni assez vite. La mise en place du «campus européen» sera un plus.», a commenté Philippe Richert rappelant l’existence d’Eucor, association de contact et de coopération créée en 1989 par les Universités et Centres de Recherches du Rhin Supérieur. Les déclarations intègrent aussi un volet important sur le développement de la coopération en matière de formation professionnelle transfrontalière : apprentissage transfrontalier (plus d’une centaine de contrats déjà signés en Alsace -formations «infra» ou «post-bac», contrats avec apprentissage pratique dans le pays voisin), formations linguistiques intenses, recherche d’emploi.

Problèmes nés de la démographie du Bade-Wurtemberg ! – «Nous avons pris conscience des problèmes concrets que la démographie pose au Bade-Wurtemberg qui peut offrir des perspectives d’emploi aux jeunes chômeurs alsaciens», a souligné Philippe Richert, le Ministre-Président Kretschmann commentant sobrement : «Les mesures prises et les possibilités offertes ne sont pas encore assez connues. Il faudra développer un programme d’information notamment dans les écoles !»

Parallèlement, il faudra poursuivre les efforts en faveur de la qualification des travailleurs alsaciens : 63.000 d’entre eux travaillent déjà en Allemagne ou en Suisse, mais faute de qualification professionnelle et linguistique, leur nombre a régressé de 22% en une dizaine d’années !

La «Région Alsace» et le Bade-Wurtemberg -et c’est là un vrai projet concret- vont créer et développer «un groupe de travail commun intégrant d’autres partenaires pour définir de nouveaux modules de formation (notamment qualifiante), de nouveaux outils d’information, de nouvelles dispositions pour mieux prendre en considération les besoins des entreprises allemandes. Le groupe définira son projet pour pouvoir bénéficier de financement au titre du programme INTERREG européen. «Ce travail-là sera mené tambour battant», a souligné le Président de la Région Alsace qui poursuit : «Il permettra à la Région Alsace qui porte le projet, d’élaborer la demande de financement Interreg.»

Au delà de «4 Moteurs pour l’Europe». - Avec la signature de ces déclarations d’intention, l’Alsace compte être une partenaire privilégiée du Bade-Wurtemberg et obtenir plus que les résultats obtenus par l’ambitieux accord «4 Moteurs pour l’Europe» («4 Motoren für Europa»), signé en 1988 par l’ ancien Président du Land, Lothar Späth avec la Lombardie, la Catalogne et Rhône-Alpes rejoints depuis par la Province canadienne de l’Ontario et le Pays de Galles britannique. Au cours d’une rapide conférence de presse, qui a permis au Président Kretschmann de mettre en valeur son sens du «tir en touche» (il est vrai que c’était le jour de la rencontre France-Allemagne, au Brésil !), le Ministre-Président du Bade-Wurtemberg n’a guère voulu épiloguer sur les résultats des «4 Moteurs».

Parce ce que elles sont moins ambitieuses que les accords «Späth» de 1988, on peut penser que les déclarations signées à Strasbourg seront concrétisés par des résultats plus tangibles et plus rapides ! On en reparlera le moment venu tout comme, sans doute, on reparlera de l’enseignement du français au Bade-Wurtemberg (330.000 élèves seulement) qu’une réforme risque de menacer : «Les élèves font des choix calculés pour obtenir le plus facilement possible de bons résultats et ils considèrent souvent qu’apprendre l’Espagnol est moins difficile qu’apprendre le français !» a conclu, sans aller plus avant, le Président du Land. Ce n’était peut-être pas le jour d’en… parler, d’autant que la Ministre-Présidente de Sarre, à laquelle Philippe Richert vient de rendre visite, a, quant à elle, décidé de faire du français la première langue étrangère enseignée dans son Land !

(1) Franco-allemand et gauche-droite : Le même jour, Fritz Kuhn, le «Maire vert» de Stuttgart a rencontré, avec Winfried Kretschmann et Toni Vetrano, le Maire (CDU) de Kehl, le Sénateur-Maire de Strasbourg Roland Ries. Ce dernier était accompagné de son Adjoint «vert» Alain Jund. Ils ont visité ensemble la nouvelle crèche franco-allemande de Strasbourg où ils ont découvert le projet de réaménagement urbain du quartier des Deux/Rives/Port du Rhin. Et tandis que le Maire de Stuttgart poursuivait sa visite de la ville, Winfried Kretschmann rejoignait Philippe Richert, le Président (UMP) du Conseil Régional d’Alsace. Décidément, à Strasbourg, on sait pratiquer le franco-allemand, mais aussi le… compromis gauche-droite ! A croire que les compromis des bords de la Spree berlinoise, inspirent les rives du Rhin Strasbourgeois!

1 Kommentar zu La visite de Winfried Kretschmann à Strasbourg

  1. Très intéressant, faits et analyse .
    Le reste de la Grande Région en profitera-t-il? Certes mais pas partout c’est un casse-tête pour les uns et les autres .

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