L’adufe, un instrument percutant

Plus qu’un simple tambourin, l’adufe est chargé d’histoire(s)...

Un adufe photographié au Jardin Botanique de Lisbonne. Foto: Londonjackbooks / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Qu’il soit uni-membranophone dans sa version brésilienne ou bi-membranophone dans sa version portugaise, l’adufe est un héritage de l’occupation arabo-musulmane de la Péninsule Ibérique. Cette occupation s’est étalée au Portugal sur cinq siècles, jusqu’à la reprise de l’Algarve par Alphonse III de Portugal en 1249, contrairement à l’Espagne, pour laquelle la « Reconquista » ne fut totale qu’en 1492, avec la prise de Grenade par les Rois Catholiques.

Dérivé du daff appelé aussi douf, tambourin oriental traditionnellement réservé aux femmes, l’adufe donne le rythme lors des festivités tant profanes que religieuses, mais aussi durant les travaux des champs. De forme carrée, son diamètre va de 30 à 50 cm. Il est constitué d’un châssis de bois pourvu d’une ou deux peaux, dont pour les versions classiques, la tension s’accroît à proximité d’une source de chaleur.

Souvent embelli par des rubans ou des pompons, l’adufe peut être aussi complété à l’intérieur par des grelots, de la grenaille, des graines séchées ou du sable, modifiant ainsi le timbre de l’instrument. Il descendrait du toph, un membranophone sémite, originaire de Mésopotamie, et du tympanon gréco-romain. Du Portugal au Brésil, mais aussi en Espagne, son nom se décline en  adufe, aduf, adduf, aduffe, adofo, pandeiro.

On en joue traditionnellement debout, comme le montre Mariana Root sur une magnifique vidéo tournée en pleine nature. Mais Tiago Manuel Soares, lors d’un enregistrement en studio, maîtrise parfaitement l’instrument en restant assis. Cependant, l’adufe accompagnant les chants des jours fête et les pèlerinages, c’est lorsqu’on en joue debout qu’il prend tout son sens.

Les joueuses d’adufe sont les adufeiras et en 2003, à Niza au nord du Portugal, s’est tenue une réunion d’adufeiras de renommée mondiale. C’est cette année là que Catarina Chitas, célèbre adufeira, s’est éteinte à l’âge de 90 ans. Les rythmes classiques sont issus de la culture berbère d’Afrique du Nord. Le passo, ou rythme du pas, compte 4 ou 8 temps. Le ronda, ou rythme de la ronde, en compte 3 ou 6.

Lors de la colonisation du Brésil, au 16e siècle, les marins portugais y ont introduit l’adufe, et ce sont ses rythmes que nous retrouvons dans la samba. Ainsi, cet instrument passa-t-il de l’Asie à l’Afrique, puis à l’Europe, pour enfin arriver aux Amériques. Un parcours qui, comme pour certaines spécialités culinaires ou ustensiles de cuisine évoqués ici, donne à réfléchir sur la porosité des cultures, et donc les multiples enrichissements dont elle peut être source.

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