L’Allemagne – la deuxième terre d’immigration du monde

Malgré les problèmes liés à une sorte de xénophobie latente, l’Allemagne est aujourd’hui le deuxième pays d’immigration, après les Etats-Unis.

Ceux qui pourraient obtenir cette "carte d'entrée en UE" ont le choix d'aller ailleurs. Foto: Opihuck (d) / Wikimedia Commons / PD

(KL/CTN) – L’Allemagne, deuxième pays d’immigration après les Etats-Unis. Voilà la nouvelle que les autorités allemandes viennent d’annoncer, non pas sans une certaine fierté. Donc, l’Allemagne, terre des réfugiés, terre d’un humanisme champion du monde ? Loin de là – l’immigration en Allemagne correspond à une nécessité démographique et n’a rien d’altruiste.

Le changement démographique est devenu une expression qui hante l’économie allemande. Dans un pays où les infrastructures ne facilitent pas vraiment les familles, de nombreux jeunes remettent à plus tard la fondation d’une famille, le souhait d’avoir des enfants. D’une part, les jeunes actifs craignent que les enfants puissent être un frein à la carrière professionnelle, d’autre part, tout devient compliqué en Allemagne lorsque l’on a des enfants. Trouver un logement («recherchons locataire calme pour appartement dans propriété calme…»), il manque, malgré les dispositions légales, des places en crèche, horaires difficiles – alors, les Allemands ne font plus d’enfants. Au point que «changement démographique» met en péril les entreprises qui ne trouvent plus la main d’œuvre qualifiée.

Ce n’est pas la première fois que l’Allemagne fait appel aux «Gastarbeiter», donc aux travailleurs immigrés. En 1955, en pleine reprise de l’économie allemande, l’Allemagne manquait de main d’œuvre – trop d’hommes avaient péri pendant la IIe Guerre Mondiale et la nouvelle production industrielle à l’époque demandait de plus en plus d’ouvriers. Qui arrivaient alors d’Italie, du Portugal, d’Espagne, d’un peu partout. A l’instar d’autres pays, l’Allemagne considérait ces travailleurs immigrés comme des visiteurs passagers et «oubliait» de les intégrer dans la société allemande. Un «oubli» dont on mesure aujourd’hui l’ampleur dans les cités devenues des ghettos comme ailleurs.

Ce n’est qu’en 1973, l’année de la crise pétrolière qui mettait brusquement un terme à une croissance vertigineuse de l’économie allemande, que l’Allemagne redécouvrait le phénomène du chômage. C’était aussi le point de départ pour cette «nouvelle xénophobie» qui trouvait son apogée cet hiver avec l’émergence de mouvements comme la «Pegida» – dans certaines régions d’Allemagne, être d’origine étrangère n’est pas un atout dans la vie quotidienne…

Aujourd’hui, la politique et les professionnels du marché de l’emploi se sont rendus compte que désormais, un nombre décroissant d’actifs devra assumer les retraites d’un nombre croissant de retraités – une situation peu confortable pour le pays. Et puisque le gouvernement allemand ne peut pas imposer à la population d’augmenter le taux de natalité, le seul moyen est donc d’attirer des étrangers. Mais pas n’importe lesquels – l’Allemagne est aussi sélective que des pays comme le Canada en ce qui concerne l’immigration.

Depuis quelques années, plusieurs paquets de mesures ont été adoptés pour ouvrir la porte à une immigration choisie. Reconnaissance des diplômes et des qualifications acquises à l’étranger, mise en place de la «Carte bleue» européenne pour attirer les étrangers très qualifiés des pays extérieurs à l’Union européenne (UE) : désormais, tout est fait pour accueillir les personnes qualifiées qui veulent venir travailler en Allemagne, et pour les aider à s’intégrer.

Seul bémol – là où ces paquets sont proposés, par exemple en Inde où l’Allemagne essaye de recruter de jeunes talents, le groupe cible est parfaitement conscient de l’ambiance xénophobe en Allemagne – ces jeunes talents préfèrent se lancer aux Etats-Unis ou dans d’autres pays réputés moins hostiles à l’égard de gens venant d’autres cultures.

Moins de 10 000 étrangers hautement qualifiés ont suivi le chant des sirènes allemand et lorsque l’on regarde les critères de sélection pour obtenir la précieuse «Carte Bleue», on comprend pourquoi – pour l’obtenir, il faut présenter un contrat de travail assurant un salaire annuel minimum de 46 400 € (sauf pour les métiers pour lesquels la pénurie est déjà trop pressante, comme par exemple en informatique – pour ces métiers, un salaire annuel de 36 200 € suffit pour obtenir la carte).

L’Allemagne, deuxième terre d’immigration. OK. Sans plus. Pour en être fier, il faudrait que l’Allemagne devienne aussi une vraie terre d’accueil pour les opprimés du monde. Qu’elle s’ouvre culturellement et politiquement. Qu’elle se mette à penser une vraie politique d’intégration et du vivre-ensemble. Nous en sommes encore loin…

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