L’Allemagne présidente du Conseil Européen

Il ne faut pas qu’elle rate cette occasion !

Angela Merkel à Bruxelles avec Ursula von der Leyen Foto: EPP/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Voici qu’à partir du 1er juillet, l’Allemagne a pris la présidence du Conseil européen, pour 6 mois selon la législation européenne. Dans un climat lourd et incertain, point n’est besoin de le préciser longuement : relations avec les Etats-Unis, avec la Chine, avec la Russie, présence encore très réelle et menaçante de la COVID-19… Une grande et belle occasion en tout cas pour la Mutti Angela Merkel de faire définitivement ses preuves et de laisser sa marque sur l’Union Européenne, en essayant d’assurer ce qui risque de manquer à l’Union : un réel avenir et… une vraie unité !

Les sujets ne manquaient pas pour Angela Merkel, qui comme de juste pour une Allemande, préparait visiblement de longue date cette présidence, après celle de la Grèce pour la première moitié de l’année 2020. Au menu de ses collaborateurs, on trouvait sans beaucoup chercher l’union bancaire européenne naguère chère à Emmanuel Macron (qui ne semble plus guère en penser grand-chose aujourd’hui…), la numérisation tous azimuths, une politique de sécurité commune (dont on ne sait pas exactement comment au juste la Chancelière la conçoit) et, bien évidemment, des mesures pour la protection du climat.

Hélas, le COVID-19 a renversé tout cela, et il trône maintenant au premier plan. Pour assez longtemps encore, sans doute, si on en juge par l’obstination du méchant virus à faire encore des dizaines de milliers de victimes à travers le monde. Au point que les médias oublient tout simplement de mentionner des problèmes graves et non réglés : celui des migrants ou celui du Brexit, notamment.

Que se passera-t-il durant les six mois qui viennent ? Nul ne le sait. Mais Angela Merkel, sans aucun doute, sera soucieuse de marquer de son empreinte les derniers temps de ses trente années à peu près de combats politiques depuis que la jeune scientifique fille de pasteur de l’ex-RDA a commencé à occuper des postes importants. Il y faudra en tout cas toute son ardeur, et de la générosité. Cette générosité dont elle sait très bien faire preuve à l’occasion ; surtout quand elle se débarrasse de certains conseillers intraitables qui représentent ce que la roideur et l’esprit d’économie allemands présentent de pire…

Les deux précédentes présidences allemandes en tout cas ont été confrontées à des événements dramatiques et imprévus – mais pourrait-il en être autrement dans ce monde agité ? En 1999, Gerhard Schröder, dirigeant de la SPD social-démocrate, occupait le poste de Chancelier. Il s’agissait alors de préparer l’élargissement de l’Union Européenne aux pays « de l’Est », c’est-à-dire principalement d’Europe Centrale. Ce que Schröder (qui aujourd’hui, travaille au pipeline North Stream 2, dans une collaboration étroite avec les Russes…) a fait plutôt adroitement et avec succès. Mais 1999, c’est encore une année de combats tragiques et très meurtriers dans l’ex-Yougoslavie, principalement au Kosovo (entre l’armée serbe de Milošević et consorts et les Kosovars de culture albanaise). Une année de choix difficile. On se souvient des bombardements de l’OTAN, et de l’octroi aux Kosovars d’un Etat guère viable et soutenu à bout de bras, sécurité oblige…

Au printemps 1999 s’est déroulé aussi cette farce grinçante, grimaçante, du genre de celles qu’on aimerait oublier mais qu’il ne faut surtout pas oublier, du retrait d’une Commission Européenne dont les membres étaient accusés de corruption, bientôt remplacée par une autre et présidée par Romano Prodi – un mal pour un bien, en somme. Une histoire assez ahurissante, mais qui n’étonne guère lorsqu’on se souvient de l’ambiance d’intense affairisme – pire encore qu’aujourd’hui sans doute – qui régnait à Bruxelles.

Mais la précédente fois que l’Allemagne occupait la présidence du Conseil, c’était en 2007. Une période cette fois de tensions persistantes entre la Russie du tsar Poutine 1er et Angela Merkel, alors déjà Chancelière. Mais surtout, la période où la France et les Pays-Bas avaient organisé un référendum sur la « Constitution » européenne, avec les effets délétères d’un tel vote. La Présidente a réussi alors à sauver ce qu’on peut, si l’on y tient, appeler l’« essentiel » du texte de cette « Constitution », dans le Traité de Lisbonne, furieusement libéral dans son esprit, mais qui sauvait symboliquement l’unité de l’Europe institutionnelle.

Aujourd’hui, tous les pays de l’Union Européenne ont les yeux rivés sur l’Allemagne, qui seule a la capacité de mener de grandes réformes et d’empêcher une fragmentation encore plus inquiétante qu’elle ne l’est déjà ; entre l’Est (« Pays de Visegrad ») et l’Ouest, entre le Nord et le Sud, c’est-à-dire l’Espagne, le Portugal, la Grèce. L’Allemagne et sa Chancelière doivent montrer ce qu’elles savent faire.

 

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